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Soudan du Sud: la difficile émergence du plus jeune État du monde

En novembre 2016, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés indiquait que le conflit au Soudan du Sud représentait «l'une des plus grandes crises humanitaires au monde». Avec plus de 2,5 millions de personnes déplacées et des milliers de civils tués depuis que le conflit a éclaté en décembre 2013, le pays s'engouffre dans une spirale de violence à connotation désormais ethnique.
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Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Aïssata Athie, chercheuse au sein de l'ONG Global Network of Women Peacebuilders, où elle travaille sur les questions de femmes, de paix et de sécurité en Afrique subsaharienne. L'article qu'elle soumet au blogue traite de la question de l'émergence de l'État au Soudan du Sud et du contexte politique post-indépendance.

En novembre 2016, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés indiquait que le conflit au Soudan du Sud représentait «l'une des plus grandes crises humanitaires au monde». Avec plus de 2,5 millions de personnes déplacées et des milliers de civils tués depuis que le conflit a éclaté en décembre 2013, le pays s'engouffre dans une spirale de violence à connotation désormais ethnique.

Désarmement d'enfants soldats, région du Pibor, 2016 (© AFP/Charles Lomodong)

Six ans après : où est la paix?

Retour en arrière de six ans : c'était le 9 juillet 2011, les Sud-Soudanais et la communauté internationale se réjouissaient de la proclamation de l'indépendance du Soudan du Sud. Après des années de lutte et de revendications, il s'agissait de mettre un terme aux tensions ethniques, sociales et économiques entre le Soudan au nord, majoritairement musulman, et le nouvel État au sud, à majorité chrétienne.

Changement d'ambiance en décembre 2013, la violence remplace les scènes de joie. Les partisans du Président Salva Kiir affrontent ceux du vice-président Riek Machar, le Président Kiir accusant ce dernier d'orchestrer un coup d'État en vue de le renverser. Une guerre civile se déclenche et Riek Machar fuit le pays, ralliant une partie de l'armée et formant ainsi une rébellion. En août 2015, un accord de paix est signé et en avril 2016 Machar revient à Juba pour reprendre son poste. Toutefois, l'accord qui prévoit un partage des pouvoirs et un gouvernement d'union nationale, peine à être mis en œuvre. Riek Machar quitte de nouveau le pays et les violences reprennent. Certaines milices de la mouvance pro-Machar se désolidarisent, entraînant ainsi une fragmentation du conflit.

Ce qui a commencé comme un conflit politique semble s'être transformé en conflit ethnique, opposant la majorité ethnique des Dinkas (l'ethnie du Président Kiir) à la minorité Nuer (l'ethnie du vice-président Machar). Le conseiller spécial des Nations Unies sur la prévention du génocide Adama Dieng affirmait devant le Conseil de sécurité de l'ONU, en novembre 2016, avoir vu au Soudan du Sud «tous les signes qui montrent que la haine ethnique et le ciblage des civils peuvent déboucher sur un génocide si rien n'est fait pour l'empêcher». Doit-on craindre la répétition du scénario rwandais de 1994?

Les civils pris pour cible

Les observateurs de l'Union africaine et des Nations Unies notent depuis décembre 2013 des cas de meurtres, viols et autres violences sexuelles, ainsi que le recrutement forcé d'environ 17 000 enfants par des groupes armés. Les armes à feu circulent librement dans le pays dans un contexte où chacun cherche à se faire justice soi-même en l'absence d'autorité étatique forte.

Les besoins en aide humanitaire ne cessent de croître : en 2016, près de 6,1 millions de personnes, soit la moitié de la population totale du pays, étaient en besoin d'aide humanitaire. La famine et la malnutrition atteignent des niveaux élevés; ainsi, plus d'un million d'enfants âgés de moins de 5 ans souffrent de malnutrition. Le bureau des Nations Unies de la coordination des affaires humanitaires prévoit une augmentation de 20 à 30 % des besoins en aide humanitaire au cours de l'année 2017, en raison des violences qui persistent, du déclin économique et de l'incapacité de l'État à fournir des services de base.

Le rêve lointain des perspectives de développement

Au jour de l'accession à l'indépendance, l'ancien président de la Banque mondiale Robert Zoellick évoquait l'importance de transformer «la journée de l'indépendance en une décennie de développement». La communauté internationale s'enthousiasmait de ce nouveau partenaire et marché potentiel, le Soudan du Sud possédant la troisième plus grande réserve pétrolière en Afrique. La Chine a ainsi investi des milliards de dollars dans le secteur pétrolier du pays.

Cependant, la situation sécuritaire instable fait fuir les investisseurs étrangers et les violences ont entraîné la fermeture de nombreuses plateformes pétrolières. Le Soudan du Sud produit aujourd'hui environ 120 000 barils par jour, soit 50 % de moins qu'avant le début du conflit, entraînant un important déficit dans l'économie nationale, aggravé par la chute du prix du baril. Le gouvernement peine à centrer ses efforts sur le développement des infrastructures. Le pays se hisse à la quatrième place des pays les plus corrompus du monde et l'aide étrangère se concentre désormais sur l'aide humanitaire plutôt que sur l'aide au développement.

Quel avenir?

Face à ce déclin, la priorité réside dans le règlement du conflit en s'adressant au manque de cohésion nationale et en réformant les institutions du secteur de la sécurité. Se pose alors la question de savoir quel acteur international pourrait conduire la médiation dans ce conflit souvent éclipsé de l'attention internationale?

Avec près de 14 000 soldats déployés sur le terrain dans le cadre de sa mission de maintien de la paix (MINUSS), l'ONU semble être l'acteur idéal. Toutefois, plusieurs incidents où les Casques bleus ont failli à leur mission de protection des civils, y compris à l'intérieur de camps de réfugiés, ont entaché la réputation de l'ONU. Fin décembre 2016, l'ONU rejetait le vote d'un embargo sur les armes au Soudan du Sud, malgré les appels répétés lancés par l'ancien Secrétaire général Ban Ki-moon et des ONG, en faveur d'un embargo pour la résolution du conflit. En plus de relations tendues avec le gouvernement national, l'ONU dispose de peu d'influence sur la situation et réclame ainsi une plus grande action des pays de la sous-région dans les efforts de médiation. Cependant, la majorité de ces pays sont eux-mêmes confrontés à des crises politiques internes ou à des situations sécuritaires précaires. C'est le cas notamment au Soudan, en Centrafrique et en République démocratique du Congo.

La situation au Soudan du Sud se cristallise : avec un processus de paix au point mort et doté d'une économie faible et dépendante, sans acteur extérieur ayant un réel pouvoir de médiation, la crise humanitaire dans le pays ne cesse de s'aggraver et l'action de la communauté internationale demeure quasi inexistante.

N'hésitez pas à contacter Ève Claudel Valade, coordonnatrice du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.

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