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Il n'y a pas que le secteur de la coopération internationale qui soit en danger. Il y a aussi, et peut-être surtout, notre démocratie.
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Ce billet du blogue Un seul monde a été écrit par Charles Saliba-Couture, fondateur et coordonnateur du blogue et chargé de projets au Centre interdisciplinaire de recherche en développement international et société (CIRDIS).

Dans les derniers mois, plusieurs nouvelles d'importance en matière de coopération internationale, sur la scène canadienne et québécoise, ont fait les manchettes. Le bilan n'est pas très beau et il n'y a pas que le secteur de la coopération internationale qui soit en danger. Il y a aussi, et peut-être surtout, notre démocratie.

Des verbes à la mode : couper et fermer...

Le 10 septembre dernier, l'Institut Nord-Sud, un institut de recherche canadien de renommée internationale et travaillant sur divers enjeux liés au développement international, annonce sa fermeture après 38 ans d'existence en raison de « difficultés à diversifier [ses] sources de financement », si l'on en croit le communiqué officiel. La nouvelle a joui d'une grande couverture médiatique, et la plupart dénonce le manque d'appui du gouvernement canadien, qui, comme l'affirme le McLeod Group, a pourtant une certaine responsabilité dans la reconnaissance et l'appui de l'excellence de la recherche dans le domaine. D'ailleurs, selon certain(e)s, le refus du gouvernement fédéral d'appuyer l'Institut Nord-Sud illustrerait un refus de financer la recherche au sens large, et ce, même si l'Institut Nord-Sud a aligné ses thématiques de recherche sur les priorités actuelles du gouvernement conservateur (ressources naturelles, secteur privé, santé maternelle, etc.).

Bien que les raisons et les mandats diffèrent, on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec d'autres entités, cette fois gouvernementales, qui ont disparu ces dernières années. Rappelons-nous entre autres de la disparition de Droits et démocratie en 2012, notamment en raison de son financement octroyé à trois organisations palestiniennes de défense des droits (pour environ 30 000 $ seulement!), ce qui ne correspondait pas à la vision pro-israélienne du gouvernement conservateur.

Le Centre Pearson pour le maintien de la paix a aussi fermé ses portes en 2013 par « manque de financement du gouvernement fédéral » alors que le Canada était vu dans le passé comme étant un leader en matière de « missions de maintien de la paix », une « invention canadienne » que l'on doit à Lester B. Pearson.

Durant cette même année, certains se demandaient également si le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), une société d'État canadienne née en 1970, ne serait pas la prochaine cible des coupures/fermetures à caractère politique, notamment en raison de la paralysie du conseil d'administration dont 70 % des sièges étaient vacants (plusieurs le demeurent d'ailleurs encore aujourd'hui).

À cette triste liste s'ajoute bien évidemment la disparition de l'Agence canadienne de développement international (ACDI), qui a été intégrée au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement à l'été 2013.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), souvent qualifiées d'« ONG progressistes », ont aussi vu leur financement coupé par le gouvernement fédéral, dont KAIROS et Alternatives en 2009-2010 conséquemment à leur position propalestinienne et à leurs critiques des politiques gouvernementales.

Outre ces quelques cas connus et médiatisés, de nombreux organismes de coopération internationale (OCI) vivent une période d'incertitude face aux coupures de 319 millions de dollars sur 3 ans annoncés dans le budget fédéral 2012, soit 8 % du budget total, sans compter les 290 millions non dépensés en 2012-2013, ce que certains ont qualifié d'une « coupure par d'autres moyens » ou « par l'inaction ». Face à cette dure réalité, plusieurs OCI n'ont souvent pas d'autre choix que de « s'adapter ou de mourir ».

On parle souvent du gouvernement fédéral, mais le Québec n'est pas à l'abri non plus de cette vague d'austérité, vague qui très souvent fait des dégâts dans le secteur de la coopération solidaire québécoise. Des « rumeurs » ont également circulé sur le fait que le ministère des Relations internationales et de la Francophonie pourrait être rétrogradé au statut de secrétariat. Nous sommes donc bien loin de voir naître un jour l'Agence québécoise de solidarité internationale (AQSI).

... Surveiller et auditer

En plus de toutes ces coupures et fermetures, il y a un autre phénomène, qui est tout aussi, sinon plus, dérangeant : c'est la surveillance médiatique ainsi que le contrôle et les vérifications menées par le gouvernement fédéral auprès d'OCI et d'organisations de bienfaisance.

Récemment, on apprenait que le gouvernement canadien - alors qu'il coupe le financement de toute une gamme d'organisations - a investi plus de 20 millions de dollars en surveillance et veille médiatique depuis la fin 2012 afin de tâter le pouls sur ce que disent les médias du gouvernement conservateur. Il y aurait également plus de 800 événements (conférences universitaires, manifestations, etc.) qui auraient été observés et rapportés au gouvernement depuis 2006.

Cette surveillance va même plus loin : le gouvernement conservateur a dressé une « liste d'ennemis » où figurent de nombreux individus et organisations à qui l'on reproche d'avoir des points de vue qui divergent du gouvernement fédéral. Une coalition canadienne de plus de 200 organisations de la société civile, Voices-Voix, avait d'ailleurs réagi en 2013 à l'existence de cette liste, comme étant le symbole même d'une démocratie en péril.

Enfin, on ne peut passer sous silence les vérifications de l'Agence du revenu du Canada (ARC) auprès de diverses organisations perçues comme étant nuisibles pour le gouvernement conservateur, quoiqu'il en dise, étant donné leurs positions face aux politiques actuelles. C'est notamment le cas de Kairos, d'Amnistie internationale Canada, d'Équiterre, de la Fondation David Suzuki et du Centre canadien des politiques alternatives.

Couper, fermer, surveiller, auditer... Voilà, semble-t-il, les principaux verbes du Bescherelle du gouvernement conservateur. Les élections fédérales de 2015 viendront peut-être remplacer ces verbes par d'autres, mais il n'en demeure pas moins que les dommages qu'ont connus le secteur de la coopération internationale - et notre démocratie - seront difficilement réversibles.

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