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Plutôt que de célébrer la guerre, construisons la paix!

En partant du constat que dans les guerres modernes, les villes sont le théâtre principal des combats et les populations civiles les victimes majoritaires, lutter contre les conflits devient une cause vitale.
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Ce billet du blogue Un seul monde a été écrit par Raphaël Canet, professeur à l'École de développement international et mondialisation de l'Université d'Ottawa. Il a récemment participé au Forum social mondial sur les initiatives de paix à Sarajevo.

Du 6 au 9 juin 2014 s'est déroulé à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, le premier Forum social mondial sur les initiatives de paix et la sécurité humaine (FSM-Paix). L'évènement a réuni 2 500 participants provenant de 32 pays et a donné lieu à plus de 200 ateliers, conférences et tables rondes, ainsi que de nombreuses activités culturelles. Le Québec était représenté à ce Forum par un collectif coordonné par les Initiatives internationales des YMCA du Québec et UNIAlter, qui regroupait 35 personnes et qui a organisé plus d'une dizaine d'ateliers ainsi qu'une action collective autour du symbole d'un coquelicot blanc géant.

Ce vaste rassemblement de la société civile mondiale fut l'occasion d'explorer diverses alternatives au militarisme, mais aussi de promouvoir plusieurs campagnes et opportunités d'engagement de différentes organisations du mouvement pour la paix. Le message symbolique porté par le Forum se voulait clair et sans équivoque, en ces temps de commémoration du déclenchement de la « Grande Guerre » de 1914 à 1918, plutôt que de célébrer la guerre, construisons la paix!

Dans cette perspective, nous avons débattu à Sarajevo du lien nécessaire entre la paix et la justice sociale, ainsi que de l'importance de promouvoir une culture de non-violence afin de contrer les discours militaristes ambiants qui se nourrissent de l'obsession sécuritaire et de la peur de l'« Autre ». La question du genre et la place des femmes dans la construction de la paix furent aussi au centre des discussions, tout comme l'indispensable devoir de mémoire qui impose un rapport franc au passé, axé sur la reconnaissance des violations des droits humains, étape fondamentale afin de cheminer vers une véritable réconciliation.

Sarajevo est une ville symbole. Située à la croisée des cultures et des civilisations, bien qu'enclavée dans les montagnes, elle a dû se soumettre, lors de sa très longue histoire, aux velléités expansionnistes des puissances voisines. Les empires (romain, byzantin, ottoman, austro-hongrois, IIIe Reich allemand) se sont succédé en Bosnie, forgeant un peuple bigarré, où coexistent quatre religions (musulmans, catholiques, orthodoxes et juifs), un peuple riche et composite qui manifeste ses différences dans chacun des quartiers de cette Jérusalem des Balkans, chacune de ses places, de ses rues, de ses habitant(e)s.

Pour certain(e)s, cette diversité est dangereuse, explosive, source d'une possible fragmentation meurtrière que pourrait occasionner le déchaînement des passions ethniques. C'est la vision de la poudrière des Balkans, celle qui a causé la Première Guerre mondiale, alors qu'un jeune nationaliste serbe de Bosnie de 18 ans, Gavrilo Princip, assassinait en plein centre-ville l'héritier du trône d'Autriche-Hongrie. C'est aussi cette vision qui a déchiré l'ex-Yougoslavie au lendemain de la chute du mur de Berlin, plongeant la Bosnie-Herzégovine dans une guerre opposant Serbes, Croates et Bosniaques, faisant 200 000 victimes, 500 000 blessé(e)s et 1 million de déplacé(e)s. Une guerre fratricide qui visait à effacer des siècles de coexistence pacifique en rasant les monuments historiques, en divisant les communautés, les familles, en détruisant les corps, les cœurs, les esprits. Une sale guerre qui visait à semer la graine de la haine intercommunautaire en perpétrant des atrocités qui avaient pour nom purification ethnique, viols systématiques, charniers, Srebrenica...

Pour d'autres, cette diversité est une richesse, une opportunité de profiter du mélange de toutes ces cultures pour élargir les horizons et cheminer vers l'universel. Sarajevo apparaît ainsi comme un terreau fertile pour apprendre le « vivre ensemble » dans le respect de l'autre et l'acceptation des différences. Là semble se jouer l'avenir de la mondialisation. En effet, les flux de toutes sortes qui parcourent désormais la planète mettent aujourd'hui l'humanité face à une alternative. Soit elle profitera de cette interconnexion globalisée pour cheminer vers la prise de conscience cosmopolitique et la construction d'une citoyenneté mondiale qui, par-delà la diversité culturelle, permettra la mise sur pied d'institutions garantissant le respect des biens communs de l'humanité. Soit elle ne trouvera d'autre issue aux tensions sociales générées par les inégalités croissantes qui se développent avec l'imposition du marché mondial libéralisé, que dans la guerre et la quête de boucs émissaires. Triste répétition de l'Histoire.

Pourtant, durant cette semaine de juin 2014, Sarajevo est apparue aux participants du FSM-Paix comme la capitale de l'espoir. Construire un monde de paix et de justice est possible. Cela passe par le renforcement de la société civile et l'engagement citoyen. Outre les multiples campagnes contre le commerce des armes, le nucléaire, les drones ou encore les appels à rassemblement lors du prochain sommet de l'OTAN au Pays de Galles en septembre, deux initiatives prometteuses ont attiré notre attention.

La première est la campagne globale Move the money, portée au niveau international par le International Peace Bureau, qui demande une réduction de 10 % des dépenses militaires annuelles afin que la communauté internationale atteigne les Objectifs du millénaire pour le développement de l'ONU. Nos gouvernements consacrent plus de 1 700 milliards chaque année en dépenses militaires, soit 615 fois le budget annuel de l'ONU. Comme le soulignait récemment son Secrétaire général, le monde est surarmé et la paix est sous-financée. Il importe de faire pression pour remettre les priorités budgétaires à la bonne place.

La seconde, plus locale, est celle des Maires pour la paix. Cette initiative, lancée il y a plus de 30 ans par le maire de la ville d'Hiroshima, est aujourd'hui un réseau de plus de 6 000 villes dans 158 États ou régions du monde. Partant du constat que dans les guerres modernes, les villes sont le théâtre principal des combats et les populations civiles les victimes majoritaires, lutter contre les conflits devient une cause vitale. À Sarajevo, ville meurtrie par 4 années (1992-1995) d'un siège sanglant qui fit plus de 11 000 victimes, le message fut très bien entendu. Montréal est d'ailleurs déjà membre de ce réseau, ainsi que 103 autres villes au Canada.

C'est par la multiplication et la conjugaison de ce genre d'initiatives globales et locales qu'un autre monde pourra émerger. Rendez-vous au Forum social des peuples en août 2014 à Ottawa, ainsi qu'aux deux prochaines éditions du Forum social mondial, en Tunisie en mars 2015 et à Montréal en août 2016.

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Avril 2018

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