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Agroécologie, agriculture et aide internationale féministe

Puisque les femmes jouent un rôle majeur en agriculture et en alimentation, investir dans une agriculture durable est une stratégie prometteuse pour mettre en œuvre la politique d'aide internationale « féministe » et assurer une transition vers des systèmes alimentaires viables.
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Jacinthe Moffat

Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Nadia Ponce Morales, chargée de programme et conseillère en environnement chez SUCO, et Mélissa Cabana, chargée des relations externes de la même organisation. Le billet qu'elles nous présentent aujourd'hui traite de l'importance du caractère féministe dans les politiques d'aide internationale, notamment dans le cadre d'une transition vers des systèmes alimentaires durables.

En juin 2017, la ministre du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau, lançait la nouvelle politique d'aide internationale féministe du Canada. De nombreuses organisations ont salué l'engagement du gouvernement canadien pour favoriser le plein exercice des droits des femmes et des filles, condition indispensable à l'atteinte des objectifs de développement durable (ODD).

Puisque les femmes jouent un rôle majeur en agriculture et en alimentation, investir dans une agriculture durable est une stratégie prometteuse pour mettre en œuvre la politique d'aide internationale « féministe » et assurer une transition vers des systèmes alimentaires viables.

Une transition s'impose

Environ 75 % des personnes les plus pauvres vivent en région rurale et sont des femmes ou des jeunes jouant un rôle majeur dans l'alimentation de leur famille. La température moyenne mondiale augmente, les sécheresses et les pluies sont de plus en plus abondantes, ce qui accroît la gravité et la fréquence des catastrophes naturelles et des crises alimentaires. Ces aléas du climat, qui font diminuer la productivité agricole et rendent les prix volatils, nuisent grandement à l'accès aux aliments.

Un système alimentaire qui n'enraye pas la faim

Bien qu'il y ait plus de calories disponibles par habitat depuis les années 1960, 2 milliards de personnes ont des carences en micronutriments (vitamines, minéraux), 1,9 milliard de personnes sont obèses ou en surpoids et 800 millions de personnes continuent de souffrir de la faim dans le monde (IPES Food, 2016). L'expression souvent utilisée « de la terre à l'assiette » prend tout son sens quand on pense à l'urgence de transformer la manière dont les aliments sont cultivés, puis acheminés.

La perte de variétés indigènes à certaines régions au détriment des cultures industrielles génère également une dégradation du patrimoine alimentaire.

De nombreuses études, dont un rapport exhaustif publié en 2016 par le Groupe international d'experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES Food), documentent le fait que les politiques actuelles favorisent un modèle agricole et des systèmes alimentaires industriels généralement sous forme de monocultures destinées aux marchés internationaux. Ce modèle vise principalement la production de grains et de forages pour le bétail, mais aussi les cultures non alimentaires ou les aliments comme l'huile et le sirop de maïs. La perte de variétés indigènes à certaines régions au détriment des cultures industrielles génère également une dégradation du patrimoine alimentaire.

L'agroécologie, une solution viable

Existe-t-il des solutions viables? La science et de nombreuses expériences effectuées au Canada et dans le monde démontrent que les systèmes alimentaires durables et diversifiés sont possibles. L'expérience de SUCO en matière d'agroécologie démontre les effets des approches qui permettent de satisfaire les besoins alimentaires (quantité et qualité), tout en restaurant les écosystèmes et en développant l'économie.

Par exemple, dans le cadre d'un vaste programme réalisé au Nicaragua de 2011 à 2017, financé par Affaires mondiales Canada, 2 378 jeunes ont été formés en agroécologie, transformation et commercialisation. Ces jeunes et leur famille ont introduit 25 nouvelles sources d'alimentation et augmenté leur production de 26 % malgré deux années consécutives de sécheresse aggravée par le phénomène El Niño. Aujourd'hui, toutes ces familles consomment les aliments qu'elles produisent neuf mois par année. De plus, avec la commercialisation de leurs produits, elles ont augmenté leurs revenus, leur permettant ainsi de se procurer des aliments supplémentaires pendant la période où la production agricole est moins élevée. Ces familles ont donc accès à des aliments variés à l'année, et ce, dans un contexte environnemental difficile.

« Pendant les cours, j'ai appris à cultiver la terre et à prendre soin de l'environnement. J'ai développé mon plan d'affaires et créé ma propre microentreprise de desserts cuisinés maison à partir d'aliments que je cultive sur ma terre. C'est très important pour moi, j'ai diversifié les aliments que je produis sur la ferme de ma famille, j'ai mes propres revenus et je suis indépendante », raconte Dixa, 21 ans, participante de Proga-Jeunes, projet de SUCO au Nicaragua.

Des politiques pour des systèmes alimentaires durables

Cette expérience n'est pas unique. Au Canada et au Québec, la relève agricole innove pour transformer les ressources locales en aliments sains et accessibles, raccourcir les trajets et créer une plus grande proximité avec les consommateurs. Ces expériences démontrent qu'il est possible de promouvoir un modèle agricole à petite, moyenne ou grande échelle, tout en maintenant la fertilité des sols, les économies en matière d'utilisation d'eau, l'équilibre des écosystèmes, ainsi que la diversification et l'augmentation de la production.

Les attentes en vue de l'élaboration de la première politique alimentaire du Canada et de la politique bioalimentaire du Québec sont élevées.

L'alimentation a la cote dans le programme politique actuel, ici comme ailleurs. Les attentes en vue de l'élaboration de la première politique alimentaire du Canada et de la politique bioalimentaire du Québec sont élevées. Imaginons un instant ce que nos agriculteurs et nos agricultrices pourraient faire avec des politiques alimentaires et agricoles adéquates, repositionnant l'humain et la biodiversité au cœur de la production et de la transformation.

Que ce soit les gouvernements ou la société civile, tous reconnaissent l'impact direct des choix alimentaires sur la santé, l'environnement et l'économie.

Vers l'atteinte des objectifs de développement durable

Un investissement accru dans ce secteur permettrait de contribuer à l'atteinte de 12 des objectifs de développement durable (ODD). Favoriser l'adoption de techniques agroécologiques performantes par les petits exploitants, majoritairement des femmes et des jeunes, permettrait d'augmenter et de diversifier la production agricole, donc de garantir une alimentation saine et variée. Grâce à une formation de qualité, ces femmes et ces jeunes augmenteraient leur rendement agricole et pourraient investir dans leur famille au lieu d'acheter des intrants chimiques coûteux. Leur environnement serait plus sain et les services naturels (pollinisation, cycle naturel de l'eau, etc.) rendus par les écosystèmes seraient restaurés.. L'agroécologie devrait être au cœur du programme de développement du Canada pour assurer l'autonomisation économique des femmes et lutter contre les changements climatiques.

N'hésitez pas à contacter Ève Claudel Valade, coordonnatrice du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.

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Avril 2018

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