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Lettre aux jeunes visés par la réforme de l'aide sociale

François Blais pense que si 40 % des jeunes ayant vécu dans une famille sur l'aide sociale font eux aussi une demande d'aide sociale, c'est parce qu'ils auraient été éduqués par des parents qui leur auraient inculqué une «culture de la pauvreté». C'est ignoble.
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Salut,

On ne se connaît pas, je sais. Mais mes collègues et moi, on pense à toi souvent, à tous les jours. Notre travail, c'est de tenter d'améliorer les politiques et les interventions qui te viennent en aide. On essaie aussi de faire en sorte que le monde dans lequel on vit soit un peu mieux, qu'il soit plus humain et que tu puisses y faire ta place de la façon que tu juges la meilleure.

Mais malgré l'espoir qui nous anime, je reste très inquiet. Révolté même. J'ai l'impression qu'en ce moment, il y a d'immenses pressions qui cherchent à nous faire perdre notre instinct d'entraide, celui-là même qui a permis à l'espèce humaine de survivre.

C'est quand même curieux d'écrire que je suis inquiet, parce qu'en ce moment, tu es au centre du discours et des actions politiques du gouvernement. Que ce soit en santé mentale, dans le secteur de l'emploi ou de l'éducation, tu es visé par ceux et celles qui écrivent les politiques publiques.

Peut-être devrais-je être rassuré par cette attention toute spéciale de leur part. Peut-être devrais-je me réjouir qu'ils et elles visent plus spécifiquement ceux et celles qui, comme toi, n'ont pas eu les mêmes privilèges que ces technocrates qui dirigent les ministères. Mais permets-moi de rester vigilant et sur mes gardes.

As-tu entendu parler le ministre François Blais à propos des jeunes qui font une première demande d'aide sociale? C'est ignoble. Il pense que si 40 % des jeunes ayant vécu dans une famille sur l'aide sociale font eux aussi une demande d'aide sociale, c'est parce qu'ils auraient été éduqués par des parents qui leur auraient inculqué une «culture de la pauvreté».

Ça voudrait dire que ces enfants auraient été habitués à vivre avec un revenu de misère et voudrait poursuivre ce mode de (sur)vie parce que c'est plus facile que de travailler. Oui, tu as bien lu. Le ministre pense que vivre sur l'aide sociale, c'est facile et confortable..., avec moins de la moitié de ce qu'il faut pour combler ses besoins de bases.

Il pense que si une personne n'a pas de billet du médecin qui «prouve» qu'elle ne peut pas travailler, et bien elle est paresseuse et a besoin de menace pour se rejoindre les rangs des contribuables. Car désormais, il n'y a plus d'aide sociale pour les personnes dites «sans contrainte» qui se tournent pour la première fois vers le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale pour obtenir un soutien financier de dernier recours. Elles seront bientôt obligées de participer au nouveau programme Objectif emploi, sans quoi ladite aide financière de dernier recours n'est pas accordée, ou coupée jusqu'à moitié en cas d'absences répétées. Rien de moins.

Personnellement, je pense qu'il fait dangereusement fausse route. Parce qu'en réalité, il y a un paquet de raisons, diverses et variables, qui expliquent qu'une personne «ne parvienne pas» à s'en sortir. Mais, hélas, l'idéologie néolibérale a colonisé l'esprit du ministre et détruit ce qui lui restait de bon sens sociologique.

Et c'est justement là où ça se corse. On se bat précisément contre ce mode de pensée qui tente de remplacer le «pouvoir» par le «vouloir».

  1. Vouloir : Appliquer sa volonté, son énergie à obtenir quelque chose
  2. Pouvoir : Avoir la possibilité, les moyens physiques, matériels, techniques, etc., intellectuels, psychologiques, etc., de faire quelque chose

Dans le premier cas, on est dans le registre de la motivation, du désir, de l'intention, du bon vouloir. On limite le spectre des possibles à la seule responsabilité et volonté individuelle à parvenir à ses fins. La formule le dit bien «quand on veut, on peut ». Dis-moi, est-ce que les choses sont aussi simples?

Dans le second cas, on est dans le registre de la possibilité, de la capacité à faire quelque chose. On ouvre le spectre des possibles à un contexte, un environnement qui, au moins en partie, échappe à la volonté et au contrôle immédiat des individus.

La volonté, je suis convaincu que tu n'en manques pas. Des possibilités? Je suis prêt à faire le pari qu'il en manque et qu'elles sont inadéquates. Partages-tu mon avis?

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