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France-Québec : ce couple maudit!

Ah! La relation passionnelle et conflictuelle entre Français et Québécoises fait encore une fois couler beaucoup d'encre et suscite des réactions tout aussi enlevées! Clichés redondants, points de vue politisés ou expériences peu heureuses font que le couple franco-québécois est au pire dépeint comme une utopie, et au mieux, comme une relation dont la survie est improbable. «Pourquoi si peu de Québécoises sortent avec des Français ?» se demandait Pierre Chaigneau dans son billet de la semaine dernière.
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Ah! La relation passionnelle et conflictuelle entre Français et Québécoises fait encore une fois couler beaucoup d'encre et suscite des réactions tout aussi enlevées! Clichés redondants, points de vue politisés ou expériences peu heureuses font que le couple franco-québécois est au pire dépeint comme une utopie, et au mieux, comme une relation dont la survie est improbable.

«Pourquoi si peu de Québécoises sortent avec des Français ?» se demandait Pierre Chaigneau dans son billet de la semaine dernière.

Québécoise d’origine, je suis mariée avec un Français depuis 27 ans. Je vais vous livrer mon expérience et peut-être même tenter de changer votre perception sur cette alliance interculturelle présentée comme un échec inéluctable.

Mon histoire ne débute pas par une rencontre fortuite dans un café branché du Plateau. J’ai plutôt eu le bonheur de vivre le véritable coup de foudre, de l’autre côté de l’Atlantique, dans le décor féérique de la ville lumière. Je suis arrivée à Paris, au début des années 80, dans un pays où les hommes et les femmes partageaient encore les WC (toilettes en québécois) dans tous les restaurants et bars de la capitale ! Sur les énormes affiches publicitaires de 3 par 4 mètres tapissant les rues de la ville y compris dans ses longs couloirs du métro, des femmes aux seins nus vantaient les mérites du yaourt ou promettaient d’enlever leur petites culottes afin d’encourager les consommateurs à acheter une certaine marque de lessive. Les scandales d’infidélités d’hommes politiques ou de stars en vogue faisaient déjà la une des journaux à potins, tandis que les animateurs télé, quelque peu surexcités, s’amusaient ouvertement à flirter avec les Miss Météo aux allures frivoles. Des aberrations absolument inimaginables dans notre Québec sérieusement marqué par le mouvement féministe.

Ma surprise fût aussi grande que ma réaction violente ! Comment était-il possible de rester de marbre devant de telles manifestations sexistes et accepter sans broncher ces comportements indigestes ? Les Français étaient-ils vraiment des misogynes sans scrupules ? Et les Françaises étaient-elles toutes des gourdes soumises ?

Les femmes ne semblaient pourtant pas choquées outre mesure par l’image qu’on dépeignait d’elles. Était-ce l’habitude de se voir si souvent dénudées au cinéma ou sur les plages de St-Tropes ou tout simplement était-ce dû à l’histoire de leur pays regorgeant d’exemples tout aussi provocants? Peu importe la raison, jamais ai-je senti les françaises comme des femmes dociles, exploitées ou dénigrées. Bien au contraire, j’étais plutôt fascinée par le respect et l’admiration qu’elles suscitaient autour d’elles. Le décalage entre le modèle affiché et la réalité était surprenant.

L’attitude des hommes à leur égard, et par ricochet, au mien, me déboussolait et chamboulait tous mes repères. De toute évidence, l’art d’être un parfait gentleman était enseigné aux garçons et sans doute transmis de génération en génération comme un héritage précieux. Les règles du savoir vivre et de l’étiquette, issues de l’éducation bourgeoise traditionnelle, ainsi que la galanterie, directement sortie des romans chevaleresques, servaient à la fois à charmer la gent féminine et à positionner le mâle dans la relation.

Comment devais-je réagir face à ces hommes entreprenants et culottés? Le vouvoiement et les «mademoiselle » édulcoraient les rencontres et avaient pour effet de flatter ma féminité plutôt que de menacer mon intégrité. Cependant, l’idée que je risquais de troquer mon statut de femme indépendante pour celui de femme soumise trottait dans ma tête. Dès lors, je me braquais.

Ainsi comme toute bonne Québécoise élevée avec les valeurs de chez nous, je refusais de me conformer aux habitudes des Françaises et demeurais sur mes positions et mes acquis. Je me ridiculisais en essayant de ramasser l’addition lors d’une invitation à souper ou en insistant pour payer mon billet de théâtre alors que mon cavalier avait, au préalable, tout réglé. Il était hors de question que l’on m’ouvre une porte ou qu’on m’aide à enlever mes bottes, car, moi, la Québécoise, je savais faire tout cela, toute seule…aucun homme était indispensable à ma survie. N’oublions pas le baratin savant dès les premiers instants d’une rencontre, les envolées lyriques ainsi que les réflexions profondes sur l’être, et n’importe quelle

fille née de ce côté-ci de l’Atlantique n’aurait pu se sentir autrement que dépassée.

Ma première réaction était de me demander quel jeu farfelu me proposait mon prétendant. Qu’attendait-il de moi après tant de sollicitude?

Rarement sommes-nous témoins de ce genre de comportement au Québec. Tout au contraire, la drague ici est simple, directe et sans prétention. Les hommes et les femmes adoptent des comportements et des tactiques bien loin des stratagèmes de l’amour courtois. Les intentions sont limpides comme de l’eau de roche. Pas de fla-fla, pas de jeux, d’entourloupettes ou de sous-entendus.

Saurions-nous seulement réagir à une approche galante à la française sans brandir nos pancartes et crier des slogans revendiquant notre autonomisation? Si nous partageons la même langue, de toute évidence nous ne parlons pas le même langage.

La Québécoise, quoi que très indépendante, n’est tout de même pas si différente de toutes les autres femmes. Elle devrait savoir apprécier la subtilité et la finesse avec lesquelles le «dragueur» français s’amuse à la séduire. Il n’est pas question de machisme ou de misogynie dans sa démarche mais bien d’élégance et de sophistication : le verbe qui encense la pensée, le geste qui célèbre la féminité, l’attitude qui couronne l’individu. Alors pourquoi a-t-elle tant de mal à se laisser bercer par autant de galanterie ?

Oppressée tout au long de son histoire, la Québécoise craint de perdre la place qu’elle a mis tant d’année à se tailler au sein du couple et face à l’homme. Elle a mené bataille contre un clergé omnipotent et rétrograde, contre maintes politiques sociales d’asservissement, contre un système éducatif visant à la museler et à la domestiquer. Elle s’est depuis peu libérée d’un carcan social patriarcal accablant que ni les françaises ni les américaines n’ont connu. Elle se fait dorénavant un devoir de maintenir ses acquis. Elle voit sans doute dans le Français, la réminiscence d’un temps où elle n’était que l’ombre d’elle-même. Je comprends qu’elle puisse s’en méfier. J’avais les mêmes appréhensions envers le Français, ce galant manipulateur, ce séducteur habile décrit mille fois dans les œuvres classiques.

Je suis prête à affirmer que notre désir d’indépendance, parfois excessif, nous prive de certaines attentions masculines, qui adouciraient sans doute un peu la rudesse qui nous caractérise. Pas surprenant que nous préférions les hommes grands, lourds, forts et directs! Comme si ces critères de sélection nous permettaient de rééquilibrer notre relation avec les hommes.

Nous vivons à présent au Québec dans une société récemment matriarcale, alors que les Français perpétuent l’idéologie du patriarcat. C’est de cette différence que se forgent les incompréhensions fondamentales entre les Français et les Québécoises. Valeurs masculines contre valeurs féminines. Dans ces conditions, le couple franco-québécois est-il viable?

Les treize années en France et les quinze années au États-Unis et au Québec partagées avec mon mari parisien me laissent penser qu’il est possible de voir grandir et évoluer un couple biculturel quel que soit le continent. Ce n’est pas tant les écarts culturels qui mènent la relation vers l’échec, mais bien notre incapacité à accepter, respecter, intégrer et harmoniser dans notre vie de couple, les différences fondamentales entre valeurs masculines et féminines.

Car, en y regardant de plus prés, la Québécoise est-elle plus heureuse ou mieux assortie avec l’homme Québécois? Ce dernier, à travers son histoire et son parcours, a la réputation et l’image d’être «un bon gars». Il est, à ses yeux, dotés de réelles qualités : doux, gentil, conciliant et sécurisant, qualités que l’on espère trouver chez un ami ou le père de ses propres enfants. En toute franchise, les Québécoises veulent- elles réellement d’un homme « rose » comme partenaire amoureux ou ne recherchent-elles pas plutôt un homme ayant compris et adopté leurs valeurs féminines?

Si le nombre de couples franco-québécois qui perdurent est restreint, le sort des couples québécois pure laine n’est guère plus réjouissant lorsqu’on analyse les statistiques de divorces et le nombre effroyable de personnes vivant seules. Le couple parfait n’est donc pas une question de nationalité, de langue ou de culture. Si le couple traditionnel se voit formé d’une femme et d’un homme, il est grand temps de redonner, au sein de la relation, la place qui revient à chacun. L’égalité des droits est primordiale dans toutes les sphères de notre société, tant au travail qu’à la maison, en passant par l’éducation des enfants.

Cependant, je persiste à dire que dans le cadre de la relation amoureuse, la femme a tout avantage à retrouver sa véritable essence féminine et laisser le mâle agir comme tel. La différence entre Québécois et Français réside peut-être simplement dans le fait que ces derniers n’ont jamais laissé personne les empêcher d’exprimer haut et fort leurs véritables valeurs masculines.

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