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Les libertariens au pays du conservatisme

Les conservateurs et les libertariens partagent finalement un ennemi commun : la gauche. Alors que les premiers lui reprochent généralement son progressisme sur des questions sociales, les seconds les accusent de toujours vouloir plus d'État dans nos vies.
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S'affichant souvent à droite sur l'échiquier politique, les libertariens cherchent cependant à se distancer des conservateurs avec lesquels ils ne partageraient pas les mêmes valeurs. Plusieurs libertariens aiment à se dire progressistes ou encore de gauche sur le plan social. Leur idéal repose sur l'idée d'une société où le libre marché serait le principal outil de régulation social et dans laquelle l'État ne jouerait qu'un rôle minimal. Dans ce capitalisme idéalisé, la couleur de peau, le sexe ou encore l'orientation sexuelle n'aurait aucune importance.

Malgré cela, on peut voir des libertariens s'associer avec des conservateurs. C'est notamment ce que mettait en lumière l'article de La Presse concernant l'implication d'Éric Duhaime dans les « Macron Leaks ». En bref, un militant anti-Macron, Jack Posobiec, qui aurait contribué à la diffusion des courriels piratés, aurait affirmé que Duhaime aurait joué un rôle « déterminant » de la traduction de ces derniers. Cette information a, par la suite, été réfutée par les deux principaux intéressés. Nonobstant ce démenti, cet article a permis de mettre en évidence les liens qu'entretient le populiste de Québec avec « The Rebel ». Duhaime contribue en effet depuis quelque temps à couvrir l'actualité politique pour ce site.

«The Rebel » est un site internet ouvertement conservateur comme en témoignent les idées véhiculées par ses collaborateurs. En voici quelques exemples : Jack Posobiec, qui est un chroniqueur pour ce site, est également un partisan de Donald Trump en plus d'être souvent associé à l'extrême droite américaine. Gavin McInnes défend des positions misogynes, affirmant notamment que les femmes sont trop faibles physiquement pour entrer dans la police ou dans l'armée et que le féminisme est responsable des viols commis sur les femmes. Faith Goldy milite, quant à elle, pour une limitation du droit à l'avortement.

Ainsi, malgré les différences idéologiques entre conservateurs et libertariens, Duhaime ne semble pas être indisposé à s'associer à ces individus. Et son cas n'a rien d'exceptionnel. Plusieurs libertariens n'hésitent pas à s'associer à des groupes conservateurs. Un autre libertarien québécois, Jean-Luc Migué, contribue à la revue conservatrice et réactionnaire Égards. Cette dernière critique notamment l'«avortement sur demande, [l']abolition des écoles chrétiennes [et le] mariage homosexuel. » (http://www.egards.qc.ca/?page_id=16) Il est aussi possible de voir aux États-Unis des libertariens cohabiter avec des conservateurs sociaux et religieux dans le Tea Party ou le Parti républicain. On peut constater quelque chose de similaire au sein du Parti conservateur canadien dans lequel un libertarien comme Maxime Bernier siège aux côtés de députés proavortement. Comment expliquer ces alliances alors que des conservateurs défendent des idées allant théoriquement à l'encontre des revendications premières des libertariens ? Quelques pistes de réflexion peuvent être avancées afin de mieux comprendre ce phénomène.

L'association avec des conservateurs peut donc être vue comme un moyen d'avoir plus de poids politique sur certains enjeux.

Il est tour d'abord possible de penser que les libertariens sont plus proches des conservateurs que ce qu'ils le laissent entendre. En effet, plusieurs conservateurs, notamment américains affirment être en accord avec plusieurs idées libertariennes, plus particulièrement en ce qui a trait à la réduction des dépenses publiques et de la taille de l'État. Son influence reste cependant marginale. L'association avec des conservateurs peut donc être vue comme un moyen d'avoir plus de poids politique sur certains enjeux.

On peut aussi voir que les arguments économiques, privilégiés par les libertariens, permettent de renforcer des idées conservatrices. Prenons par exemple la question des inégalités. Pour les conservateurs et les libertariens, la société est fondamentalement inégalitaire et il serait dangereux de tenter de corriger ce fait. Les libertariens soutiendront cependant cette thèse par le biais de la « science » économique. Celle-ci étant aujourd'hui considérée comme une science aussi rigoureuse que la physique ou la chimie, les libertariens peuvent défendre des idées conservatrices tout en se revendiquant de l'objectivité scientifique. C'est ainsi que l'Institut Économique de Montréal prétend justifier « rationnellement » qu'une hausse du salaire minimum serait nuisible pour l'ensemble de la société.

Les conservateurs et les libertariens partagent finalement un ennemi commun : la gauche. Alors que les premiers lui reprochent généralement son progressisme sur des questions sociales, les seconds les accusent de toujours vouloir plus d'État dans nos vies. Malgré cette divergence, il est possible de suggérer que l'alliance des conservateurs et des libertariens ait comme objectif de faire front commun contre la gauche.

En somme, je n'entends pas ici expliquer de manière définitive le rapport qu'il peut exister entre les libertariens et les conservateurs. J'ai suggéré des pistes qui sont avant tout exploratoires. Il me semble cependant clair que ces deux « droites » ont un rapport beaucoup plus étroit qu'il n'y parait à première vue, et comprendre cette relation est à notre avis nécessaire si nous souhaitons appréhender les transformations actuelles de l'échiquier politique.

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