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Emmanuel Macron sera élu président

Parce qu'il compte radicaliser l'application du projet économique de la «mondialisation malheureuse» en France, la présidence d'Emmanuel Macron porte en germe la montée en flèche des votes pour Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélanchon.
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Si Emmanuel Macron est incontestablement un très brillant stratège, il aura été sur la forme un très piètre candidat: mauvais orateur, mauvais débatteur, sans charisme; et multipliant les gaffes rédhibitoires, telles que d'expliquer que pour un jeune de banlieue d'aujourd'hui, l'alternative dans la vie se résume à devenir chauffeur Uber ou vendre de la drogue. Par ailleurs, sur le fond, les scores des uns et des autres au premier tour indiquent que son programme pro-mondialisation est rejeté par la majorité de l'électorat français. Néanmoins, parce que le second tour lui fera affronter Marine Le Pen, et parce que la très large majorité des Français serait prête à voter même pour une chèvre si cela fait barrage à l'extrême droite, Emmanuel Macron sera selon toute vraisemblance élu président de la République le 7 mai 2017.

Son programme consiste toutefois à aller encore plus loin dans l'actuelle «mondialisation malheureuse». Partant du postulat que gouverner dans l'intérêt des 0,1% les plus riches ruisselle ensuite en surcroît de croissance et de prospérité sur tout le reste de la population, ce projet politique consiste à intensifier les privatisations, à déréglementer les activités de la haute finance, à baisser les taxes sur les investisseurs et les actionnaires, à réduire la voilure des services publics, à réduire massivement les effectifs des fonctionnaires, à faciliter les licenciements, et à baisser les protections sociales pour la population prise dans son ensemble. Ce projet implique en outre de maintenir ou d'accroître l'ouverture de l'économie du pays à la concurrence de biens et services pourtant produits via le dumping social, fiscal ou écologique. Cela entraîne la pérennisation du chômage de masse du fait de cette concurrence déloyale. Et cela conduit le même projet à abaisser les protections sociales que contient le droit du travail, en arguant du fait que seules ces réformes permettent d'être compétitif face aux pays pratiquant le dumping.

Le projet de la «mondialisation malheureuse» n'est pas particulier à Emmanuel Macron. Avec une intensité comparable à ce que ce dernier propose, il a notamment été appliqué dans l'Allemagne de Gerhard Schröder, au Royaume-Uni de Tony Blair, ou auparavant par les États-Unis d'Amérique de Bill Clinton. Sous une forme plus radicale, il a auparavant été imposé dans la plupart des pays d'Amérique du Sud et en Russie durant les années 1990 (voire dès les années 1980 pour le Chili). Toujours est-il que ce type de réformes aboutit invariablement à la même conséquence sociale centrale: le basculement de la majorité de la population dans ce que le sociologue Guy Standing appelle le précariat, nouvelle grande classe sociale composée des gens qui ont des débuts de mois difficiles et qui ne savent pas où ils en seront socio-économiquement dans les trois mois qui viennent.

Dans les démocraties où ces politiques sont appliquées, cette explosion du précariat conduit à la montée du vote antisystème, sous deux grandes formes: le vote antisystème xénophobe et raciste; le vote antisystème altermondialiste.

Dans les démocraties où ces politiques sont appliquées, cette explosion du précariat conduit à la montée du vote antisystème, sous deux grandes formes: le vote antisystème xénophobe et raciste; le vote antisystème altermondialiste. Il y a bien sûr des nuances. Dans les pays qui ont une expérience historique récente d'un régime d'extrême droite, grosso modo seul le vote antisystème altermondialiste monte. C'est le cas des pays d'Amérique du Sud dans les années 2000, avec par exemple Lula au Brésil et Rafael Correa en Équateur. Dans les pays qui ont au contraire une expérience historique récente d'un régime d'extrême gauche, seul le vote antisystème d'extrême droite (ou le glissement de la droite vers l'extrême droite) apparaît: par exemple la Hongrie de Victor Orbán. Et dans les pays qui n'ont connu récemment ni l'un ni l'autre, ce sont les deux votes antisystèmes à la fois qui grimpent: c'est le cas au Royaume-Uni, avec le parti xénophobe UKIP et avec l'altermondialiste Jeremy Corbyn devenu leader de la gauche. C'est également le cas en France, avec la montée de la xénophobe raciste Marine Le Pen et de l'altermondialiste Jean-Luc Mélenchon.

De fait, parce qu'il compte radicaliser l'application du projet économique de la «mondialisation malheureuse» en France, la présidence d'Emmanuel Macron porte en germe la montée en flèche des deux votes antisystème.

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