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Le sport russe plus haut, plus fort... et plus dopé

Le professeur de droit canadien, Richard H. Mc Laren, confirme l'existence d'un dopage d'État en Russie d'une ampleur et d'une gravité inégalées depuis la chute du mur de Berlin.
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«Citius, Altius, Fortius» à savoir plus vite, plus haut, plus fort. Pierre de Coubertin, qui proposa cette devise en 1894 à la Sorbonne lors de la création du Comité international olympique (CIO), a dû se retourner dans sa tombe à la lecture du rapport du professeur de droit canadien, Richard H. Mc Laren. Ce dernier vient, dans un rapport accablant de 97 pages actuellement uniquement disponible en anglais et commandé par l'Agence Mondiale Anti-dopage (AMA), de dévoiler publiquement ce que tout le monde supputait depuis longtemps.

Une politique russe de dopage décidée au plus haut niveau de l'État

Le Canadien confirme en effet l'existence d'un dopage d'État en Russie d'une ampleur et d'une gravité inégalées depuis la chute du mur de Berlin. Richard H. Mc Laren décrit un système mis en place au plus haut niveau de l'État puisqu'il accuse le ministre des Sports d'avoir «dirigé, contrôlé et couvert la manipulation des résultats des tests anti-dopage effectués en Russie». Ledit ministre se serait appuyé pour ce faire sur le FSB, à savoir les services de sécurité intérieure russes, sur le CSP à savoir le centre de préparation des équipes nationales (l'INSEP russe), sur RUSADA à savoir l'agence nationale russe de lutte contre le dopage, sur les laboratoires anti-dopage de Moscou et de Sotchi et sur la Fédération russe d'athlétisme.

Nommé en qualité d'expert indépendant par l'AMA le 19 mai 2016 et assisté d'une équipe multidisciplinaire, Richard H. Mc Laren a eu 57 jours pour rendre son rapport public. Confronté à une masse de données énorme, son approche n'aura pas été exhaustive ni même systématique. Mais il détaille son enquête de manière précise dans son rapport et écarte toute hypothèse selon laquelle ses conclusions pourraient être remises en cause du fait de ses choix méthodologiques.

L'AMA devra prochainement décider si elle étend le mandat du professeur canadien et de son équipe. Mais à ce stade, ses conclusions sont claires, non équivoques et férocement accusatoires: tous les échelons sportifs russes auraient participé à cette politique de dopage. Du ministre des Sports, en passant par les services secrets, les fédérations, les autorités de lutte contre le dopage, leurs laboratoires, les entraîneurs et les sportifs.

Le dopage ou l'escroquerie du sportif

Certes, le dopage est couvert par une législation ad hoc dans beaucoup de pays, dont la France. Il est également couvert par une convention internationale tout comme il l'est par un Code mondial auquel la charte olympique renvoie. Bref, nous savons a priori ce qu'est le dopage, comment le définir et comment le sanctionner. Sauf que...

Sauf que nous pourrions dire les choses plus clairement. Le dopage est une escroquerie. C'est l'escroquerie de l'athlète au sens générique du terme vis-à-vis de ses paires, vis-à-vis du milieu sportif en général et vis-à-vis des diverses fédérations et organisations qui le gouvernent.

Selon les articles 313-1 à 313-3 de notre Code pénal, «l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.»

«Dire d'un sportif qu'il est dopé est une chose. Dire de lui que c'est un escroc en est une autre. Bien plus infamante.»

Pour constituer le délit d'escroquerie, il convient de cumuler l'utilisation d'un moyen frauduleux, la tromperie et de générer un préjudice dans le chef de la ou des victimes.

En l'occurrence, nous pourrions considérer que le «sportif-escroc» emploie des «manœuvres frauduleuses» en vue de tromper ses adversaires et les fédérations ou organisations en charge de la compétition et ainsi de se faire «consentir» un titre de champion tenant compte de performances faussées par ses pratiques dopantes.

Le «sportif-escroc» utilise bien des «moyens frauduleux» (des produits dopants et des pratiques visant à en cacher la prise), se rendant coupable d'une «tromperie» à l'égard des participants et organisateurs de compétitions auxquels il cause sans nul doute un vrai «préjudice».

Dire d'un sportif qu'il est dopé est une chose. Dire de lui que c'est un escroc en est une autre. Bien plus infamante. Bien plus sévère. Mais bien plus parlante à tous points de vue. Car le dopage est une véritable infamie pour le sport et ses valeurs.

Il serait d'une naïveté décourageante de croire que seul l'athlétisme pourrait être concerné en Russie. Il serait en réalité bien plus réaliste de se demander quelle discipline sportive a pu, dans ce pays, échapper à ce dopage érigé en véritable système politique.

Il serait tout aussi naïf de penser que ces pratiques de dopage d'État sont limitées à la Russie.

Et il serait finalement irresponsable d'oublier que ce scandale éclabousse l'athlétisme mondial alors même que la fédération internationale n'a pas encore fini d'écarter, en son sein, ceux qui ont couvert contre espèces sonnantes et trébuchantes, les athlètes dopés et leurs complices.

Il ne nous reste plus qu'à nous accrocher désespérément à l'Agence Mondiale Anti-dopage, qui a fait sa part du boulot et au CIO à qui revient la décision de sanctionner, ou pas, la Russie. La tentation pourrait être grande, pour celui-ci, de ne sanctionner que les seuls athlètes. Comme les gladiateurs étaient parfois jetés aux lions pour calmer la plèbe.

Ce serait une grave erreur et il nous faudrait alors rappeler à Thomas Bach, président du CIO, les «principes fondamentaux de l'olympisme» tels qu'inscrits dans la Charte olympique placée aujourd'hui sous sa responsabilité et notamment son point 1 qui stipule que:

1. L'Olympisme est une philosophie de vie, exaltant et combinant en un ensemble équilibré les qualités du corps, de la volonté et de l'esprit. Alliant le sport à la culture et à l'éducation, l'Olympisme se veut créateur d'un style de vie fondé sur la joie dans l'effort, la valeur éducative du bon exemple, la responsabilité sociale et le respect des principes éthiques fondamentaux universels.

Alors «Citius, Altius, Fortius», tout à fait d'accord. À grands coups de produits interdits, pas d'accord. Que les «sportifs-escrocs» et leurs complices restent loin des stades. Ou alors qu'on ne vienne plus nous parler des valeurs de l'olympisme.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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