Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

L'économie engluée dans le pétrole

L'économie noir goudron domine le monde, le profit en est le gouvernail, cette ressource dictant les guerres, les accords non tenus, les tensions entre États.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Le pétrole nous colle à la peau. L'économie noir goudron domine le monde, le profit en est le gouvernail, cette ressource dictant les guerres, les accords non tenus, les tensions entre États. Hautement volatile, il enflamme les finances, une relation énergétique qui nous conduit droit dans le mur.

Moteur à explosion.

La marée noire est dévastatrice tant au niveau de l'environnement que de l'économie.

Nous savons tous que le Canada s'est retiré de Kyoto, pétrole et sables bitumineux obligent, tant pis pour la planète, l'image internationale du Canada et pour l'Alberta aux paysages scarifiés.

Oublions le point de vue environnemental, social et humain. On connaît l'Exxon Valdez, le port de Cacouna et les bélugas, l'Antarctique, la guerre en Irak et les faux rapports de George W. Bush, le projet du pipeline Nothern Gateway, le rapport du GIEC, la Louisiane...

L'or noir nous pousse vers l'obscurantisme

Notre économie cessera de croître et cela risque de bientôt d'arriver. Pas dans 5 ou 10 ou 40 ans, nous prédit Jeff Rubin, l'économiste. La fin de la croissance est très proche. Question de quelques trimestres.

Les environnementalistes s'appuient sur les rapports du GIEC. Mille scientifiques ont écrit conjointement un dernier rapport GIEC dont je parlais dans un précédent blogue.

Il y a de quoi s'alarmer. Tout le monde est d'accord là dessus, y compris Jeff Rubin, qui écrivait dans son dernier ouvrage : «Combien de ces catastrophes naturelles «exceptionnelles», «qui n'arrivent que tous les cent ans», devrons-nous subir avant de reconnaitre qu'elles sont devenues la norme? Pour les économistes, la notion d'un monde sans croissance relève de la pure science-fiction, même si la plupart d'entre eux reconnaissent que le coût élevé des sources d'énergie réduit le PIB.» Car, explique-t-il, c'est inscrit dans l'ADN de tout économiste de considérer la croissance comme une parole d'évangile.

Jeff Rubin connaît la chanson, il était l'économiste en chef de la section des marchés mondiaux de la CIBC: «Après avoir observé que la hausse du PIB diminuait pendant que le prix du pétrole montait, je ne pouvais chasser de mon esprit que la croissance pourrait plafonner un jour.»

Si vous adhérez à l'école de pensée keynésienne issue de l'université de Cambridge, vous croyez que l'on peut remédier aux récessions grâce aux interventions de l'État. Cette théorie s'appuie sur l'idée que les dépenses stimulent l'économie. L'autre option privilégiée consiste à couper les taux d'intérêt pour inciter les consommateurs à emprunter puis à dépenser.

Issue de l'université de Chicago, l'autre pensée, à l'inverse, est l'économie du laissez-faire. Laissez le marché faire son travail et l'économie se remettra sur pied. Une récession dans cette vision est toujours temporaire.

Les politiciens, eux aussi, ne croient qu'en la sacro-sainte croissance, panacée de tous les maux. En creusant encore et encore, augmentant la dette et le déficit. Une porte tournante, expression que j'emprunte à Jeff Rubin. Comprenez par là, je contracte une dette pour couvrir une autre dette. La spirale. Demandez à la Grèce.

Avec un déficit budgétaire de près de 10 % du PIB, les États Unis se situent en fait dans la même ligue que la Grèce. «On n'avait jamais abordé l'éventualité d'une croissance statique». Croissance statique?

Ce que nous savons avec certitude, c'est que le cours du pétrole a quadruplé au cours des 10 dernières années. Ce qui influence la croissance, ce n'est pas la disponibilité des réserves ou la découverte de nouvelles ressources, mais son prix pour nous le rendre accessible.

Il ne fait pas de doute que la source d'énergie la plus importante pour l'économie de la planète est le pétrole. Le pétrole fournit quotidiennement plus du tiers de l'énergie nécessaire à la planète.

Plus des deux tiers de chaque baril sont consacrés au transport.

«La relation est directe : la croissance économique fonction de la consommation d'énergie, et le baril à plus de 100 $ oblige dorénavant les économies les plus importantes sur la planète à rétrograder et à s'immobiliser. Chaque nouveau baril extrait coûte plus cher que le précédent. En dix ans, les prix ont quadruplé», explique-t-il dans son ouvrage La Fin de la croissance, je le conseille aux ministres des Finances.

«Plus nous brulons de pétrole, plus l'économie mondiale croît rapidement. On peut tracer une ligne droite entre le pétrole et le PIB», ajoute-t-il. Et chaque fois que le cours du pétrole s'est envolé, l'économie mondiale est tombée en récession.

Exemples ? La stagflation des années 1970, la guerre du Kippour en 1973, le brut qui s'enflammait en 1974 et le PIB des États-Unis diminuait de 2,5 %, puis l'effondrement du marché financier en 2008...

En 2008? Comment s'est comporté le prix du pétrole juste avant la pire crise depuis 1930? Le prix du baril qui se négociait à 30 $ en 2004 a atteint un pic de 147 $ le baril à l'été 2008.

«Lorsque le prix du pétrole augmente, l'inflation suit, et lorsque le taux d'inflation augmente, les banques centrales réagissent en haussant les taux d'intérêt pour contenir les cours.Les taux d'intérêt ont quintuplé et asséné un coup fatal au marché immobilier américain.»

Peu importe la nouvelle, le prix du pétrole se trouve être à la base du problème. Clair comme de l'eau de roche. Limpide.

Ce qui compte pour l'économie, c'est ce qu'il en coûte pour exploiter de nouvelles sources de pétrole. Il ne suffit pas de trouver de nouveaux gisements, faut-il qu'ils soient exploitables. Travailler au fond des océans, dans l'Antarctique par - 40, - 50, - 60, les investissements nécessaires à l'extraction projetteront nos économies encore plus dans la récession. Sans parler des risques environnementaux à couvrir.

Et la Chine dans tout cela ? Les pays émergents font émerger de réelles problématiques, pas seulement au niveau des GES. Selon Wards AutoWorld, le cap du milliard de propriétaires a été franchi en 2010.Toujours en 2010, la Chine a augmenté ses commandes de près de 1 million de barils à sa consommation quotidienne. Selon les experts de l'industrie automobile J.D. Power and Associates, les ventes devraient doubler et atteindre les 35 millions de véhicules en Chine et quadrupler en Inde -11 millions de voitures.

Ironie de l'Histoire, les enfants de Mao sont devenus le banquier des adorateurs capitalistes de la statue de la Liberté.

La Chine est sans nul doute le plus important acheteur de pétrole tandis que le Venezuela possède les plus vastes réserves. Le rapprochement de la Chine et du Venezuela inquiète les États-Unis. Quand les États-Unis s'inquiètent, on connaît leurs tendances interventionnistes. (Grèce-les colonels, les Contras- Nicaragua, la baie des cochons-Cuba).

La Chine ne se tourne pas que vers l'Amérique du Sud. Le Nord aussi a du potentiel pour son appétit vorace.

En 2010, Sinopec, société de raffinage appartenant à l'état chinois, a versé 4,65 milliards de dollars pour une participation de 9 % dans Syncrude qui exploite le plus vaste des quatre gisements des sables bitumineux de l'Alberta. La première du genre, mais pas la dernière, sans nul doute. À la fin de 2011, Sinopec a allongé 2,9 milliards de dollars pour acquérir la totalité de Daylight Energy, une société d'exploration qui possède ses installations en Alberta et en Colombie-Britannique.

Nul besoin de vous dire que l'attitude des politiques vis-à-vis de la Chine a changé. Si c'est l'argent qui a le dernier mot, c'est certain qu'on le dit en chinois.

Voici le contexte politique, géopolitique, économique, environnemental ou géologique, Jeff Rubin écrit que la tâche de l'industrie de l'énergie ne consiste pas simplement à trouver du pétrole, mais à en trouver que nous avons les moyens de consommer. «À l'image du Danemark, nous pourrions consommer moins. Le pétrole dans les sables bitumineux ou dans l'océan arctique pourrait rester là où la nature l'a déposé», conclut-il.

Si ce n'est pas notre conscience et les changements climatiques qui nous pousseront à changer de comportement, Jeff Rubin est convaincu que ce sera notre portefeuille et un rapport à une nouvelle économie qui nous poussera à devoir nous adapter. C'est peut-être une chance pour la nature.

Au vu de la nature humaine, je serais enclin à le croire. Aujourd'hui brulent 90 millions de barils de pétrole chaque jour.

Rubin, Jeff - La Fin de la croissance - Éditions Hurtubise- 4e trimestre 2012

Traduit de l'anglais titre original : The End of Growth

VOIR AUSSI SUR LE HUFF POST

Des photos étonnantes des sables bitumineux

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.