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Le mercredi 15 janvier, 7 h 24, à l'antenne de France Inter, le célèbre chroniqueur, André Manoukian présentait le nouvel album de Pierre Lapointe lors de son émission. Seulement en écoutant, les oreilles de la figure de Radio Canada, Monique Giroux, ont chauffé.
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J'ai souri, d'une oreille à l'autre, en écoutant ces échanges sur cette éternelle comparaison, cet acharnement à vouloir dicter les mots s'appuyant sur je ne sais quel héritage du passé. Détenteur des bons mots et du mot juste, de la tournure qui s'écoute plus elle-même qu'elle n'est destinée à être entendue. Imposer la formule, celle qui pose le doigt là où on la sent, dans un français d'excellence qui se doit d'être ensuite comparé entre cousins éloignés. Ah la famille! Soupeser chaque mot, chaque idée et chaque image qui nous viennent à l'esprit quand on parle de l'autre, celui de l'autre côté de l'océan. Ce cousin-là.

La douce guerre des mots teintés par-ci et par-là d'une condescendance ou qui résonne comme telle dans une bouche francophile, voilà qu'une critique pourtant élogieuse de Pierre Lapointe soulève l'ire de Monique Giroux sur les ondes de Radio Canada:

« Parce que c'est plus fort que moi... [...] parce que le bucheron québécois de base et sa Maria Chapdelaine ont maintenant accès à Internet et aux réseaux sociaux [...] J'ai eu la chance d'entendre votre éloge de Pierre Lapointe [...] J'en ris encore [...] nombre de vos concitoyens qui comme vous utilisent des raccourcis étroits [...], vos cousins québécois en ont ras la tuque de votre instance bornée à reproduire inlassablement un flot de clichés éculés quand il est question de parler de nous [...]. »

Rien de moins.

Mise au point que la journaliste Monique Giroux veut humoristique et souriante.

Vue de l'extérieur, la réplique est vive.

Le mercredi 15 janvier, 7h24, à l'antenne de France Inter, le célèbre chroniqueur, André Manoukian présentait le nouvel album de Pierre Lapointe lors de son émission Érudit Doudam. Seulement en écoutant, les oreilles de la figure de Radio Canada, Monique Giroux, ont chauffé.

André Manoukian disait à propos de Pierre Lapointe : « [...] Ne boudons pas notre plaisir, installons-nous dans notre cabane à sucre, et dégustons ces délicieuses beans, ces haricots rouges mijotés dans du sirop d'érable, vous reprendrez bien un peu de saucisse Dominique [...] »

Juste avant, il évoquait le Québec et lâchait sur un ton qu'il voulait amical et humoristique :

«[...] Nos cousins du Québec, résistants francophones dans un océan nord-américain, s'ils parlent un mélange d'archaïsmes fleuris qui nous font toujours bien marrer, (Pierre Lapointe) propose en chanson un mélange d'optimisme naïf du Nouveau Monde teinté de révérence envers un passé mythique qui n'existe plus que dans leurs cœurs [...] Cette naïveté du Nouveau Monde pourrait bien nous sauver... », ont entendu le million d'auditeurs sur les ondes de France Inter et les autres sur Internet dont fait référence la journaliste.

Comme si la guerre des clichés se jouait juste entre le Québec « cousin » ainsi surnommé par André Manoukian et la France.

Quand on parle des autres, les premières images sont des clichés. Ils font partie de notre inconscient collectif. Sans doute que le Québec fait partie de l'inconscient collectif des Français, cette lointaine aventure d'une page d'histoire qu'ils n'arrivent pas à tourner.

Répondre et se sentir fustigé par des clichés ? C'est comme si les Belges s'offusquaient de s'entendre réduits à des frites ou à l'expression bruxelloise une fois, traduction littérale du flamand « eens » (prononcez ééns). L'autodérision?

Demandez aux Belges comment ils font.

Cette série de clichés l'a poussée à sortir de son politically correct.

C'est correct.

Cela ressemble à une famille corse (un autre stéréotype que j'emprunte à René Goscinny et Uderzo) ne sachant plus pourquoi pogne la chicane. Est-ce juste une vieille querelle familiale entre cousins ou une blessure profonde jamais avouée ?

Le Québec n'est pas le cousin de la France.

Je ne sais même pas s'ils font partie de la même famille. En tout cas, elle n'en fait plus partie.

Est-ce là, la raison du différend qui les unit?

Une querelle vieille de 250 ans qui s'exprime par le biais des lieux communs de la langue,

des poncifs que l'on aime rappeler au cousin, ou bien est-ce la France qui se place comme

le détenteur de l'ultime savoir de la langue française? Ou les deux?

Fier, le Québec? C'est certain. La Saint-Jean est là pour en témoigner.

Et ce n'est pas un cliché.

Toute la différence qui s'exprime de manière culturelle dans une même langue se résume en deux approches populaires aussi différentes. Les sacres pour les uns et les jurons pour les autres.

Cette différence est-elle si importante ? Si, à en croire la réaction de la journaliste. Ou alors cela titille autre chose. Ce sentiment de n'être jamais assez bien aux yeux des autres. Un complexe d'infériorité? En quoi? D'avoir maintenu le français dans un environnement anglophone invasif.

D'avoir choisi son chemin, une destinée propre en construisant sur ses acquis. A-t-elle besoin d'être comparée? Quelle est la relation de l'Espagne avec le Chili, le Pérou, et les autres pays d'Amérique latine? La relation entre le Portugal et le Brésil? Je ne sais pas, il faudrait que je creuse la question.

On en oublie presque que l'écrivain d'origine haïtienne Dany Laferrière est le premier Québécois à faire son entrée à l'Académie française. Il a été élu à Paris, par les membres de la célèbre institution. À 60 ans, Dany Laferrière devenait le plus jeune membre à siéger. Il occupe le fauteuil numéro deux, autrefois dévolu à Montesquieu et, plus tard, à Alexandre Dumas fils, lui-même d'origine antillaise, et laissé vacant par Hector Bianciotti.

L'auteur de Comment faire l'amour avec un Nègre sans se fatiguer, après être devenu «immortel» (c'est ainsi que l'on appelle les membres de l'Académie française) disait: «Ce n'est pas donné à tous d'avoir deux pays. C'est une chance de pouvoir vivre entre le Québec et Haïti.»

Il a tout compris. Pour moi, c'est aussi cela le Québec. Avoir deux pays.

On en oublie que 75 autres États font partie de la francophonie comme la Suisse, comme la Belgique, comme Haïti...

On en oublie que le verbe girafer existe (Afrique) et exprime le fait de copier sur son voisin comme le soulignait un jour dans Apostrophe Bernard Pivot, qui préside aujourd'hui l'Académie Goncourt.

On en oublie que les langues s'interpénètrent, même si elles sont de souches différentes, tout comme le français l'a aussi fait dans la langue de Shakespeare.

«Honi soit qui mal y pense», la devise du très noble ordre de la Jarretière (Most Noble Order of the Garter), le plus élevé des ordres de chevalerie britannique, fondé en 1348, le jour de la Saint-Georges, en pleine guerre de Cent Ans par le roi Édouard III, est toujours en français.

Que la langue française évolue dans le courant des idées issues des mouvements historiques et des mouvances contemporaines.

Qu'un cliché n'est pas une insulte en soi, juste la marque d'une certaine captativité, d'un manque d'ouverture d'esprit, peut-être, et d'un manque de tact sans doute. Probablement. Parfois.

Faut-il réagir ?

En définitive, un cliché est juste une perception. Le Québec, pour moi? C'est ce cliché-là. Un pays où l'on vous salue dans les cafés et les restaurants; où l'on ne se bouscule pas pour entrer dans un bus, où l'on sait ce qu'est un line-up; qui dit encore «Bonjour!» quand on se dit

«Au revoir»; qui utilise le «tu et à toi» à toutes les sauces; où les droits de la personne sont aussi importants que les droits collectifs. Le Québec, c'est une déchirure quand on aborde la souveraineté, les carrés rouges ou la Charte de la laïcité.

Parce que le Québec, c'est être soi avec les autres. C'est une charte des droits de l'homme installée dans une constitution. C'est un pays qui suit son rythme en amont et en aval du Saint-Laurent, tranquillement pas vite parfois, tumultueux à d'autres, frette et gelé aussi (on ne peut le nier), où rien n'est comme ailleurs, composé de cette multitude de clichés.

Mais cela ce n'est plus un cliché.

Pour ma part, je reste neutre, comme la Suisse en a fait sa marque de commerce. La neutralité, un stéréotype hot éculé?

Avec humour et amitiés, disait en conclusion Monique Giroux. Tout comme moi.

Sur ce, j'ai envie d'un cliché. Une poutine cela vous dit?

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