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Le Caire, l'avenir des mondes arabes?

Je ne sais plus quel écrivain disait que Le Caire est l'avenir des mondes arabes. Et en cette belle journée d'octobre, rien n'est plus beau ni plus triste que la capitale égyptienne. C'est une ville unique, tentaculaire, monumentale.
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Je ne sais plus quel écrivain disait que Le Caire est l'avenir des mondes arabes. Et en cette belle journée d'octobre, rien n'est plus beau ni plus triste que la capitale égyptienne. C'est une ville unique, tentaculaire, monumentale. De par son passé et ses 21 millions d'habitants. C'est la plus grande métropole du Moyen-Orient, cinq fois plus grande en terme de population que le Liban. Aussi grande que la Syrie et presque trois fois la province du Québec. C'est l'un des berceaux de l'islam politique panarabe et du nationalisme arabe, c'est le foyer du cinéma et de la musique dans la région, bref c'est le cœur battant de la culture arabe. Ne dit-on pas que les livres sont écrits au Caire, publiés à Beyrouth et lus à Bagdad?

C'est simple, traverser Le Caire, c'est traverser le millefeuille des civilisations avec son centre-ville aux accents décatis d'Europe, ses barres d'immeuble grises à la soviétique, ses villas ottomanes en ruine, son vieux souk aux ruelles étroites déserté par les touristes, ses lieux de culte parfois si bondés que c'en est presque l'anarchie (la seule synagogue encore ouverte aux touristes attire aussi son lot de curieux), et sa vaste nécropole où près d'un million de personnes - selon des estimations, car il n'y a pas de chiffres officiels - vivent avec les morts dans leurs mausolées.

«Quand on visite nos morts, on doit visiter en même temps les vivants qui se sont installés dans le mausolée, faute de logements», raconte sans s'émouvoir un Cairote. C'est la vie, la vie du Caire où la déchéance, la ruine et la mort côtoient toute l'intensité et l'électricité d'un monde en pleine effervescence alors que plus de la moitié de la population a moins de 20 ans.

De la cité des morts (vivants!), une fois levé le fameux smog matinal du Caire, on peut voir se profiler au loin les pyramides, tombeaux des pharaons qui n'ont laissé d'autres traces que celles de ce désir d'éternité. C'est aussi à l'éternité que songeaient les sultans quand ils ont fait ériger des mosquées d'une beauté à couper le souffle. Les jours de congé, des familles entières se pressent à la mosquée Mohammed Ali, certaines non pas pour se prosterner, mais pour pique-niquer joyeusement sous les cris des enfants dans la cour intérieure ou même dans la salle des prières.

Sacrilège, diront certains. D'autres diront que le sacré fait tellement partis du quotidien des Égyptiens qu'il paraît normal de dormir sur une tombe ou de manger dans la pénombre d'un lieu de culte. Il faut dire qu'il n'y a pas beaucoup d'endroits publics où les pauvres peuvent se prélasser ou faire la sieste sans n'avoir rien ou presque à débourser.

Avec la nuit vient la clameur. Des hordes bruyantes de jeunes dévalent à pied les rues du centre-ville et se faufilent à travers les klaxons des taxis tuberculeux jusque sur la fameuse place Tahrir, surveillée par l'armée depuis le non moins fameux « printemps arabe » qui a vite tourné à l'hiver. D'autres continuent leur chemin pour se faire photographier avec les lions géants qui gardent l'entrée du pont Qasr al-Nil avant de s'installer sur des chaises en plastique ou des rambardes pour contempler les points lumineux des multiples embarcations qui vont et viennent sur le Nil dans une cacophonie musicale assourdissante.

De l'autre côté, c'est Gezira, l'île en arabe, et le quartier jadis cossu de Zamalek où quelques vieillards ayant grandi sous la monarchie coulent leurs derniers jours dans la nostalgie et de vastes appartements ressemblant à des musées poussiéreux. (Beaucoup de familles fortunées désertent le centre-ville trop « sale et bruyant » pour se réfugier en banlieue dans des «compounds» fermés construits un peu sur le modèle de Dubaï.)

Ah, les musées... Bien sûr Le Caire ne serait pas Le Caire sans ses musées qui ont parfois des allures de vide-greniers. Il y en a pour tous les goûts. La police, l'armée, les textiles, l'art et les antiquités... Il n'y a peut-être que Naguib Mahfouz (1911-2006), récipiendaire du seul prix Nobel de littérature décerné à un Arabe, à ne pas avoir encore son musée. Lui qui a pourtant si bien décrit sa ville qui a connu tant de fois la déchéance avant de renaître de ses cendres pour se renouveler dans un parfum d'éternité. C'est peut-être ça l'avenir des mondes arabes - et du monde en général.

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