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Viralement (ir)responsable

Il fut un temps où les médias sociaux se voulaient le havre de la vérité capable de colmater l'authenticité du développement de nouvelles relations qui devaient devenir les bases d'une manière contemporaine d'interagir, d'une manière d'interagir plus vraie. Évidemment, l'utopie fut vite reprise par une équation de popularité instantanée multipliée par une potentialité de partage exponentiel qui transcendait lesdits réseaux construits à même un rapport d'authenticité des interactions : la viralité.
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Il fut un temps où les médias sociaux se voulaient le havre de la vérité capable de colmater l'authenticité du développement de nouvelles relations qui devaient devenir les bases d'une manière contemporaine d'interagir, d'une manière d'interagir plus vraie.

Évidemment, l'utopie fut vite reprise par une équation de popularité instantanée multipliée par une potentialité de partage exponentiel qui transcendait lesdits réseaux construits à même un rapport d'authenticité des interactions : la viralité.

Ainsi nommé, le concept sous-tendait une connotation négative de contagion du réseau, mais fort probablement de l'objectif ultime et initial de (dé)construction des relations basées sur l'authenticité des interactions. Dès lors, on put témoigner de la circulation de contenu où l'objectif ultime devenait le questionnement à savoir si c'était « vrai » ou « faux ».

Or, il était majoritairement question de divertissement, de contenu dont l'impact sur la valeur réelle de la chose sociale demeurait somme toute relative et sans grande importance. La donne changea lorsque des entités elles-mêmes virales décidèrent, à la manière de Neo du film Matrix, d'insuffler par choix un renforcement positif à l'aspect viral du contenu partagé. La vérité émanait (à nouveau [pas vraiment]) des médias sociaux : manœuvres militaires douteuses en Irak, WikiLeaks, le printemps arabe. On pouvait espérer sauver le havre de vérité.

Cependant, depuis le début de l'année 2012, un nouveau phénomène fait son apparition : la viralité (ir)responsable. Logiquement, l'engraissement de la vérité par la viralité ne pouvait que mener vers la décrépitude du concept fondamental d'authenticité, mais son application a dans les faits de quoi surprendre.

Dans une perspective planétaire, la vidéo « #Kony2012 » représente non seulement le plus grand succès viral de l'Histoire de l'Humanité (bien au-delà des Kino Pravda et des campagnes menées par Goebbels), mais l'officialisation de la présence d'un contrepoids potentiellement plus fort à l'assaut de la vérité au sein du système maintenant infecté : Agent Smith également du film Matrix. Ce qui semblait être, à première vue, un parfait amalgame de bonté et de justice - comme pouvait l'être la représentation articulée par les machines du film Matrix - se veut en vérité une propagande chrétienne teintée de détournements de fonds et des mêmes injustices sociales reprochées audit Kony qui se veut effectivement un dangereux criminel. "I didn't say it would be easy, Neo. I just said it would be the truth." expliquait Morpheus à Neo. La complexité de la réalité, derrière l'impression réconfortante de faire la différence pour le meilleur du bien, se voit donc incapable d'obtenir le même impact et ce même après le soulèvement de diverses controverses qui ne cessent de s'accumuler.

Plusieurs Agent Smith, un seul Neo, le combat est-il perdu?

Dans une perspective québécoise, la grève étudiante a su participer à sa manière à la (re)production de virus propagandistes. La vidéo « À tous les indécis », de l'étudiante en médecine Geneviève Bois, et tout récemment « Ce printemps, ensemble, bloquons la hausse », mettant en vedette un regroupement de personnalités issues du domaine artistique, furent partagées à profusion sur les médias sociaux malgré leur contenu respectif agrémenté de dangereuses approximations sophistes. Tandis que Geneviève Bois y allait entre autres du commentaire « l'argent, ailleurs, il existe », le simple fait que l'autre vidéo reprenne sans gêne la rhétorique du « printemps (arabe)» (de la même manière que la vidéo « 22 avril - appel à la mobilisation » - mettant également en scène des personnalités issues du monde artistique) démontre la facilité avec laquelle il est possible d'avoir recours à l'enveloppe pour faciliter la propagation du message, peu importe la véracité de son contenu et la cause supportée.

Ainsi, il semble juste de prendre acte que l'inévitable dérapage de l'authenticité revient à la force du réseau en rapport à la volonté singulière de vouloir agir de manière responsable dans la propagation de la vérité : jusqu'ici l'apanage critiqué des médias traditionnels et de leurs positionnements compétitifs pour des parts de marché. Aujourd'hui, nous devons composer avec notre propre positionnement compétitif individuel dans la reconnaissance par ses pairs d'avoir participé à quelque chose de plus grand que sa personne, d'extrêmement flou et de complexe par rapport au geste posé.

Donc, peu importe la cause, peu importe la forme, s'il devait rester un soupçon d'espoir face la (re)compositon virale des médias sociaux (et de manière plus large, notre époque), on ne pourrait (se) souhaiter que la séquence de l'affrontement final du troisième épisode de la trilogie Matrix où Neo, complètement consumé par un Agent Smith maintenant seul au monde, activait le (re)formatage fondamental du système qui ne pouvait faire autrement que de renaitre de ses cendres, en quelque chose de nouveau, d'inconnu, à bâtir, et d'encore vrai.

Pour l'instant.

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