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Il est très difficile d'aborder la question de l'exploitation des gaz de schiste de façon rationnelle, tant la méfiance est devenue grande. C'est de là que provient, quand vient le moment d'apprécier le potentiel du Québec en termes d'énergies fossiles, un malaise qu'on pourrait qualifier de syndrome du pet de vache.
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Il m'arrivait encore récemment dans la cafétéria pour employés de l'institution où je travaille, de tomber sur un ancien numéro de la revue L'Actualité. La page couverture, dans un titre percutant, évoquait la possibilité d'une indépendance énergétique du Québec. C'était il n'y a pas si longtemps, alors que Nathalie Normandeau vantait l'incroyable potentiel du Québec, plus précisément, du shale d'Utica, une formation lithostratigraphique située dans la plateforme du Saint-Laurent, qui contenait du gaz de schiste. Pauline Marois en était restée verte d'envie, elle qui aurait tant voulu être porteuse de cet espoir qui lui semblait receler tant de promesses tant au plan énergétique que plus étroitement politique.

En quelques mois, c'en était malheureusement fait de cette espérance. La vague sur laquelle le PLQ aurait tellement aimé surfer était morte, tant la vice-première ministre de l'époque, cumulant aussi les charges du ministre des Ressources naturelles et de la Faune et du ministre responsable du Plan Nord, avait accumulé les bourdes. Elle avait, voyez-vous, fait reposer toutes ses aspirations énergétiques sur la base des données fournies par l'industrie seule, ne croyant pas nécessaire de faire vérifier ces chiffres par un organisme indépendant. Elle avait, de plus, enjoint les opposants à cesser de faire de la démagogie, affirmant, pour sa part, qu'un pet de vache émet autant de CO2 qu'un puits de gaz. Depuis, il est très difficile d'aborder la question de l'exploitation des gaz de schiste de façon rationnelle, tant la méfiance est devenue grande. C'est de là que provient, quand vient le moment d'apprécier le potentiel du Québec en termes d'énergies fossiles, un malaise qu'on pourrait qualifier de syndrome du pet de vache.

Dans le cas du gaz de schiste, ce malaise est chose du passé. Pas parce que la question a été réglée ou abordée de façon convaincante, mais le repli actuel des prix du gaz naturel rend cette filière moins intéressante. Le PQ n'a donc pas eu grand problèmes à fermer la porte à cette exploitation.

Mais le syndrome du pet de vache est encore actif. Il l'est quand on se met à qualifier les écologistes d'extrémistes radicaux, ou quand Revenu Canada cible les groupes environnementalistes pour des vérifications tatillonnes. Ou quand un groupe de personnalités prend fait et cause pour une exploitation pétrolière des réserves de L'Île-d'Anticosti, le jour même où un train, chargé d'un dérivé du pétrole, le butane, déraille au Nouveau-Brunswick. Et ce, quelques mois après la catastrophe ferroviaire de Lac-Mégantic.

Car le syndrome du pet de vache peut être déclenché autant par des réactions douteuses que par le hasard qui met les défenseurs de l'exploitation des énergies fossiles en face des conséquences bien réelles et souvent terribles qu'engendre notre dépendance à ces formes d'énergie. Aussi, quand la rationalité et le sens commun sont invoqués pour encourager l'exploitation de nouvelles réserves de pétrole. C'est l'argument de la dépendance énergétique du Québec qui est alors avancé comme raison valable pour soutenir ce développement.

Dans l'équation qui mesure les retombées économiques de cette nouvelle industrie, on ne calcule pas ce qu'il nous en coûterait en frais de santé, en décontamination potentielle en cas d'accident, en dommages causés par des conditions climatiques de plus en plus extrêmes, en disparition d'espèces animales, en modification du rendement agricole, en l'augmentation du nombre d'insectes porteurs de maladies. On m'objectera que nous ne sommes pas seuls en cause, mais nous en portons, en partie, la responsabilité. Surtout lorsque l'on sait que, par tête d'habitant, nous sommes parmi les plus grands émetteurs de CO2 dans le monde. Est-ce que ce ne sont pas là des conséquences économiques mesurables et dignes d'être considérées?

Depuis quelques jours, le journal Le Devoir publie, en primeur, les conclusions de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, mise sur pied par la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. Nous parviennent ainsi des recommandations qui ont le mérite de donner des objectifs clairs au gouvernement. Pris de court par ces fuites, le gouvernement a décidé, lundi, de rendre le rapport public. Les ministres concernés, soit Yves-François Blanchet et Martine Ouellet, ont plutôt cherché à temporiser. Car les auteurs du rapport s'inquiètent des surplus générés par la production hydroélectrique et éolienne du Québec.

Nous sommes, semble-t-il, à la veille d'une annonce d'élection. On sait bien que ce n'est pas en campagne électorale que l'on peut espérer débattre intelligemment d'enjeux sérieux. Aurons-nous donc bientôt d'autres manifestations du syndrome du pet de vache?

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