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Référendum ou progrès social?

Avec une telle moyenne au bâton, vouloir encore convaincre les Québécois de l'urgence de tenir un référendum ne relève-t-il pas de la pensée magique?
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Camil Bouchard vient de suggérer de suspendre la lutte pour l'indépendance pour davantage se concentrer sur le progrès social et sur le maintien des acquis sociaux. Mathieu Bock-Côté expose ses réticences sur l'à-propos d'une telle démarche dans un texte au titre révélateur : «Suspendre la lutte souverainiste au nom du progrès social», qu'il termine avec un point d'exclamation dubitatif.

Soyons quelque peu malhonnêtes ; allons-y du ciseau et nous apparaîtront le sens réel de cette suggestion et son absurdité : «suspendre la lutte souverainiste au nom du progrès». C'est dire combien, en sous-main, on considère sérieusement l'idée selon laquelle le Québec, polarisé entre fédéralistes et indépendantistes, est en train de faire du surplace.

Le Parti québécois, à sa naissance, avait deux préoccupations majeures : l'indépendance et la social-démocratie. Pour des raisons stratégiques, parce qu'on ne peut espérer faire l'indépendance avec la seule gauche, il s'est peu à peu mué en regroupement arc-en-ciel, délaissant les causes sociales au profit d'une démarche référendaire toujours en instance de réévaluations.

Laissée à elle-même, larguée par le parti où elle s'était pourtant sentie considérée, la gauche s'est tournée vers d'autres partis, nommément Québec solidaire, et d'autres considérations, plus altermondialistes.

Depuis, on le sait, le Parti québécois se campe à gauche entre les élections, revient vers le centre quand celles-ci approchent, et gouverne un peu en centre-droit, à l'occasion. L'accession de Pierre Karl Péladeau à la chefferie de ce parti représente le coup final, et plus personne ne peut croire aux tendances sociales-démocrates du parti.

Celui-ci songe maintenant à faire les yeux doux à cette gauche et à la convaincre de faire alliance, alors que c'est par sa propre faute qu'elle s'est éloignée de lui. Ce n'est donc pas par caprice ou mesquinerie que Québec solidaire résiste, mais par manque de confiance en ce qui semble être une conversion bien tardive et un désir d'aller à contre-courant de cette évolution dont le Parti québécois est bien pourtant le principal responsable.

On nous explique que l'indépendance ne pourrait pas non plus se faire par la gauche, car cela créerait une sorte de chape de plomb idéologique dont le pays Québec ne pourrait plus se défaire. Comme si le choix de camper au centre, dans ce qu'on peut considérer comme un «manger mou» idéologique, n'est pas en soi un choix tout aussi idéologique!

Bête est cette illusion selon laquelle le centre est une sorte de terrain neutre d'où tout peut émerger. La situation actuelle crée, en fait, depuis ce lent recentrage du Parti québécois vers le centre, un vide dont les alliés objectifs sont les tenants d'un néolibéralisme qui trouvent là une brèche où faire valoir leurs orientations et préférences.

Comme est bête cette idée voulant que l'avènement du pays Québec, quelles que puissent être sa forme politique et son orientation idéologique, est à elle seule garante de liberté. Comme si désirer savoir quel type de pays naîtrait alors est une question absolument non pertinente.

En fait, proposer de suspendre le débat indépendantiste pour se concentrer sur des enjeux sociaux, cela ne revient-il pas à avouer que des considérations sociales ont été les victimes de cette concentration des forces vives du Parti québécois sur la seule question de l'indépendance?

Depuis l'accession du Parti québécois au pouvoir en 1976, deux référendums ont été tenus sur la question de l'indépendance du Québec et on en connaît les résultats. Depuis, aussi, il y a eu dix élections où la population a eu l'occasion de voter pour le parti qui lui propose une démarche référendaire pour parvenir à cette indépendance. Dans trois de ces cas, cependant, promesse avait été faite de ne pas tenir de référendum sur la question. En six des sept occasions restantes, le Parti libéral a gagné. L'exception demeure l'élection de 1994, où un Parti québécois mené par Jacques Parizeau a tenu le référendum de 1995. Avec une telle moyenne au bâton, vouloir encore convaincre les Québécois de l'urgence de tenir un référendum ne relève-t-il pas de la pensée magique?

Et sacrifier sur cet autel toutes formes de questionnement sur l'orientation sociale que pourrait vouloir prendre le Québec, ne témoigne-t-il pas d'un aveuglement qui est en fait de l'irresponsabilité?

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