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Renaud Lachance devra s'expliquer...

Ce que Radio-Canada a obtenu concernant la gestion interne de la Commission Charbonneau est explosif. Les courriels entre commissaires, les nombreuses pages annotées de la main de Renaud Lachance, de la correspondance très personnelle, acrimonieuse. On aurait planqué un micro dans leurs bureaux respectifs qu'on n'aurait pas eu accès à tant de documentations.
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Ce que Radio-Canada a obtenu concernant la gestion interne de la Commission Charbonneau est explosif. Les courriels entre commissaires, les nombreuses pages annotées de la main de Renaud Lachance, de la correspondance très personnelle, acrimonieuse. On aurait planqué un micro dans leurs bureaux respectifs qu'on n'aurait pas eu accès à tant de documentations.

On sait déjà que tout ça est explosif... et malheureusement très dommageable pour l'exercice en lui-même; cette commission d'enquête réclamée à grands cris, à renforts de reportages de journalistes qui ont mis leur tête sur le billot, de députés (au premier chef, la députée Sylvie Roy) qui jour après jour, à l'Assemblée nationale, ont insisté et questionné Jean Charest jusqu'à ce qu'il cède et soit forcé de créer cette commission. À la lumière de ce que l'on apprend depuis que la CEIC a déposé son rapport, on est en droit de se demander si cette commission n'était pas vouée à l'échec dès le départ.

La lecture de l'article de Marie-Maude Denis et Daniel Tremblay est pour le moins troublante. De la dissidence, ce que l'on voit poindre -de la part du commissaire Lachance - c'est la possibilité qu'il ait tout fait pour absoudre ou atténuer, tout blâme envers le parti Libéral du Québec et envers certains des acteurs clés de ce parti dans les stratagèmes de collusion et de corruption. Il y a assez de doutes qui sont soulevés par les notes manuscrites et les courriels du moins afin que la question soit posée franchement, sans détour, au commissaire Renaud Lachance; en commission parlementaire peut-être? Faudrait vérifier si cela est possible.

Les journalistes d'Enquête nous révèlent, entre autres, ceci :

«Au sujet de Marc Bibeau et Jean Charest»

Le PLQ a été davantage au coeur des travaux de la Commission que les autres partis. Un passage au sujet de Marc Bibeau, proche de l'ex-premier ministre Jean Charest et décrit à plusieurs reprises comme le grand argentier du PLQ, soulève des questions sur l'appréciation de la preuve de la part de Renaud Lachance. Il a rayé la phrase : «Bibeau n'était pas seulement le responsable du financement au PLQ.»

En marge de cette rature, il écrit : «Important, seul Robert Benoît (ex-député, Orford, PLQ) a dit qu'il a entendu dire que Bibeau était le responsable du financement. En fait, Bibeau n'a jamais eu de fonction officielle au PLQ.»

Pourtant, durant les audiences publiques de la commission Charbonneau, plusieurs témoins - dont des gens du PLQ - ont confirmé le rôle de Marc Bibeau. Entre autres témoins, Violette Trépanier, Marc-Yvan-Côté et Pierre Bibeau qui ont employé précisément le terme « responsable du financement».

Plusieurs dirigeants de firmes de génie ou de construction ont aussi confirmé le rôle de Marc Bibeau, dont Yves Cadotte de SNC-Lavalin, Tony Accurso, ex-dirigeant de Simard Beaudry, et George Dick de l'entreprise RSW. Ce dernier a affirmé que Marc Bibeau se présentait comme un proche conseiller de Jean Charest lorsqu'il l'a sollicité pour contribuer au PLQ.

Dans un autre passage, il raye sans explication le nom de Jean Charest dans la phrase: «Les sollicitations à contribuer sont devenues particulièrement pressantes de la part du Parti libéral dans les années 2000 sous la gouverne de Jean Charest et Marc Bibeau.»

Marc Bibeau et Jean Charest, la faillite de la Commission Charbonneau

Quand il est question de ces deux acteurs essentiels de la portion collusion-corruption-financement politique illicite, tout indique que l'on est précisément là où la Commission Charbonneau a failli -et de façon spectaculaire- à son mandat; à la raison même pour laquelle les Québécois ont réclamé la tenue de la CEIC mais aussi là où il fallait aller, gruger, enquêter, pointer du doigt et éventuellement accuser s'il y avait matière à le faire (l'UPAC le fera-t-elle?).

On en revient inévitablement aux déclarations explosives de l'enquêteur à la retraite Sylvain Tremblay (ex-Unité anti-collusion sous Duchesneau) concernant les éléments de preuves essentiels qui ont été volontairement laissés de côté. Par extension, la Commission Charbonneau a aussi fait le choix (ou y était contraint?) de ne pas entendre l'ex PM Jean Charest et hormis une courte séance à huis clos, a sciemment caché le témoin Marc Bibeau, le témoin le plus important de toute cette partie du mandat, sinon de la CEIC en elle-même.

Dans son article datant du 15 septembre 2014, Brian Myles rapporte les dires de l'enquêteur Tremblay, qui annonçaient pourtant clairement l'échec de la Commission Charbonneau. Une relecture de ce passage à l'aune de ce qui arrive aujourd'hui est pour le moins troublant :

«Ils avaient les mains pleines avec le rapport Duchesneau, l'opération Diligence et l'opération Colisée. Ils avaient tout pour décrire le système. Et c'était ça, leur mission. C'était de nous faire découvrir le système. Si on regarde le résultat final, l'objectif n'est absolument pas atteint. Le système est encore en place», dit M. Tremblay.

Ceci aussi de l'enquêteur Tremblay concernant un témoin important qui incriminait Marc Bibeau :

Selon Sylvain Tremblay, le témoignage de Georges Dick aurait pu faire boule de neige s'il avait été convoqué plus rapidement. Il aurait pu inciter d'autres témoins potentiels à se manifester. «Ils ont fait un choix de sortir ça à la fin, juste avant que la cloche sonne. Pourquoi on ne l'a pas fait après les six premiers mois ? Était-ce une stratégie ? On dirait qu'il y a des choses qu'ils ne veulent pas voir.»

Manifestement, il y a des gens qui voudraient que le système soit exposé au grand jour, qu'il soit démantelé. Quand on regarde comment la CEIC a fait patate, torpillée de l'intérieur?, force est de constater qu'il ne faudra jamais compter sur le parti Libéral du Québec pour faire la lumière sur un système qui le vise intrinsèquement, directement. Tant que le PLQ sera au pouvoir, ce système demeurera en place, latent, sinon actif. Qui sait? Puisque la CEIC n'a rien réglé concernant le financement politique occulte!

Et nous revoilà repartis pour un autre cycle comme celui qui avait indigné la population il y a dix ans... Enquête qui lève le voile sur des éléments troublants de la Commission qui devait permettre de mettre fin à la collusion, à la corruption. Le pire des scénarios, nous voilà en train de débusquer les éléments inadmissibles de la Commission en elle-même! Non seulement on ne règle rien, nous voilà indignés de l'exercice mené pendant des années, à grands frais, à nos frais et tout cela pendant que les artisans de ce système se bidonnent, contents d'avoir été absout par la dissidence de l'un des commissaires.

Un commissaire qui avait l'air de s'inquiéter beaucoup de la réputation du PLQ. Manifestement.

Ce billet a aussi été publié sur le blogue de Steve E. Fortin.

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