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Une République de bananes près de chez vous

Chaque semaine, dirait-on, une tuile de plus s'ajoute à ce champ de ruine éthique qu'est le règne libéral de Charest-Couillard. Cette fois-ci, la chose n'a rien de banal, le premier ministre Philippe Couillard avance qu'un officier de la Sureté du Québec pourrait s'être parjuré.
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Depuis quelques jours, le premier ministre Philippe Couillard est sur la défensive concernant des révélations qui portent à croire qu'il y aurait eu des pratiques lors d'enquêtes à la Sureté du Québec qui visaient à protéger le gouvernement libéral. On a parlé «d'immunité diplomatique», ce que le chef du parti libéral actuel a nié, bien entendu.

Pourtant, les gens deviennent de plus en plus cyniques face à leur système de justice quand on constate à quel point les élus du PLQ - actuels ou passés- réussissent toujours, semble-t-il, à éviter de faire face à la justice en dépit des nombreuses révélations ou allégations que l'on a entendues soit par le travail d'enquêtes journalistiques qui se basaient souvent sur des fuites; soit par le travail de la Commission Charbonneau, lors des nombreux témoignages parfois accablants pour certains élus.

Le bordel est pris au ministère des Transports, la sous-ministre Dominique Savoie avance candidement qu'elle n'a pas d'ordre à recevoir d'un ministre -ici le cas de Robert Poëti - lequel sera éjecté de son ministère alors que la sous-ministre sera, elle rapatriée au Conseil privé. Le purgatoire de la première semble plus douillet que celui du second, qui depuis, sèche sur les banquettes arrière de l'Assemblée nationale.

Chaque semaine, dirait-on, une tuile de plus s'ajoute à ce champ de ruine éthique qu'est le règne libéral de Charest-Couillard. Cette fois-ci, la chose n'a rien de banal, c'est même, on doit l'admettre plutôt inquiétant, le premier ministre Philippe Couillard avance qu'un officier de la Sureté du Québec pourrait s'être parjuré.

Car c'est bien de ça qu'il s'agit quand le PM dément un document déposé en cour, dont la nature n'est nulle autre qu'une déclaration sous-serment d'un officier de la SQ...

Petit rappel du contexte par l'entremise d'un texte du journaliste Patrice Bergeron de La Presse canadienne :

« Le premier ministre Philippe Couillard a démenti, mardi [le 21 mars dernier], un document de la Sûreté du Québec (SQ) déposé en cour selon lequel le gouvernement libéral était informé de mandats d'écoute électronique.

Le chef caquiste François Legault a demandé au premier ministre s'il trouvait normal que «la police protège les libéraux».

L'affaire remonte à l'opération Diligence, une enquête amorcée en 2007 qui visait à contrer l'infiltration du crime organisé dans l'industrie de la construction, entre autres. Le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) de l'époque, Michel Arsenault, avait été mis sur écoute électronique.

Dans une déclaration sous serment d'un enquêteur de la SQ, Patrick Duclos, on apprend que les conversations de Michel Arsenault avec les élus «avaient été restreintes sous le principe de l'immunité diplomatique» et que «des cartables avaient été montés et les conversations étaient classées par nom de dignitaires»."

En gros, ce que l'on apprend c'est que parmi de hauts gradés de la police, on voulait protéger les élus libéraux dans le cas où un de ceux-ci serait éclaboussé par l'opération Diligence. Toujours selon les documents déposés en cour, le directeur général adjoint de la Sureté du Québec de l'époque aurait «informé le gouvernement de l'écoute électronique sur Michel Arsenault, cela avait pour but de protéger le premier ministre (Jean Charest) d'être piégé par Arsenault».

Voilà qui est pour le moins troublant. Les oppositions du PQ et de la CAQ ont donc tout à fait raison de chercher à connaître le fin mot de l'histoire.

Quant à la déclaration sous serment de l'enquêteur de la SQ Patrick Duclos, il suffit de la lire, d'en prendre connaissance, pour constater que le «démenti» de Philippe Couillard est lourd de conséquences.

La lecture de cet affidavit est pour le moins surprenante. On y apprend que certains journalistes avaient accès à des informateurs bien au fait de différents éléments de preuve, ce qui indisposait les enquêteurs, on s'en doute bien.

Mais tout ça pointe aussi vers un climat extrêmement tendu entre policiers et procureurs. À la page 4, par exemple, alors que les insultent fusent: « Le bureau d'enquête QMI rapportait dans le Journal de Montréal et TVA que des policiers traitaient les procureurs dans ce dossier de "pas de couilles et de pas de colonnes", l'enquête démontre que ces propos ont été tenus à plusieurs reprises».

Mais c'est à la section «enquête» de l'affidavit (page 5) que l'on en apprend le plus. Voilà qui est équivoque:

«Le lieutenant Patrick Duclos a rencontré plusieurs policiers et enquêteurs qui ont travaillé dans le projet Diligence. Ils ont tous mentionné qu'il y avait une certaine tension qui régnait au sein du projet à cause des sujets d'intérêt qui étaient des hauts dirigeants et des politiciens. Cela a amené des prises de positions contraires entre les enquêteurs et les procureurs. [section caviardée]

L'écoute électronique a suscité beaucoup d'intérêt, car certaines conversations étaient reliées à des politiciens ou des membres du gouvernement, il y a donc eu un contrôle des conversations dites limitatives. Un nombre restreint de personnes ont eu accès à des conversations qui étaient classées dans un cartable [...] de plus, un compte rendu des conversations importantes était acheminé par un officier quotidiennement à la haute direction de la Sureté du Québec.»

À la section 13 de l'affidavit (page 13), le Lieutenant Duclos revient sur le principe «d'immunité diplomatique» et le fait que les «cartables de conversations» étaient classés en fonction des noms de dignitaires.

Vient ensuite ce qui suit:

«[caviardé] a été informé par le [caviardé] que le DGA [directeur général adjoint] Steven Chabot aurait informé le ministre de la Sécurité publique de l'époque en janvier 2009 que le président de la FTQ était écouté via le projet Diligence. [...] cela avait pour but de protéger le premier ministre d'être piégé par Arsenault (fin section 14)»

Plus loin dans l'affidavit, on apprend aussi que le sous-ministre Louis Dionne était tenu au fait du dossier. Intéressant de noter que Louis Dionne sera nommé DPCP... Paul Journet avait écrit ceci en 2011 sur Louis Dionne:

«Les procureurs remettent carrément en cause l'indépendance du DPCP. À la demande de Jean Charest, Me Dionne avait été nommé sous-ministre de la Justice de Marc Bellemare en 2003. Me Dionne était sous-ministre de la Sécurité publique avant d'être nommé DPCP en mars 2007. C'est le conseil exécutif, le ministère du premier ministre, qui l'avait choisi.»

Le critique de l'opposition officielle sur les questions de sécurité publique, Pascal Bérubé et sa collègue, Véronique Hivon, critique de l'opposition officielle en matière de justice, ont tous deux fait état, lors d'un point de presse à l'Assemblée nationale le 22 mars dernier de leurs graves préoccupations à la suite de la publication des informations concernant «l'immunité diplomatique» consentie à des élus libéraux.

Le député Bérubé évoque la possible «impunité à l'égard d'acteurs politiques qui feraient l'objet d'enquêtes et d'allégations très sérieuses » et « d'obstacles nombreux à la conduite de certaines enquêtes qui existeraient». Aussi, on apprend dans ce point de presse que le gouvernement libéral a refusé que les parlementaires puissent questionner des acteurs clés (DPCP, commissaire de l'UPAC, hauts gradés de la SQ) qui pourraient aider à faire la lumière sur de si graves révélations. Deux différents mandats d'initiatives en ce sens ont été refusés par le gouvernement libéral qui, de toute évidence, fera tout pour camoufler l'affaire.

Véronique Hivon s'inquiète, elle, des «graves tensions qui existaient entre les enquêteurs de la Sureté du Québec et les procureurs affectés au dossier Diligence» mais surtout «de la réaction du gouvernement libéral actuel, ministres et premier ministre pour qui, ce qui est révélé dans l'affidavit signé, sous serment, par un lieutenant de la Sureté du Québec, ne serait qu'une vue de l'esprit».

Bien sûr, le gouvernement libéral refuse d'offrir quelque information que ce soit pour éclairer les parlementaires et refuse que les acteurs clés soient entendus afin que la lumière soit faite sur cette affaire troublante.

Le PLQ a mis sur pieds, à reculons et contre son gré, la Commission Charbonneau (CEIC) dont l'issue aura finalement déçu tout le monde sauf... les Libéraux. Le bordel est encore pogné au MTQ, et disons qu'en ce qui concerne la collusion, la corruption et tout ce qui a mené à l'institution de la Commission Charbonneau, rien n'est réglé, bien au contraire.

On se souviendra au lendemain de la publication du rapport de la CEIC, alors que la dissidence du commissaire Renaud Lachance -ô surprise! - offrait sur un plateau d'argent la possibilité aux acteurs visés par les allégations contenues dans le rapport de se disculper de tout ce qui les visait...

La une, assassine, du Journal de Montréal...

« Morts de rire », au centre, Jean Charest, tout sourire.

Pendant ce temps, le gouvernement libéral nomme seul le boss de l'UPAC et continue d'avoir un ascendant indécent sur ce qui se passe au DPCP en conservant la capacité de nomination à la magistrature.

Jean Charest n'a jamais poursuivi Amir Khadir; Robert Lafrenière est demeuré coi (si ce n'est que le démenti) suite aux graves allégations faites par Lino Zambito selon qui l'UPAC serait en contact quotidien avec le chef de cabinet de Philippe Couillard...

La République de Bananes... c'est ici en fin de compte, vous ne trouvez pas?

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