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Parc Parizeau ou parc Vimy: 100 ans de deux solitudes qui n'ont plus grand chose à se dire...

Commémorer l'immense héritage qu'a laissé aux Québécois l'ancien premier ministre Jacques Parizeau est en train de faire ressortir de grandes divisions et une profonde amertume de la part de l'autre solitude... Pendant que le Québec francophone s'émeut des pitbulls, le sujet de l'heure chez les Anglo-Montréalais, c'est le choix du parc Vimy à Outremont comme endroit à renommer en hommage à Jacques Parizeau.
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« Petit avis pour les aveugles volontaires : le véritable enjeu à Outremont en ce moment, ce n'est pas de commémorer ou non la bataille de Vimy (même si elle ne joue évidemment pas le même rôle dans la conscience historique de notre peuple que dans celle du peuple canadien-anglais), c'est la haine suscitée chez certains par la simple idée de rendre hommage à Jacques Parizeau. » Mathieu Bock-Côté

Commémorer l'immense héritage qu'a laissé aux Québécois l'ancien premier ministre Jacques Parizeau est en train de faire ressortir de grandes divisions et une profonde amertume de la part de l'autre solitude... Pendant que le Québec francophone s'émeut des pitbulls, le sujet de l'heure chez les Anglo-Montréalais, c'est le choix du parc Vimy à Outremont comme endroit à renommer en hommage à Jacques Parizeau.

Et dans bien des cas, ça donne froid dans le dos. La haine déversée contre Parizeau, contre les indépendantistes et en fin de compte contre les francophones montre à quel point Montréal est divisée en bloc monolithique, en deux groupes qui n'ont plus grand-chose à se dire.

Lors du débat sur la laïcité au Québec en 2013, les propos désobligeants, offensants, condamnables de certains Québécois envers les minorités religieuses étaient systématiquement rapportés par les médias toujours en quête d'un filon pour attaquer les défenseurs de la laïcité. En contrepartie, la haine exprimée contre les indépendantistes par non seulement quelques hurluberlus derrière leurs claviers, mais aussi les raccourcis employés par certains commentateurs anglophones du Québec pour attaquer cette décision; voilà qui est beaucoup moins rapporté au Québec. Le tout a commencé par la réaction bien sentie d'un ancien PM de l'Ontario, Bob Rae pour qui renommer ce parc au nom de Parizeau était une « insulte pure et simple ». Le bal était lancé. Nombre de chroniqueurs ont ensuite emboîté le pas. Open season; le déferlement de mépris pouvait commencer.

« Changer un parc de Montréal de Vimy à Jacques Parizeau -- pendant le 100e anniversaire de la Première Guerre mondiale -- une insulte pure et simple. »

Pourquoi?

Tout faire afin de ne pas attiser un sentiment d'indignation des Québécois en réaction à ce mépris qui dépasse la dichotomie fédéraliste-souverainiste. Car chez les francophones, l'héritage de Jacques Parizeau fait plutôt consensus. L'inclinaison constitutionnelle n'empêche pas de reconnaître tout le bien pour le Québec de la Caisse de dépôt, de la Société générale de financement, etc.

Ce que nous rappelle l'ampleur que prend le dossier du parc Vimy dans la communauté anglophone de Montréal, c'est que celle-ci n'a que faire des réalisations de Parizeau, de l'importance de sa contribution à l'instauration de leviers économiques qui permettent l'autodétermination du Québec... Bien au contraire. Comme la plupart des Québécois s'identifient d'abord au Québec et ensuite, pour certains, au Canada; l'inverse est aussi vrai pour bien des Anglos montréalais qui se voient avant tout comme des « Canadiens », et pour quelques-uns, des Québécois.

Il faut bien avoir l'honnêteté de l'admettre.

Le contexte de la bataille de la Crête de Vimy

« Le scandale de la traduction bâclée des panneaux d'interprétation au site historique de Vimy a fait dérailler au Québec la campagne de propagande fédérale et est venu pertinemment rappeler que la question linguistique et nationale a également été à l'origine de l'opposition du Québec à cette guerre.

Avec à leur tête le leader nationaliste Henri Bourassa, les Québécois se sont opposés à une participation à la guerre en rappelant le Règlement 17 en Ontario qui privait les Franco-Ontariens de leurs écoles françaises. Lorsque les lourdes pertes subies lors de la bataille de la crête de Vimy forcent le gouvernement Borden à mettre en vigueur la conscription, le Québec se révolte et des émeutes font quatre morts dans la ville de Québec. » Pierre Dubuc, mai 2007 (90e anniversaire de la bataille de la Crête de Vimy)

J'ai lu beaucoup de textes de gens qui s'opposent à la désignation du parc Vimy au nom de Parizeau et la plupart opposent à l'héritage de l'ancien PM du Québec le valeureux combat de cette bataille de la Première Guerre mondiale. Aucun n'a cependant pris la peine de situer la bataille de la Crête de Vimy dans son contexte historique. On est plutôt à la limite du révisionnisme historique.

La bataille de la Crête de Vimy se déroule dans un contexte explosif au Canada. Les « deux solitudes » sont farouchement en désaccord sur l'effort de guerre à fournir dans le cadre de la Première Guerre mondiale. L'élection fédérale de 1917 se fera quasi exclusivement sur cette question et, bien sûr, le Québec se trouvera isolé. Voici un portrait de la situation. Ça vous dit quelque chose?

Contexte :

« L'élection précédente avait eu lieu en 1911 et avait été remportée par les conservateurs de Borden. Sous la loi électorale canadienne, le Canada aurait dû avoir une élection en 1916. Toutefois, citant l'urgence de la Première Guerre mondiale, le gouvernement retarde l'élection dans l'espoir de former un gouvernement de coalition, comme c'est le cas au Royaume-Uni.

Wilfrid Laurier, chef du Parti libéral du Canada, refuse de se joindre à la coalition à cause de la conscription. La conscription reçoit une forte opposition au Québec, bastion du Parti libéral. Laurier était inquiet que la province abandonne les libéraux, et peut-être le pays également, s'il acceptait de se joindre à la coalition de Borden. Ce dernier va cependant de l'avant et forme son gouvernement « unioniste », et le Parti libéral se déchire sur la question. Plusieurs députés libéraux canadiens-anglais, ainsi que les partis libéraux des provinces anglophones, appuient le gouvernement unioniste.

Afin d'assurer la victoire de la conscription, Borden adopte deux lois pour influencer le vote en faveur du gouvernement. La première, la Loi des élections en temps de guerre, enlève le droit de vote aux objecteurs de conscience et aux citoyens canadiens né dans des pays ennemis et naturalisés après 1902. La loi accorde également le droit de vote aux épouses des militaires. Ainsi, l'élection de 1917 est la première élection fédérale où certaines femmes ont le droit de voter. La deuxième loi est la Loi des électeurs militaires qui permet aux soldats en mission à l'étranger de choisir la circonscription dans laquelle leur vote serait comptabilisé. Ceci permet au gouvernement de diriger les soldats, fortement en faveur de la conscription, à voter dans les circonscriptions où ils seraient le plus utiles. »

Ironiquement, le parti de Wilfrid Laurier s'était déchiré au Québec, fracturé en fonction de l'appartenance linguistique sur la question de la conscription. Comme quoi un siècle plus tard, rien n'a vraiment changé même quand vient le temps de débattre sur l'héritage d'un PM francophone qui se heurte à celui d'une bataille de la Première Guerre mondiale.

On ne peut non plus traiter de la bataille de la Crête de Vimy sans rappeler le contexte de l'enrôlement famélique des Canadiens-français au sein de la nouvelle armée naissante du Canada.

« Lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, plus de 30 000 volontaires se joignent à l'armée, bien plus que ce que le gouvernement canadien avait prévu. Ce premier contingent, qui devient la 1re division canadienne du Corps expéditionnaire canadien, est assemblé au nouveau camp à Valcartier, Québec, et groupé en bataillons numérotés, sans égard à la langue ou la religion. Les régiments de réserve existants ne sont pas mobilisés, le ministre de la Défense Sam Hughes croyant qu'une nouvelle structure « efficace » était requise. Dans le processus, la nouvelle structure ne crée pas d'unités de langue française, comme il en existait dans la réserve.

Environ 70 % de ces volontaires étaient des immigrants récents en provenance du Royaume-Uni. Seulement 9 000 soldats étaient de naissance canadienne, dont 11 % étaient francophones. Ces 1 000 volontaires canadiens-français sont éparpillés parmi différentes unités majoritairement anglophones, tandis que les médias anglophones dramatisent leur perception selon laquelle le Canada français refusait de faire sa part. (Ils ignoraient le fait, ou choisissaient de ne pas en tenir compte, que la plus grande partie du contingent était née à l'étranger). Cette dispersion des soldats n'était pas due à la négligence.

L'Ontario (la base politique de Hughes) était en train d'interdire l'éducation en français, y compris l'enseignement de la langue française, dans son système d'éducation (Règlement 17), soulevant un tollé au Canada français, ce qui causait un très faible appui à la guerre du « roi et du pays » et était perçu comme une tentative de détruire la communauté francophone au Canada. »

L'importance première de la bataille de la Crête de Vimy pour bien des Canadiens demeure que c'était là un des premiers faits d'armes d'une armée qui est entrée en guerre en 1914 sous le commandement d'officiers britanniques, comme une colonie. C'est l'émancipation de la colonie qui est célébrée par la symbolique d'une bataille comme celle de Vimy. En ce sens, pour certains commentateurs anglophones que j'ai lu cette semaine, faire disparaître la dénomination d'un parc qui commémore la bataille de Vimy en le remplaçant par un des pères fondateurs du Québec moderne qui lui, visait l'émancipation du Québec, voilà un sacrilège sans nom!

En filigrane par contre dans tout ce débat, on ne peut cacher le fait que c'est toute l'histoire de deux solitudes qui sont forcées de cohabiter, mais qui n'ont plus grand-chose à se dire. Rien n'est réglé et l'animosité semble croitre à chaque fois que l'occasion se présente de déverser le fiel contre les indépendantistes.

« Un parc au nom de Richard Henry Bain bien avant Jacques Parizeau »

Cet énergumène fait beaucoup jaser depuis quelques jours. Voilà un fou furieux qui déverse des torrents de haine sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la section commentaire de journaux anglophones. Il peut le faire sans être inquiété et rarement son mépris haineux est censuré par les modérateurs. Il n'est pas le seul. On reconnaît la marque de ceux qui en appelaient suite à l'élection de 2012 à « pendre Pauline Marois ». Cette fois-ci, c'est le « traître Parizeau » qu'ils visent. De belles manifestations n'est-ce pas?

La « Québécophobie » ordinaire. Ce mépris systémique dont on parle moins... C'est tellement plus in de s'indigner des méchants « de souches » n'est-ce pas?

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