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Adhérer ou pas au multiculturalisme canadien: un enjeu pour 2018

Qu'on se le tienne pour dit, adhérer ou pas au multiculturalisme canadien sera un enjeu de la prochaine élection générale au Québec en 2018.
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Qu'on se le tienne pour dit, adhérer ou pas au multiculturalisme canadien sera un enjeu de la prochaine élection générale au Québec en 2018. C'est inévitable. L'an dernier, le Canada s'est choisi comme premier ministre un apôtre du multiculturalisme sans limites, un de ceux qui voient en cette façon d'organiser le «vivre ensemble» un dogme inaliénable. Le Québec devra choisir d'y adhérer, ou pas.

Car ce débat reste à faire au Québec.

Vrai qu'il était imparfait quand ce fut Bernard Drainville qui a proposé de légiférer sur la «charte des valeurs québécoises». On peut reprocher bien des choses à l'ex ministre péquiste des institutions démocratiques, mais pas d'avoir voulu faire le débat dans l'opacité. Rien n'est plus odieux que de tenter de régler cette question du «vivre ensemble» le plus loin possible de l'oeil et de l'attention de la population. À ce jeu, le parti libéral de Philippe Couillard a causé plus de torts dans ce débat que le PQ de Pauline Marois. Les projets de loi 59 et 62 du PLQ de Stéphanie Vallée et Philippe Couillard étaient de véritables manifestes de mauvaise foi; ou de complaisance envers ceux qui, justement, se battaient le plus contre l'adoption de tout principe laïciste au Québec. Nommément, les prosélytes religieux de tout acabit.

À peu de choses près, on croirait que le premier ministre du Québec a voulu instrumentaliser les attentats de Nice pour mousser le multiculturalisme...

Le PLQ a tout fait pour que les débats entourant les PL59 et 62 soient discrets. Certains médias aussi; rien de comparable au battage médiatique entourant le PL60 de Bernard Drainville. La ministre libérale Stéphanie Vallée, qui pilotait les PL59 et 62, s'en sort très bien aussi; rien du traitement médiatique qu'a dû subir Drainville. Pourtant, elle se proposait d'attaquer, de restreindre un des fondements mêmes d'une société libre et démocratique, la liberté d'expression. Pour ceux qui avaient combattu la méchante «charte de Drainville» -les médias fédéralistes et une certaine gauche multiculturaliste-, si c'est ce que ça prenait pour enterrer une fois pour toutes l'affirmation de la laïcité et de l'identité québécoise... fallait vivre avec.

Les mêmes qui arguent sans cesse que «le Canada et le Québec sont déjà laïques...»

Justin Trudeau, c'est l'antithèse de la laïcité. Et quand Philippe Couillard fait la leçon aux pays européens en affirmant le plus sérieusement du monde que la réponse aux funestes attentats de Nice, de Paris, c'est plus d'immigration, plus de multiculturalisme pour moins de terrorisme... Il se range résolument -et de façon maladroite- dans le camp de Justin Trudeau. D'ailleurs, bien que je sois souvent en désaccord avec lui, Richard Martineau rappelle que ce raisonnement avancé par Philippe Couillard est fallacieux. Il cite l'expert en déradicalisation Christophe Caupenne:

«Le terrorisme n'a rien à voir avec la pauvreté ou l'exclusion sociale. La très grande majorité des gens qui se sont radicalisés et qui sont mis sous surveillance pour s'être approchés de la sphère salafiste sont des gens qui sont socialement intégrés -- des étudiants en chimie ou en informatique, des citoyens qui, demain, vont se marier et avoir des enfants. Ce sont des gens qui paraissent parfaitement normaux.»

À peu de choses près, on croirait que le premier ministre du Québec a voulu instrumentaliser les attentats de Nice pour mousser le multiculturalisme...

Nous en sommes donc à la case départ, rien n'est réglé et ce débat recommence à faire jaser. Il s'est invité dans la course à la chefferie du PQ, le premier ministre du Québec est forcé de se positionner suite aux récents funestes événements de Nice et Justin Trudeau, dont la promotion du multiculturalisme est un axe principal de gouvernance, s'assure que l'on parle de cet enjeu de façon constante dans le Canada anglais. Il est faux de prétendre que le ROC est un bloc monolithique qui appuie le multiculturalisme de Trudeau... Loin s'en faut.

Multiculturalisme et chefferie du PQ

Les candidats à la chefferie du PQ Jean-François Lisée et Alexandre Cloutier défraient les médias depuis quelques jours suite à une querelle concernant les voeux de l'Aïd al-Fitr (fin de Ramadan) faits par Cloutier «aux 250 000 musulmans du Québec». Ce dernier a répliqué à Lisée qu'il avait fait des voeux de Pâques... Bien franchement, rien de trop édifiant. Je retiendrai de la réponse d'Alexandre Cloutier les éléments suivants:

«La laïcité de l'État est non négociable pour l'aspirant-chef. Elle doit être inscrite dans la constitution du Québec. Mais le chef de l'État québécois ne peut faire abstraction de la diversité religieuse présente sur son territoire, comme tous les chefs d'une démocratie occidentale, martèle M. Cloutier.»

Et plus loin:

«Pour le candidat Cloutier, la formule issue de la commission Bouchard-Taylor, qui prône l'interdiction de signes religieux pour les personnes en position d'autorité - juges, policiers, procureurs, gardiens de prison -, est celle qui a obtenu le plus large consensus».

En gros, on comprend que pour Cloutier, la laïcité c'est Bouchard-Taylor. Le député du lac St-Jean insiste pour que le PQ ne «recommence pas un débat qui va nous diviser». Voilà une formule qui était bien populaire auprès de ceux qui combattaient la laïcité proposée par le PQ. Le problème c'est que pour rompre avec le multiculturalisme de Trudeau en affirmant la laïcité des institutions québécoises, il faudra casser des oeufs. Il y aura toujours des gens, on les connaît déjà, qui voudront à tout prix éviter que le débat sur la laïcité se fasse au nom de «l'évitement de la division». Cette logique nous a donné les projets de loi 59 et 62 du PLQ. Doit-on rappeler les mises en garde sérieuses faites par les avocats Julius Grey et Julie Latour?

«Le projet de loi no 59 participe d'une rectitude politique dangereuse, issue de l'idéologie de multiculturalisme canadien, que le Québec n'a jamais cautionnée. [...] Par comparaison et de façon totalement inexplicable, le projet de loi 62, présenté de façon concomitante, réduit la neutralité religieuse de l'État à une peau de chagrin, car il n'affirme ni ne reconnaît le principe de laïcité et de neutralité religieuse de l'État dans la Charte québécoise, ce qui est une omission d'importance pour les assises sociétales d'un État de droit.»

Certains diront que les projets de loi 59 et 62 du PLQ étaient moins «divisifs». À partir du moment où le parti qui les dépose choisit la plus grande opacité et que les médias, de façon quasi concertée, décident de n'offrir qu'une couverture minimale, presque absente de ces travaux, on peut se demander qui a décidé que ce débat serait «divisif» et en quelles circonstances. Une chose est certaine, le Québec se doit de faire ce débat et il n'a pas à s'empêcher de le faire juste pour éviter que ça fasse du bruit.

Le PQ doit demeurer le parti qui défende la laïcité, la course à la chefferie est un moment charnière afin de voir quel genre de laïcité il entend proposer aux Québécois.

Jean-François Lisée a proposé «qu'un affichage sur les lieux de travail des secteurs publics et parapublics exprime clairement la préférence de l'État pour «l'absence de tout signe affichant une conviction» religieuse, politique ou sociale. Tout organisme pourrait, après consultation des cadres et des salariés, décider d'interdire le port de signes religieux pour les nouveaux employés».

Des visions bien différentes donc entre Lisée et Cloutier. Sont-elles irréconciliables? Je ne le crois pas.

Dans le contexte de la course à la chefferie du PQ, il serait important que les candidats se positionnent sur cet enjeu. Martine Ouellet a dénoncé le «clientélisme religieux» de ses adversaires Lisée et Cloutier. Je crois aussi que le clientélisme religieux est infect. Il a accouché, entre autres, des projets de loi 59 et 62 du PLQ. Mais cela ne doit pas disculper un candidat de se prononcer sur l'enjeu de la laïcité.

En tant que militant indépendantiste qui place la défense de la laïcité institutionnelle au rang des enjeux capitaux de son militantisme, cette question sera capitale quand viendra le temps de faire mon choix. Un candidat qui me proposerait un Québec indépendant qui adopterait le multiculturalisme serait du coup écarté; comme la majorité des Québécois, je préfère de loin la laïcité institutionnelle à toute forme du multiculturalisme. La course à la chefferie n'est pas terminée et les candidats ont encore le temps d'approfondir leurs positions sur le sujet.

Le PQ doit demeurer le parti qui défende la laïcité, la course à la chefferie est un moment charnière afin de voir quel genre de laïcité il entend proposer aux Québécois. Se cantonner à Bouchard-Taylor serait insuffisant à mon humble avis, mais revenir à la proposition de Drainville -imparfaite, quoiqu'intéressante- le serait aussi. La solution se trouve quelque part entre les deux...

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