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Lac Mégantic: «L'avenir sera... ce qu'on en fera»

Le hasard, ou était-ce le destin, a voulu que nous soyons ma famille et moi à quelques kilomètres de Lac-Mégantic la fin de semaine dernière. Assez près du carnage pour entendre les bruits sourds des explosions en saccades. Assez près du carnage aussi pour que partout autour de nous, des citoyens consternés abandonnent l'anonymat de leur vie quotidienne pour entrer dans cette espèce d'aura collective qui suit souvent les cataclysmes.
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Le hasard, ou étais-ce le destin, a voulu que nous soyons ma famille et moi à quelques kilomètres de Lac-Mégantic la fin de semaine dernière. Assez près du carnage pour entendre les bruits sourds des explosions en saccades, au loin, comme un bruit de feux d'artifice lointain, assez près du carnage aussi pour que partout autour de nous, des citoyens consternés abandonnent l'anonymat de leur vie quotidienne pour entrer dans cette espèce d'aura collective qui suit souvent les cataclysmes en tous genres. Des inconnus qui se croisent et par un magnétisme nourri à la douleur, à l'incrédulité, se parlent de ça. Justement, de ça.

Car nous nous souviendrons de cette catastrophe dans notre imaginaire collectif comme d'une autre de ces balafres qui nous ont forgés, qui ont fait de nous, ce que nous sommes aujourd'hui. Quand j'étais plus jeune, on nous enseignait les stigmates du «Grand feu de Hull de 1900». Les plus vieux se souvenaient encore d'où ils étaient, de ce qu'ils faisaient. Je me souviens encore d'un religieux du Collège St-Alexandre, lucide malgré ses 90 ans passés, que notre professeur avait invité pour nous raconter ce moment charnière de l'histoire de notre collectivité.

Je me souviendrai de ce que je faisais dans la nuit du 5 au 6 juillet, comme bien des gens au Québec, comme la quasi-totalité de ceux qui se trouvaient non loin des lieux de ce carnage insensé. Le samedi 5 juillet, nous nous sommes trouvés dans le Canton magnifique de Melbourne. La rivière Saint-François, épargnée par les événements, traverse les deux anciens villages (pré-fusion) de Richmond et de Melbourne, qui sont joints par un de ces vieux ponts de fer comme on n'en voit parfois au Québec. Ce pont est si étroit, que le trafic des véhicules doit se faire en alternance. L'un des côtés de ce pont comporte une petite traverse piétonnière en bois. En fin de journée, j'ai eu l'immense plaisir d'y faire la connaissance d'un homme de Lac-Mégantic qui, comme moi, s'était arrêté quelques minutes pour contempler la rivière, magnifique à cet endroit.

Nous avons d'abord échangé concernant la rivière, dont le débit était fort pour ce temps de l'année. Puis, rapidement, notre conversation a bifurqué vers les funestes événements de Lac-Mégantic. L'homme, beaucoup plus âgé que moi, je dirais fin soixantaine, peut être plus, me racontait qu'il avait décidé de quitter Mégantic, notamment à cause de l'odeur. Sa sœur habitait Richmond. Mais ce qui m'a beaucoup ému, c'est comment cet homme vivait l'attention du monde qui se tournait vers lui, vers sa communauté dans un moment où les siens avaient tant besoin de se recueillir.

«C'est pas toute de voir notre monde consterné, sans trop savoir comment réagir, mais en plus, quand on voudrait être un peu tout seuls, y'a les yeux du monde qui arrivent au grand complet. Moi je trouve ça insupportable. Si t'as envie de brailler, y vont te planter une caméra dans face pour montrer ça à tout le monde.»

Nous avons marché ensemble, vers Richmond. Quelques minutes plus loin, en ligne droite, un petit pont qui surplombe la voie ferrée. Apparemment que cet endroit habituellement très fréquenté. À gauche de la «track», la municipalité a investi dans une jolie piste cyclable. Par cette belle fin de journée ensoleillée du juillet, la piste est déserte, pas une âme n'ose s'y promener. Mon compagnon d'infortune m'apprend que ce n'est pas le même tronçon que celui qui traverse Lac Mégantic. Peu importe, la population d'ici ne regardera plus la «track» de la même façon selon lui. « Qui sait ce qui se promène dans ces wagons-là!».

Sans cérémonie, l'homme m'a poliment salué et a quitté par une rue transversale. Pour ma part, je suis resté sur cet «overpass», béat, comme en attendant qu'un train passe, perdu dans quelques rêveries, mon ipod vissé dans mes écouteurs. La lecture aléatoire me proposait alors un morceau de Miserere d'Arvo Pärt. J'ai arrêté ça tout de suite avant de me «crisser en bas», car ce que je ressentais à ce moment-là c'était de la colère, de la rage. J'ai plutôt opté pour la seule chanson qui convenait dans les circonstances, pour moi, L'avenir sera de l'excellent band métal français L'Esprit du Clan .

«L'avenir sera ce qu'on en fera...»

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