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Crise mondiale de la migration: mettre l'humanité du Canada à l'épreuve

Les gens que nous voyons traverser les champs des agriculteurs pour atteindre le Canada sont peu nombreux, mais ils représentent une crise humanitaire mondiale beaucoup plus importante dans laquelle des dizaines de millions de personnes n'ont nulle part où aller.
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Après une année passée à nous féliciter d'avoir accueilli quelque 40 000 réfugiés syriens, l'opinion canadienne sur la migration est aujourd'hui remise en question par des demandeurs d'asile qui entrent au pays au compte-goutte de façon clandestine par divers points de passage non officiels. Ce goutte-à-goutte, que les manchettes qualifient pourtant d'« afflux » ou de « vague » de migrants risquant de submerger les capacités canadiennes à accueillir les réfugiés, serait risible s'il ne contribuait pas aussi au sentiment anti-immigration, laissant dans l'ombre des personnes et des familles désespérées qui ne veulent que se forger une vie meilleure au Canada.

Les histoires de réfugiés qui prennent d'assaut les petites villes frontalières du Manitoba et du Québec ont renforcé une partie de la rhétorique sur l'approche du Canada en matière de sécurité des frontières, mais jusqu'à présent n'ont apparemment pas réussi à changer le fait que nous sommes plus accueillants que les autres pays. Nos chaînes d'information se sont fait un plaisir de montrer des images d'agents de la GRC portant des poussettes et aidant certains des plus récents nouveaux arrivants. Ce que nous voyons rarement est les images des autres arrivants pendant leur prise d'empreintes digitales, leur détention et dans certains cas, leur incarcération pour avoir exercé le droit de demander l'asile.

Dans l'ensemble, la géographie du Canada - entouré par les océans, la glace et une seule frontière internationale - a servi de contrefort pour protéger la plupart d'entre nous contre une exposition directe à la crise de la migration mondiale actuelle, où plus de 60 millions de personnes dans le monde ont dû quitter leur foyer en raison de la pauvreté, de la sécheresse, de la violence des gangs, des conflits et de la persécution. Il a été facile pour nous de croire que nous sommes peut-être plus accueillants que nos homologues australiens, européens ou américains, qui ont visiblement extériorisé leurs frontières, payé des pays tiers pour bloquer activement les migrants potentiels ou érigé des barrières physiques et légales pour priver un grand nombre de personnes de leurs droits de demander et de recevoir l'asile d'une manière digne.

Reconnaître le droit de demander l'asile

Il convient de rappeler que les gens ont le droit de fuir, de demander l'asile et une protection physique, et que les pays ont l'obligation légale de les accueillir et de recevoir et d'examiner chaque demande. Cela ne signifie pas que tous les demandeurs d'asile obtiendront leur billet d'entrée; beaucoup d'entre eux seront renvoyés dans leur pays d'origine, à condition que ceux-ci respectent les droits de la personne et offrent une sécurité relative. Malheureusement, les craintes et les économies stagnantes dans de nombreux pays de destination semblent avoir conduit un grand nombre de leurs citoyens à vouloir fermer complètement la porte aux réfugiés et aux demandeurs d'asile.

Il faut aussi reconnaître que, en prenant la fuite, la plupart des gens en transit sont devenus vulnérables, victimes d'abus et la proie des gangs, des passeurs et des autorités injustes.

Mais il ne faut pas tourner le dos à notre responsabilité collective d'accueillir les réfugiés dans la dignité, de leur offrir l'asile et d'examiner chaque demande individuelle en fonction de leur bien-fondé et, en cas de rejet, d'assurer que les demandeurs puissent retourner dans leur pays d'origine ou vers des pays tiers en toute sécurité. En tant que Canadiens, nous devons prendre conscience que notre gouvernement gère déjà nos frontières par le biais d'un système complexe d'interdiction -- qui a été conçu exprès pour empêcher les demandeurs d'asile de fouler notre sol et d'exercer leur droit de fuir la violence et de rechercher la sécurité. Il faut aussi reconnaître que, en prenant la fuite, la plupart des gens en transit sont devenus vulnérables, victimes d'abus et la proie des gangs, des passeurs et des autorités injustes.

Les gens que nous voyons traverser les champs des agriculteurs pour atteindre le Canada sont peu nombreux, mais ils représentent une crise humanitaire mondiale beaucoup plus importante dans laquelle des dizaines de millions de personnes n'ont nulle part où aller. Quelles que soient les causes qui les poussent à fuir leur pays, de nombreux déplacés se retrouvent coincés dans un système dont il est difficile de se sortir. Ceux qui arrivent au Canada représentent une infime minorité, sans doute chanceuse, qui pourrait bientôt voir le bout d'un long, dangereux et pénible voyage.

Médecins Sans Frontières (MSF) est sur les lignes de front des pires conflits et crises humanitaires du monde, à délivrer des soins médicaux d'urgence. Les personnes déplacées par la violence et le désespoir sont souvent nos patients, et ainsi nous sommes à même de constater comment les barrières au sens propre et au sens figuré, qui sont érigées par les pays de destination sûrs en Europe occidentale et en Amérique du Nord, jettent les migrants dans un dangereux flou où la sécurité, la dignité et le respect du droit sont absents. J'ai moi-même visité des projets de MSF en Libye et au Mexique, où les souffrances que nous voyons chez les patients sont directement attribuables aux obstacles qui les ont poussés vers de dangereux réseaux de migration clandestine.

Les migrants sont doublement vulnérables

Les gens qui ont dû affronter l'esclavage, la détention illégale, les enlèvements et la violence sexuelle tout en essayant d'exercer leur droit de fuir deviennent souvent doublement vulnérables, et il revient à nous d'examiner non seulement la raison première pourquoi ils ont fui leur pays d'origine, mais aussi les exactions et la violence dont ils ont été victimes en chemin. Les obstacles et le confinement n'empêcheront pas les gens de fuir, et les déportations vers des pays dangereux ne font que retourner les victimes de violence vers l'incertitude, l'oppression et les abus sans fin.

Le nombre de réfugiés que le Canada devrait accepter est une question dont doivent débattre les Canadiens et nos politiciens. (Il est à noter que le Liban a accepté un million de réfugiés depuis le début du conflit en Syrie en 2011, ce qui représente près d'un réfugié pour quatre citoyens; l'accueil chaleureux au Canada de 40 000 Syriens l'an dernier représente près d'un réfugié pour chaque 875 citoyens.)

Je nous encourage à nous fixer un objectif dont nous pourrons être fiers, aujourd'hui et pour les années à venir. Peu importe l'issue de ces débats, assurons-nous de traiter avec dignité les personnes vulnérables piégées dans le désespoir du système de migration mondial, de reconnaître les souffrances auxquelles elles sont exposées pendant le trajet et de ne pas retourner les demandeurs d'asile vers les prisons non officielles et la torture en Libye, vers les gangs et les enlèvements en Amérique centrale, ni vers les régimes dictatoriaux où les droits de la personne ne sont pas garantis.

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