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Acceptabilité sociale: pertinence sociale et acceptabilité locale

Plus les balises de l'évaluation et les responsabilités seront définies, plus il sera possible d'obtenir l'acceptabilité sociale pour les bons projets et de rejeter les mauvais pour les bonnes raisons.
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En novembre 2014, le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles du Québec, M. Pierre Arcand, a lancé un grand chantier sur l'acceptabilité sociale des projets de mise en valeur du territoire public ainsi que des ressources énergétiques et minérales.

Après avoir rendu public, en novembre 2015, un rapport de la firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) analysant entre autres les facteurs d'acceptabilité sociale de divers projets, le ministre s'apprête à déposer à l'Assemblée nationale du Québec un livre vert sur l'acceptabilité sociale, qui sera l'objet d'une consultation en commission parlementaire.

En clair, le ministre souhaite améliorer la moyenne au bâton du gouvernement quant à la réalisation de ses grands projets de développement.

De façon générale, l'absence d'acceptabilité sociale découle de lacunes majeures sur deux plans:

1) celui de l'acceptabilité locale, en raison des impacts des projets concernés sur les communautés directement touchées (bruit, pollution, circulation, sécurité, valeur des propriétés, etc.) ;

2) celui de la pertinence sociale, les promoteurs s'avérant incapables de convaincre les communautés de l'adéquation des projets avec certaines orientations ou attentes (politiques sectorielles, retombées économiques directes et indirectes, impacts écologiques globaux).

Face à l'émergence du phénomène d'opposition systématique aux grands projets de développement, les gouvernements ont tôt fait savoir aux promoteurs que c'est à eux, et à eux seuls, qu'incombe le fardeau de la preuve du soutien des communautés. De fait, ils se sont vu transférer une lourde charge, celle de défendre des orientations et des choix qui ne sont pas nécessairement les leurs.

Fait intéressant, à la page 107 du rapport intitulé Ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles : Conciliation des usages lors de la mise en valeur du territoire dans une perspective d'acceptabilité sociale (RCGT, 6 octobre 2015), les auteurs identifient, parmi les différents facteurs influençant l'acceptabilité sociale des projets, celui de «l'intégration d'un projet au regard des orientations gouvernementales». Ils précisent même qu'«un projet qui est bien accueilli par une communauté est (...) un projet pour lequel sa pertinence économique et sociale a été démontrée».

Or, la responsabilité de démontrer cette pertinence appartient aux gouvernements. D'abord parce qu'ils sont les donneurs d'ouvrage des grandes infrastructures et les architectes des stratégies du développement économique ainsi que des ressources naturelles et énergétiques ; ensuite parce que ces mesures requièrent l'aval de la population dont les élus sont les représentants légitimes.

Le flou actuel est d'autant plus préoccupant qu'il donne l'impression que l'acceptabilité sociale est en quelque sorte un filtre utilisé aux fins d'une sélection aussi naturelle qu'aléatoire de projets, et ce, sans égard à leur pertinence pour notre société.

Pour les communautés locales, il s'agit d'une obligation supplémentaire qu'elles n'ont pas à assumer et qui ne doit pas interférer avec leur évaluation des impacts locaux des projets qui les touchent.

Pour les promoteurs, il s'agit d'une situation injuste, car au stade des consultations des communautés, ils croient à tort détenir l'aval du gouvernement quant à la pertinence de leurs projets.

Le débat, au cours de la dernière décennie, entourant les nombreux projets d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures sur le territoire québécois regorge d'exemples où les politiciens ont utilisé à dessein les enjeux d'acceptabilité locale de grands projets pour satisfaire les attentes de ceux qui en contestaient la pertinence sociale.

Inutile de rappeler qu'à cette période, la politique énergétique québécoise datait, que son volet «hydrocarbure» était anachronique, et que l'encadrement législatif et règlementaire en vigueur concernait le secteur minier. Le corollaire de cette absence flagrante de repères et d'orientations claires pour le gouvernement a été une politisation mesquinement partisane et une improvisation déplorable.

La décision du gouvernement du Québec d'imposer, en 2012, un pseudo-moratoire sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent tout en permettant la poursuite de travaux d'exploration pétrolière sur l'île d'Anticosti, illustre parfaitement ce genre de manœuvre pernicieuse qui consiste essentiellement à rassurer ceux qui militent contre les énergies fossiles, tout en gardant la porte ouverte pour l'industrie.

Le manque de clarté complexifie l'exercice d'acceptabilité sociale, car plutôt que de favoriser un dialogue franc et ouvert avec ceux qui ne demandent qu'à y voir plus clair, on polarise le débat en deux camps radicaux : d'une part, celui des opposants systématiques accrochés aux formules comme Not In My Back Yard (NIMBY) ou Build Absolutely Nothing Anywhere Near Anything (BANANA) et, d'autre part, celui des tenants du développement tous azimuts et à tout prix.

La nature humaine est ce qu'elle est, et la politique sera toujours la politique. Il n'empêche que plus les balises de l'évaluation et les responsabilités seront clairement définies, par exemple en intégrant les 16 principes du développement durable dès la planification des projets, plus il sera possible d'obtenir l'acceptabilité sociale pour les bons et de rejeter les mauvais pour les bonnes raisons. N'est-ce pas d'ailleurs le but réel de l'exercice ?

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L'île d'Anticosti vue par le photographe Marc Lafrance

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