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Breaking Bad: la fin d'un western contemporain

Difficile d'organiser ses idées au lendemain d'une conclusion aussi percutante que celle offerte pardepuis deux mois. Une conclusion frénétiquement lente et exigeante. Une conclusion à l'image de l'aventure - fort heureusement pour nous tous.
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NDLR - Si vous n'avez pas encore visionné la finale de Breaking Bad, dimanche soir, je vous suggère d'y aller avant de lire ce billet. Je m'en voudrais de gâcher votre plaisir.

Difficile d'organiser ses idées au lendemain d'une conclusion aussi percutante que celle offerte par Breaking Bad depuis deux mois. Une conclusion frénétiquement lente et exigeante. Une conclusion à l'image de l'aventure - fort heureusement pour nous tous.

Ceci étant dit, le rideau est tombé sur Walter White. Une longue agonie, ponctuée d'un dernier soupir de soulagement, voire de satisfaction. Comme je le soulignais lors de mon billet suivant le premier épisode de cette conclusion en huit temps : le roi est mort, vive le roi.

Tragiquement, la finale se résumerait adéquatement ainsi. Le roi est mort, et il a gagné. D'une certaine façon.

Vince Gilligan est un habile conteur, utilisant un scalpel en guise de plume. Précis, méthodique, il opère à cœur ouvert depuis le début de sa série. Dimanche, la finale concluait l'opération, refermant la plaie d'une main toujours aussi habile. Le scalpel substitué par du fil et une aiguille. Une cicatrice fraîche, encore douloureuse, qui guérira un jour.

La beauté du tour de force de Gilligan réside dans l'apparente transparence de l'aventure. Avec le recul, elle n'aura fait que bonifier la surprise et la satisfaction à chaque tournant. Comme un magicien qui performe avec les manches relevées. Le mécanisme, sans être dissocié de l'opération, ne devient jamais le point central de celle-ci. La main agile trompe l'œil le plus vigilant.

Gilligan, en 62 épisodes, a développé la vie et la mort d'un homme ambitieux sans jamais cacher ses intentions et ses méthodes. Même que, la plupart du temps, tous les éléments d'un dénouement étaient en place longtemps bien avant que celui-ci ne se déploie. Comme lors de la finale, par exemple, où chaque conclusion s'est soldée par le biais d'un accessoire récurent depuis le début de la série (une mitraillette et du poison, pour ne nommer que ceux-là).

Une rareté à l'époque de l'information à la carte, Breaking Bad dissimulait les pistes vers sa conclusion à ciel ouvert. Exploitant autant les connaissances de son public que ses attentes, Gilligan a déployé son récit sans dévier de son itinéraire : la vie et, ultimement, la mort de Walter White. À rebours, toute cette élaboration trouve son sens.

De l'ambition refoulée à l'accomplissement corrosif de son antihéros, jamais l'accent n'aura été ailleurs que sur la moue trouble de Bryan Cranston. Particulièrement au cours de la dernière heure de la série, le condamné occupe le centre de la scène une dernière fois afin d'offrir de nombreuses conclusions. Un épilogue, ni plus ni moins, à la suite de tous les changements imposés à l'entourage de ce personnage troublé et troublant. Dans cette réalité construite avec un souci du détail alarmant, il y a un avant et un après indéniable. Les deux baignent dans l'inconnu, mais ils sont présents et ils ont jeté de l'ombre sur cet espace-temps qu'est devenu, à l'usure, Breaking Bad.

Les frustrations d'une vie amère et le spectre de la mort annoncée. Une paire de serre-livres drôlement contraignante.

En choisissant la fin « heureuse », Gilligan ne s'éloigne pas trop du désir de son public tout en formant, par extension, une conclusion plausible à son récit improbable. Quand la poussière retombera (dans cet après fictif qu'on ne connaîtra pas), l'homme qu'était Walter White ne sera pas complètement supplanté par le monstre qu'est Heisenberg. L'humanité, au lendemain de toute cette laideur, retrouve une parcelle de lumière. Du moins, dans le cône très restreint autour de Walter White, l'épicentre du récit. Parce que tout autour, il n'y a rien de plus que des ruines.

Un désert, autant physique qu'émotif.

Plus de dix millions de téléspectateurs (10,3 en moyenne) ont suivi la grande conclusion de Breaking Bad. Une croissance considérable comparativement au 2,8 millions de la première moitié de cette cinquième et ultime saison. Des chiffres éloquents qui témoignent d'un phénomène dépassant largement le cadre de notre téléviseur. Rares sont les séries aussi rassembleuses à l'ère de la télé fragmentée et des chaînes spécialisées. Vince Gilligan a trompé la logique en déconstruisant ce que nous connaissons de la télévision, passant d'une comédie dramatique lors de la première saison à un drame unilatéral au cours de la dernière déclinaison. Les sourires étaient rares dimanche soir, à l'exception de celui esquissé timidement par un homme à l'aube de la mort, la main sur sa précieuse contribution à l'univers.

Un phénomène qui s'explique mal, sans aucun doute. Mais Breaking Bad est entré par la grande porte dans la mémoire collective. Loin des rires en cannes, la fiction froidement réaliste de Vince Gilligan s'est éteinte et avec elle, naît l'espoir d'une relève encore plus audacieuse.

S'il y a un avant et un après-Heisenberg à l'intérieur de la diégèse de la série, il y a désormais un avant et un après-Breaking Bad dans notre paysage télévisuel. Sauf qu'ici, contrairement à la fiction, nous avons la chance et le plaisir de vivre l'après, tout en caressant affectueusement les souvenirs de l'avant.

Au revoir Breaking Bad - à la prochaine pour d'éventuelles retrouvailles nostalgiques.

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