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Jean Garon n'avait peur de rien. Il écoutait, il observait, et livrait toujours sa décision avec une passion comme lui seul pouvait la vivre.
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J'étais tout juste installé sur la traverse de Sorel en direction de la rive nord quand j'ai lu la nouvelle: Jean Garon est mort. «Monsieur Garon» comme tous l'appelaient au Cabinet du ministre de l'Éducation à l'époque. Quelle coïncidence de la vie, moi qui étais en route ce matin pour jaser de la mort avec l'Abbé Gravel à Joliette.

En roulant à mon rendez-vous avec l'Abbé, je me suis remémoré tellement de souvenirs, de moments intenses, et d'incidents cocasses. Jean Garon est entré dans ma vie dans les années 70 à l'époque où - enfant - je suivais assidument les débats de l'Assemblée nationale avec ma grand-mère. On aimait bien se bercer tous les deux devant la bonhommie et le franc-parler de cet homme si original. Élevé dans une famille péquiste, Garon était notre homme! Puis vint, pour moi, le stage à l'Assemblée nationale en 1993. J'avais dans la tête d'aller travailler avec Monsieur Garon, mais comment s'y prendre? Pourquoi ne pas se rendre à son bureau de comté à Lévis et lui demander, carrément? Ce qui fut fait. Une fois ma requête présentée en personne devant mon idole de jeunesse, il se met à rire et se tourne vers Simon, son éternel attaché de presse: «C'est OK le jeune! On va t'arranger ça! Vous êtes avocat, ça peut toujours servir, c'est pas perdu.» J'étais sans connaissance. 25 ans, le nombril vert en politique et me voilà à travailler et suivre les pas de celui qui avait ébloui ma jeunesse.

Puis vinrent les jours d'Opposition où l'on fouillait les dossiers de Transport. Et la campagne électorale de 1994 où il m'est arrivé de traîner Monsieur Garon dans ma vieille Honda Civic un peu partout dans les salles paroissiales du Bas du Fleuve, de meeting en meeting. En voiture, Monsieur Garon refusait de s'attacher. Il me disait «Le jeune, y a qu'à l'asile qu'on attache les gens!» Une campagne avec Jean Garon, c'était la surprise instantanée et perpétuelle, les interminables histoires où dans chaque région, Jean Garon avait une anecdote à raconter, un lien à tisser, une connaissance à saluer.

Une fois nommé au cabinet de l'Éducation, le véritable travail débutait pour moi. Premier dossier, passé minuit, dans la grande salle du cabinet: «Gendron! Apporte ton dossier qu'on signe ça!» Oui, les fameux dossiers dans de grandes pochettes vertes qu'on surnommait les «pizzas pochettes» préparées par les fonctionnaires. Quelle catastrophe ce fut! «Puis?» Puis quoi ? - de répondre au ministre. Il me regarde avec des yeux qui fendaient l'air. «T'es pas prêt? Cliss, c'est plein de fautes en plus!» Euh.... oui, non, bref que voulez-vous? Je suais à grosses gouttes. En deux minutes, Jean Garon m'avait appris de grandes leçons de la vie politique. Je vous passe les détails.

Jean Garon, contrairement à ce que l'on peut penser, était un érudit de première. Il adorait l'opéra, maîtrisait tous les classiques de la philosophie et s'était spécialisé en droit fiscal. Il vouait un culte aux États-Unis, pays de sa conjointe qu'il adorait. Il était aussi un fin connaisseur de Jazz et du grass root du sud des États-Unis. Jean Garon, c'était l'excellence sur deux pattes. C'est avec lui que j'ai appris à écrire, et à exprimer ma pensée politique. Jean Garon c'était aussi un libre penseur, affranchi de la ligne de parti, tel un Mustang dans la plaine de l'Ouest. En passant devant mon bureau au 16e étage du Complexe G à Québec, il m'avait confié cette grande vérité : «Tu sais le jeune, nos pires ennemis ne sont pas en face (en parlant des libéraux). Non. Ils sont dans notre propre parti!» Où celle-ci concernant les programmes de partis politiques: «Bah! Tu sais, un programme, c'est pour plaire aux membres. C'est pas la véritable vie ça.» Chaque fois que Jean Garon brassait la cage du Ministère ou des réseaux de l'Éducation, il était heureux comme un Pape «Le jeune! On a ouvert un autre front ce matin. C'est bon! C'est bon! Ça brasse en cliss!».

Jean Garon n'avait peur de rien. Il écoutait, il observait, et livrait toujours sa décision avec une passion comme lui seul pouvait la vivre.

On s'est promené ensemble, on a fait le Québec en entier, et ce mentor restera toujours pour moi une source profonde d'inspiration. Aujourd'hui, je pleure sa disparition. Mais je garde en moi toutes ses leçons apprises et parfois oubliées.

Merci de m'avoir donné ma chance, Monsieur Garon. C'est surtout grâce à vous si je brûle encore de passion pour la politique et le service public. Merci du fond du cœur. Vous allez nous manquer.

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Jean Garon (archives)

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