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Les GES dans «Le piège Énergie Est»

d'Éric Pineault est une excellente vulgarisation pour s'approprier ce projet de TransCanada en totale contradiction avec les efforts signés par les États à Paris pour limiter les changements climatiques.
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Le Piège Énergie Est d'Éric Pineault est une excellente vulgarisation pour s'approprier ce projet de TransCanada en totale contradiction avec les efforts signés par les États à Paris pour limiter les changements climatiques.

Il est toutefois nécessaire d'apporter une rectification concernant les émissions de GES. L'estimation de 32 millions de tonnes citée dans le livre est tirée d'une analyse de l'Institut Pembina que de nombreux groupes et auteurs considèrent comme la seule étude significative, ce qui est inexact.

Il importe de consulter le rapport Les émissions de GES des sables bitumineux - Contribution du Canada et du Québec au réchauffement climatique publié en janvier 2016. Cette recherche exhaustive dans la documentation de l'industrie et des ministères révèle des estimations plus complètes et réalistes appuyées sur une méthodologie scientifique rigoureuse.

On attribue à tort les 32 millions de tonnes de Pembina aux émissions globales d'Énergie Est, ce qui est incorrect tout en étant chimiquement et physiquement impossible. Ces émissions doivent être attribuées exclusivement aux GES d'exploitation pour produire les 401,5 millions de barils permettant d'alimenter le pipeline ainsi qu'au pipeline lui-même. Elles ne couvrent pas les émissions du raffinage ni de la combustion!

Pour estimer les émissions globales du puits à la combustion, il faut faire la somme des émissions pour chaque activité du cycle. Seulement pour le raffinage, on considère des émissions moyennes de 21 kg de GES par baril raffiné au Canada. En ce qui concerne la combustion, la nomenclature considère une moyenne de 424 kg de GES par baril pour des combustibles issus du pétrole conventionnel. J'estime à 514 kg de GES par baril les émissions pour les combustibles raffinés du brut des sables bitumineux parce que la proportion d'hydrocarbures lourds est plus importante: le bitume contient moins de gaz que le pétrole conventionnel. Mais d'autres études estiment que les émissions de la combustion des produits du brut des sables bitumineux peut atteindre jusqu'à 559 kg de GES baril.

Il suffit de multiplier les 401,5 millions de barils qui circuleraient dans Énergie Est par 21 kg de GES pour connaître les émissions du raffinage et par 514 kg de GES pour connaître les émissions de la combustion. Il faut additionner ces émissions à celles de la production en amont, sans oublier les émissions de GES propres au pipeline Énergie Est lui-même.

En utilisant les coefficients déterminés dans le rapport, on peut calculer les émissions mondiales pour le projet Énergie Est:

  • 18,78 millions de tonnes de GES pour la production de 299 millions de barils
  • 5,54 millions de tonnes de GES pour la valorisation de 102 millions de barils
  • (soit 24,32 millions de tonnes de GES pour l'exploitation de 401,5 millions de barils)
  • 4,42 millions de tonnes de GES pour le transport de 401,5 millions de barils par Énergie Est

Pour un sous-total de 28,74 millions de tonnes de GES en amont des exportations auxquelles il faut ajouter:

  • 8,73 millions de tonnes de GES pour le raffinage de 401,5 millions de barils exportés
  • 206 millions de tonnes de GES pour la combustion des produits raffinés des 401,5 millions de barils exportés

Pour un grand total d'émissions globales de 244 millions de tonnes de GES seulement pour le projet Énergie Est.

Mais les émissions dont le Québec serait responsable ne se limitent pas au pipeline de TransCanada. Voici le résumé des calculs de la coresponsabilité climatique du Québec tel que décrit dans le rapport:

«Les émissions de GES associées à la coresponsabilité climatique du Québec comprennent 25 Mt éq. CO2 pour la production de 400,5 millions de barils de pétrole, 7,4 Mt éq. CO2 pour la valorisation de 137 millions de barils de pétrole, 4,42 Mt éq. CO2 pour le transport par le pipeline Énergie Est, 0,14 Mt éq. CO2 pour le transport par Enbridge 9B, 1,02 Mt éq. CO2 pour le transport par train de Fort McMurray à Belledune, ce qui totalise 38 Mt éq. CO2 avant raffinage et combustion des produits exportés. Il faut donc ajouter le raffinage des 537,5 millions de barils de pétrole qui produiront 11,68 Mt éq. CO2 et la combustion qui ajoutera 276 Mt éq. CO2 pour un total de 325 Mt éq. CO2 par année dès 2020.»

Pour le Canada, la responsabilité climatique annuelle prévue par l'industrie dès 2020 se calcule comme suit:

  • 76 millions de tonnes de GES pour la production de 1,210 milliard de barils
  • 26 millions de tonnes de GES pour la valorisation de 480 millions de barils
  • (soit 102 millions de tonnes de GES pour l'exploitation de 1,691 milliard de barils)
  • 8,72 millions de tonnes de GES pour le transport par pipeline de 1,382 milliard de barils
  • 2,30 millions de tonnes de GES pour le transport par train de 122 millions de barils

Pour un sous-total de 113 millions de tonnes de GES en amont des exportations auxquelles il faut ajouter:

  • 36,75 millions de tonnes de GES pour le raffinage de 1,691 milliard de barils
  • 869 millions de tonnes de GES pour la combustion des produits raffinés à partir des 1,691 milliard de barils

Pour un grand total d'émissions mondiales de 1017 millions de tonnes de GES. Ce qui représente 2% des émissions mondiales ou 254 millions d'automobiles à combustion!

Ces calculs ont été validés par des pairs et le niveau de confiance des estimations est suffisant pour servir de référence. Plusieurs approches ont été comparées pour calculer les émissions de GES afin d'éviter des chiffres erronés: réactions chimiques de la combustion, comparaison de divers rapports et de simulateurs d'émission de GES. Les documents consultés sont mentionnés dans les dix pages de la bibliographie.

Il n'aura fallu que cinq jours aux fumées des feux de forêt de Fort McMurray pour parcourir près de 7000 km et atteindre la Suisse. Il est donc physiquement impossible que les GES émis par le raffinage et la combustion du brut exporté des sables bitumineux ne se dispersent jamais dans l'atmosphère. Le Canada ne sera donc pas exempté des effets climatiques planétaires du réchauffement provoqués par la combustion de son propre pétrole exporté des sables bitumineux. Les GES ne respectent aucune législation. En conséquence, la responsabilité climatique s'applique...

Il est facile de réduire nos émissions nationales de 32 millions de tonnes, mais couper 113 millions de tonnes d'émissions nationales devient un défi, et éliminer 1017 millions de tonnes d'émissions mondiales relève du miracle... À moins d'interrompre totalement l'exploitation des sables bitumineux!

C'est bien dommage pour les 160 milliards de dollars investis depuis 40 ans dans cette industrie, mais il faut avouer que c'était une grave erreur connue et cachée par les pétrolières. Il reste très peu de temps à notre civilisation pour abandonner les combustibles fossiles...

>Éric PINEAULT, Le piège Énergie Est, 2016, Écosociété, 240 pages.

>Stéphane BROUSSEAU, Les émissions de GES des sables bitumineux - Contribution du Canada et du Québec au réchauffement climatique, 2016, Institut de recherche en architecture de société durable (IRASD), division Enjeux énergies et environnement, [En ligne]

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