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Quand Jean-Marc Fournier voit la situation du français en rose

Plus de 50 % des immigrants ne connaissant pas le français, ne s'inscrivent à aucun cours de français, selon une étude de l'Institut de recherche en économie contemporaine.
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Dans une lettre d'opinion publiée le 11 avril dernier dans La Presse, le ministre responsable des Relations et de la Francophonie canadiennes, Jean Marc Fournier, nous propose, à l'image de son premier ministre, un portrait jovialiste de la situation du français, tant au Québec qu'au Canada. Je l'invite plutôt à enlever ses lunettes roses et à regarder la réalité en face.

M. Fournier se réjouit de voir que «85 % des nouveaux arrivants connaissaient le français à leur arrivée ou l'apprenaient dans nos écoles, pour les enfants, ou par les services de francisation du ministère de l'Immigration, pour les adultes».

Cela signifie néanmoins que 15 % des nouveaux arrivants ne parlent pas un mot de français, ne font aucune démarche et n'obtiennent aucun service pour y arriver. Qui plus est, une étude de l'Institut de recherche en économie contemporaine, publiée en janvier dernier, démontre que plus de 50 % des immigrants ne connaissant pas le français, ne s'inscrivent à aucun cours de français. Or, dans un cas comme dans l'autre, les statistiques devraient plutôt avoisiner zéro pour cent.

À Montréal, la proportion de personnes dont la langue maternelle est le français est maintenant inférieure à 50 %. Pendant ce temps, le gouvernement dont fait partie Jean-Marc Fournier coupe dans les programmes de francisation. Pour ce qui est de la francisation en milieu de travail, par exemple, les sommes disponibles ont diminué de moitié, passant de 8 millions à 4 millions de dollars. Pendant que le ministre se complaît béatement, la situation, elle, continue de s'aggraver.

Du côté canadien, le ministre exulte en voyant se hisser des drapeaux, ou des déclarations communes avec d'autres provinces être convenues. Autant de gestes purement symboliques qui cachent la triste réalité: la proportion de ménages dont la langue maternelle est le français diminue inexorablement. Selon le dernier recensement, cette proportion est passée de 4,3 % en 2006 à 4,2 % en 2011. Même au Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue, pour la même période, la proportion de personnes déclarant qu'elles ont le français comme langue maternelle a diminué de 0,5 %. Petit à petit, le français s'étiole à travers le Canada.

Jean-Marc Fournier nous dit que «favoriser la résonance de notre langue, au Canada, c'est favoriser l'émergence et le développement de notre appartenance en son sein». Ce que cache cette phrase pompeuse, c'est que le jupon dépasse. D'une part, le ministre instrumentalise la langue et ses locuteurs pour mousser son option visant à faire du Québec une «province comme les autres», alors que le fait est, bien au contraire, que peu importe qu'on soit indépendantiste ou fédéraliste, la défense et la promotion du français doivent constituer des objectifs prioritaires en soi et non des enjeux secondaires soumis à des considérations politiques et partisanes.

D'autre part, M. Fournier n'envisage le débat linguistique que dans le seul cadre canadien, alors que cette question se pose avec la même acuité pour toutes les communautés francophones d'Amérique qui s'efforcent, tant bien que mal, de ne pas se laisser engloutir par l'océan anglophone dans lequel elles baignent.

Je ne me reconnais pas davantage dans la lecture étriquée que fait le ministre des revendications et des acquis de la Révolution tranquille, lorsqu'il énonce sa vision manichéenne du «chez nous», par opposition à «chez eux». Je crois cependant que c'est en étant pleinement «nous» qu'on peut le mieux initier, développer et entretenir une relation ouverte et constructive avec l'autre, ces «eux» auquel le ministre faisait référence.

Nous devons impérativement laisser tomber les lunettes roses ainsi que les œillères, parce que la responsabilité de défendre avec pragmatisme notre langue commune va de pair avec son rayonnement au-delà de nos frontières.

Devant ce constat qui semble échapper au ministre Fournier, la réponse ne devrait pas être de se féliciter de résultats qui devraient, au contraire, nous faire sourciller, mais plutôt de redoubler d'ardeur, de réinvestir en francisation et d'y aller de nouveaux efforts pour que la langue française soit en croissance, au Québec comme ailleurs en Amérique, plutôt qu'en recul, comme c'est présentement le cas.

C'est ce que le ministre et tout le gouvernement libéral devraient faire, plutôt que de s'exciter en préparant les pétards et les ballounes du 150e anniversaire de la fédération, alors que la signature du Québec est toujours absente au bas de la Constitution canadienne.

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Mai 2017

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