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Si Hillary Clinton est élue présidente, elle ne pourra rien faire

Si elle est élue présidente ce soir et investie comme prévu le 20 janvier, elle aura à négocier son agenda législatif avec le Congrès, qui reste maître de la politique intérieure des Etats-Unis.
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Hillary Clinton est la favorite pour remporter l'élection présidentielle américaine de demain, mardi 8 novembre 2016. Si les sondages sont justes, Hillary Clinton devrait gagner avec une marge de victoire légèrement inférieure à celle de Barack Obama en 2012, soit environ 300-320 Grands électeurs, contre 332 pour l'actuel locataire de la Maison-Blanche.

Dans un scénario très étriqué, Donald Trump pourrait encore créer la surprise et briser le "mur bleu" qui avantage le camp démocrate au Collège électoral. Pour cela, il lui faut remporter les swing-states les plus peuplés (Floride, Ohio, Caroline du Nord), et ajouter à sa coalition soit la Pennsylvanie, qui n'a plus voté républicain depuis 1988, soit une combinaison d'États de taille plus réduite (Michigan, Nevada, Iowa, New Hampshire), qui ont tous voté pour Barack Obama, en 2008 comme en 2012.

Si Hillary Clinton est élue présidente le 8 novembre et investie comme prévu le 20 janvier, elle aura à négocier son agenda législatif avec le Congrès, qui reste maître de la politique intérieure des États-Unis (budget, santé, défense, éducation, etc.). Le contexte actuel n'est pas favorable pour Clinton, puisque les républicains contrôlent la Chambre des représentants (depuis 2011), le Sénat (depuis 2015), et ont bloqué avec succès toute mesure législative majeure du président Obama depuis cinq ans.

Outre la présidence, la totalité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat sont remis en jeu ce mardi. Cela pourrait changer quelque peu l'équilibre des pouvoirs, mais sans doute pas suffisamment pour permettre à Hillary Clinton d'éviter l'obstruction législative dont Barack Obama a été victime ces dernières années. En effet, si le Sénat pourrait repasser dans le camp démocrate de justesse, la Chambre, elle, semble verrouillée par le parti de l'éléphant, qui a redessiné à son avantage les districts électoraux à la suite de son succès de 2010.

Par conséquent, comme Barack Obama, Hillary Clinton devra sans doute s'appuyer sur les décrets (executive orders) pour faire avancer les choses. C'est notamment ainsi que Barack Obama a pu éviter la déportation de 5 millions de clandestins (Deferred Action for Childhood Arrivals, 2014), ou encore lancer un grand plan de limitation des émissions de CO2 pour les entreprises (Clean Power Plan, 2015). Mais le pouvoir du chef de l'exécutif en matière de décrets est fragile: le DACA comme le Clean Power Plan ont été bloqués par la Cour suprême, qui a considéré que le président avait abusé de ses pouvoirs en ignorant l'avis du pouvoir législatif.

La problématique est similaire pour Clinton au Sénat. Récupérer la chambre haute lui permettra sans doute de sélectionner un juge pour occuper le siège laissé vacant depuis huit mois à la Cour suprême, puisqu'une majorité simple est nécessaire. Mais cela ne lui assure pas, par exemple, de faire valider les traités internationaux signés par Barack Obama (l'engagement de la COP21 au premier chef). En effet, pour ces derniers, la majorité des deux tiers est nécessaire: Clinton devra obligatoirement convaincre une quinzaine d'élus républicains de l'appuyer.

Or, étant donné les prises de positions récentes de ces derniers, en majorité soutiens de Donald Trump, cela paraît plus qu'improbable. Parmi les sénateurs républicains, certains ont d'ores et déjà laissé entendre que jamais ils ne permettraient à Hillary Clinton de sélectionner un juge pour la Cour suprême. Une irresponsabilité malhonnête pour ceux qui disent défendre la Constitution contre la gauche, mais qui refusent de remplir les missions que leur assigne le texte fondateur des institutions américaines.

Au-delà de la Cour suprême, certains législateurs républicains ont même évoqué des procédures de destitution contre Hillary Clinton, avant même que celle-ci ne soit seulement élue. L'intervention du FBI, dirigé par un républicain, en pleine période électorale, puis sa volte face subite à deux jours du scrutin, est sans doute une erreur maladroite, mais elle montre à quel point l'opposition aux démocrates n'agit plus de façon rationnelle et sensée depuis plusieurs années. Le journaliste Paul Waldman rappelait simplement hier dans le Washington Post: "C'est important de comprendre que ce n'est pas normal. Quelque chose d'incroyable est en train de se passer".

C'est le cas. Le virage à droite du Parti républicain, continu depuis plus de trente ans, dans un cadre institutionnel conçu pour fonctionner au compromis, met en danger le système politique américain. Les républicains, et les électeurs qui soutiennent ce parti, alimentent le conservatisme américain grâce à la "criminalisation de la politique", l'idée que l'on doit se servir des positions de pouvoir pour détruire l'opposition progressiste. Bill Clinton a failli en faire les frais, et le même sort est désormais promis à la candidate démocrate.

Mais ce faisant, la seule destruction dont le monde entier est témoin depuis des années, est celle de la puissance, de l'autorité et de la crédibilité de la première puissance de la planète. Une destruction avant toute intérieure, législative, à l'heure où les institutions américaines ne sont visiblement plus en état de fonctionner normalement. Une destruction extérieure également, puisque la réputation des États-Unis à l'échelle mondiale, bien que significativement redorée par Obama, se meurt des prises de position du Parti républicain à contre-courant de l'histoire et de la logique sur des sujets majeurs: science, immigration, changement climatique, armes à feu, etc.

Le mouvement de Trump étant majeur, profond, et durable, il est donc probable que si Hillary Clinton devient présidente des États-Unis, rien ne changera. L'opposition républicaine, institutionnellement irrationnelle, ne le permet tout simplement pas.

Ce billet de blogue a été initialement publié sur le HuffPost France

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