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«Une île flottante»: de l'humour loufoque et décalé à souhait

Christoph Marthaler use de tous les ressorts du comique, à la fois burlesque, insensé, décalé et toujours inattendu. On ne rit pas du début à la fin, mais on rit vraiment. Rien n'est prévisible dans cette œuvre hors-norme, loufoque à souhait et même davantage...
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C'est pour l'ensemble de son œuvre que le metteur en scène suisse Christoph Marthaler a reçu à la Biennale de Venise de théâtre un Lion d'Or en 2015. Son langage personnel, l'usage de la musique dans ses productions et son sens de l'humour qui unit tragédie et comédie en un seul tenant étaient parmi les qualités soulignées pour la remise de ce prix prestigieux.

Les spectateurs d'Une île flottante, présentée en ouverture du Festival TransAmériques à Montréal (FTA), peuvent en effet prendre la mesure de l'humour et de l'excentricité - le mot est faible - de Christoph Marthaler dans cette adaptation d'une pièce de Labiche qui raconte la rencontre de deux familles dont les enfants vont se marier. Emmeline, la fille de monsieur et madame Malingear, veut épouser Frédéric, le fils de monsieur et madame Ratinois ; et Labiche se plait à montrer la manière dont chacune des deux familles cherche à faire croire qu'elle est plus riche qu'elle l'est vraiment. La Poudre aux yeux est un vaudeville amusant, mais qui ne déborde pas d'originalité. Sauf quand c'est Christoph Marthaler et sa troupe de huit acteurs plus que surprenants qui s'emparent de la scène et de ses décors comiques et délirants.

L'union de deux familles constitue toujours la rencontre improbable de deux mondes qui ont peu de choses en commun. Dans l'adaptation signée du Suisse allemand, la famille Malingear parle le français tandis que les Ratinois parlent l'allemand. L'intrigue introduit cette dimension qui complique la rencontre. Mais l'adaptation n'en reste pas là. Comme pour répondre à une fidélité obligatoire de la pièce d'origine, les Malingear ont bien une Alexandrine comme femme de chambre, mais elle est interprétée par un homme, Emmeline joue bien du piano, mais il s'agit en fait d'une harpe...

L'humour d'Une île flottante introduit tous les décalages possibles et imaginables. Également toutes les exagérations qui offrent un portrait de chacun des personnages à la fois réaliste et caricatural en insistant moins sur la personnalité de chacun que sur sa face cachée. Ce que Marthaler semble vouloir montrer au spectateur, ce n'est pas ce que disent, font ou veulent faire les protagonistes de la pièce, mais ce qu'il est possible d'observer d'eux et qu'ils s'appliquent à ne pas montrer, car c'est contraire aux conventions et à la bienséance ordinaire.

Le spectateur ordinaire devient ainsi un observateur minutieux de tout ce que les conventions sociales interdisent de voir lorsqu'on possède une bonne éducation. Longs silences soi-disant réfléchis, petits gestes déplacés, sentiments hypocrites ou ostensiblement amoureux, excentricités personnelles, tics, manifestations involontaires du corps, petites folies ordinaires dissimulées dans les familles... Les acteurs sur scène saignent du nez, ronflent, partent dans des logorrhées impossibles ou semblent davantage intéressés par le battement de l'horloge que par la question de leur interlocuteur. Marthaler en bon musicien qu'il est (formé au hautbois et metteur en scène d'opéras) permet l'écoute attentive du silence ou fait chanter ses acteurs sur scène et ajoute différents morceaux de musique totalement éclectiques, sans compter le tic-tac de l'horloge ou la sonnerie des cloches d'une église qu'on entend comme si elles étaient soudain sur scène.

Ses personnages m'ont semblé un mixte de ceux que l'on rencontre dans les films de Wes Anderson (Moonrise Kingdom ou The Grand Budapest Hotel), et dans ceux de La famille Addams de Barry Sonnenfeld, et m'ont beaucoup fait penser à l'atmosphère des scènes de réceptions de Mon oncle de Jacques Tati, mais transposées dans une Suisse où s'invitent un nombre improbable et impressionnants de toutes sortes d'animaux empaillés...

Christoph Marthaler use de tous les ressorts du comique, à la fois burlesque, insensé, décalé et toujours inattendu. On ne rit pas du début à la fin, mais on rit vraiment. Rien n'est prévisible dans cette œuvre hors-norme, loufoque à souhait et même davantage...

Une île flottante (Das Weisse vom Ei), les 26, 27 et 28 mai 2016 au Théâtre Jean-Duceppe dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA)

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

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