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«Things are leaving quietly, in silence»: performance et musique contemporaine

Au bout d'une heure de création musicale dans laquelle s'insère un solo dansé, le public s'est comme tétanisé et adouci: mis au diapason d'une sorte de calme, de tranquillité et d'indolence qui l'empêcheraient presque d'applaudir.
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Des dizaines de têtes de mort transparentes qui jonchent la surface blanche du sol, un immense piano à queue dans un coin de la salle carrée et trois consoles de musique électronique avec guitares et micro aux trois autres, en plein centre le duo TwinMuse, des jumelles immobiles aux yeux cernés et en robes noires qui se donnent la main et dont les tresses exagérément longues se réunissent à leur extrémité: c'est à peu près ce qui attend le spectateur lorsqu'il est invité à s'installer tout autour de la salle noire et blanche du Monument National où va se donner le spectacle Things are leaving quietly, in silence mis en scène et chorégraphié par Frédéric Tavernini en collaboration avec les musiciens Dear Criminals et TwinMuse.

Entre le moment où le public s'installe et poursuit mille conversations, répond au téléphone, songe finalement à éteindre les appareils bruyants en attendant que ça commence et la fin du spectacle, c'est une totale et étrange métamorphose à laquelle on assiste. Au bout d'une heure de création musicale dans laquelle s'insère un solo dansé, le public s'est comme tétanisé et adouci: mis au diapason d'une sorte de calme, de tranquillité et d'indolence qui l'empêcheraient presque d'applaudir s'il n'avait pas apprécié le spectacle tout aussi surprenant qu'il ait pu l'être. Or le public a apprécié le spectacle et même beaucoup apprécié.

Il s'agit d'une adaptation très contemporaine du Sacre du Printemps d'Igor Stravinski à laquelle se livre le duo TwinMuse, deux jeunes pianistes virtuoses Hourshid et Mehrshid Afrakhteh. Habituées à partager le même clavier, c'est en soi un véritable spectacle que de voir les deux jeunes femmes déployer leur talent au piano, leurs mains se croisant et se décroisant entre les touches, à la fois coordonnées et individuellement inspirées. Les thèmes du Sacre apparaissent mais furtivement, au détour de bien d'autres sonorités proposées. D'autant que celles du piano classique se combinent ou laissent la place à la musique électronique, la guitare électrique et les superbes voix de l'excellent groupe Dear Criminals qui fait de la proposition musicale un ensemble envoûtant, inquiétant par moment, rythmé ou lancinant à d'autres, extrêmement agréable et intéressant pour l'ensemble du spectacle.

Les têtes de mort semblent s'agiter aux vibrations musicales, lentement se réunir en grappe et s'élever pour libérer la scène. Ainsi la place est-elle laissée à un danseur solo, dans une performance entre danse classique et urbaine. Le danseur souvent au sol ressemble à un pantin désarticulé, une sorte d'automate à la recherche de l'équilibre. En guise d'intermède, une comptine enfantine chantée par les deux pianistes dans leur langue maternelle, le parsi, s'ajoute à diverses sentences sur l'enfance et la violence, la guerre et la mort...

J'avais l'impression d'être dans une sorte de rêve mystérieux et peu compréhensible comme le sont souvent les rêves, une atmosphère à la David Lynch très bizarre mais extrêmement agréable.

Cette création collective très innovante et qui mérite vraiment le détour pour les quelques fois où elle est présentée a été conçue entre autres choses pour permettre de financer la location d'un piano de concert pour le duo TwinMuse et finaliser la nouvelle création musicale de Dear Criminals. La création contemporaine manque de moyens financiers mais pas de créativité. Things are leaving quietly, in silence en est bien le témoignage...

Things are leaving quietly, in silence, du 12 au 15 mai 2016 au Monument National à Montréal.

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

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