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« Siena », une réflexion sur le corps par le chorégraphe Marcos Morau

Siena est une œuvre magnifique, intrigante, insolite, stimulante de créativité et qui donne à penser.
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Le rideau se lève sur la salle d'un musée consacrée seulement à la Vénus d'Urbino du Titien, où une visiteuse contemple le tableau immense (beaucoup plus grand qu'il n'est réellement) sous l'œil d'un homme à lunettes, en complet noir, chemise verte et cravate rouge : un autre visiteur ou peut-être le gardien. Un bruit sourd et inquiétant se fait entendre. La salle de spectacle demeure un moment éclairée, puis sombre dans l'obscurité. On entend le dialogue décousu d'une femme et d'un homme (il est aussi projeté au-dessus du tableau) : les voisins dormaient, un accident, la police... ? Puis, pendant que deux danseuses en costumes d'escrimeuses, semble-t-il, exécutent un duo magnifique et insolite devant la Vénus nue et à jamais immobile, la visiteuse est emportée sur une civière comme si elle était morte.

Le ballet de danse contemporaine conçu par Marcos Morau est scénarisé, théâtralisé avec les paroles de différents personnages, dont l'audioguide du musée, et parmi lesquels on ne repère vraiment que cette femme, celle qui contemple le chef-d'œuvre du Titien un jour de pluie et qui, pour tromper l'ennui, s'est rendue au musée. Est-elle vivante ? Est-elle morte ? Est-elle en train de rêver? Un état où l'on est un peu entre la vie et la mort. Il pleuvait des cordes, explique-t-elle à son compagnon. Au musée, elle a peur, une femme trébuche sur un banc, une autre cherche quelque chose; elle répond au téléphone qui sonne chez elle... Au musée, elle a contemplé longuement le corps de la Vénus entièrement nue. Or cette scène, elle l'a rêvée, dit-elle, elle s'est même vue se dédoublant et observant le tableau...

Les images et les sons se brouillent. On est bien dans la représentation d'un rêve.

Le choix des musiques est très soigné et très beau pour accompagner les danses coordonnées de ces nombreux personnages étranges, vêtus comme des escrimeurs ou peut-être des cosmonautes, et qui forment d'autres tableaux vivants avec leurs corps dans cet environnement dédié à l'art. Rien de normal ne se passe. La normalité est la pire des maladies, entend-on. Un chien aboie. Est-ce celui qui dort aux pieds de la Vénus? Les images et les sons se brouillent. On est bien dans la représentation d'un rêve.

Siena n'est pas seulement un superbe ballet où dix danseurs exceptionnels réalisent des chorégraphies magnifiques. L'œuvre pose une réflexion très intéressante sur la question du corps, corps vivants d'artistes qui dansent de manière exceptionnelle et corps voués à la mort, corps d'une beauté parfaite et éternelle dans la représentation qu'en font certains artistes comme Le Titien. Qu'est-ce donc qu'un musée sinon une sorte de salon funéraire institutionnalisé où sont exposés à la vue des visiteurs des objets qui ont perdu l'usage pour lequel ils ont été conçus ? Et qu'est-ce qu'une déesse représentée nue peut susciter comme réflexion sur le corps que nous possédons tous, celui qui vit dans les gestes des danseurs que le ballet nous présente, comme celui qu'on emporte à la fin d'une vie ?

Au plaisir esthétique visuel et sonore, s'adjoint l'émotion suscitée par la réflexion sur le corps qui nous concerne tous. Siena est une œuvre magnifique, intrigante, insolite, stimulante de créativité et qui donne à penser.

Siena, les 8, 9 et 10 février 2018 au théâtre Maisonneuve à Montréal

Danse Danse

La Veronal (Barcelone)

Direction artistique Marcos Morau.

Chorégraphie Marcos Morau en collaboration avec les danseurs.

Texte et Dramaturgie Pablo Gisbert – El Conde de Torrefiel, en collaboration avec Roberto Fratini.

Danseurs Laia Duran, Cristina Facco, Cristina Goñi Adot, Anna Hierro, Ariadna Montfort, Lorena Nogal, Lautaro Reyes, Manuel Rodríguez, Marina Rodríguez, Sau-Ching Wong.

Assistante à la direction Tanya Beyeler.

Enseignante Cristina Facco.

Scénographie et lumières La Veronal & Enric Planas.

Photographie Jesús Robisco, Edu Pérez, Quevieneelcoco.

Costumes Octavia Malette.

Voix hors-champ Victoria Macarte, Benjamin Nathan Serio.

Traduction Laura Cosme.

Directeur de production Juan Manuel Gil Galindo.

Siena est une coproduction de La Veronal, Mercat de les Flors (Barcelona) et Hellerau European Center for the Arts (Dresden).

En collaboration avec El Graner Barcelona, La Caldera, Centro de Artes Performativas do Algarve Faro (Portugal), Duncan Dance Center Athens (Greece), Dance Ireland Dublin (Ireland).

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© Jesús Robisco
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