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«Pourquoi tu pleures?» ou les affres de la famille moderne

Famille, je vous aime; famille, je vous hais... La famille est le foyer d'où émerge le meilleur comme le pire. Et c'est plutôt au pire que nous convie Christian Bégin pour cette création de la compagniequi fête ses 20 ans d'existence cette année.
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Famille, je vous aime ; famille, je vous hais... La famille est le foyer d'où émerge le meilleur comme le pire. Et c'est plutôt au pire que nous convie Christian Bégin pour cette création de la compagnie Les éternels pigistes qui fête ses 20 ans d'existence cette année.

Dans cette famille relativement ordinaire et apparemment unie, chacun des quatre grands enfants - deux garçons et deux filles - vit sa vie selon son désir en obtenant même une certaine réussite. Sans doute aucun des quatre n'a eu lui-même de descendance. Pas de petits-enfants, donc, des divorces ou des séparations, mais pas seulement, le confort matériel minimal voire davantage : au fond, c'est toute la gamme des destins de personnes qui n'ont pas été spécialement empêchées de mener leur destin comme elles le souhaitaient que l'on trouve dans cette famille québécoise contemporaine, la famille Bérubé.

Du côté des filles, France est une avocate réputée qui fait payer cher les clients qu'elle défend. Contrairement à sa sœur Manon, en couple avec Michel, elle n'a pas de relation fixe, mais trouve assez de partenaires pour combler sa vie sentimentale. Manon est travailleuse sociale ou quelque chose comme ça. Elle ne se permet pas le même train de vie que sa sœur, mais l'aide qu'elle apporte aux autres et son couple lui permet de surmonter ses difficultés quotidiennes. Du côté des garçons, Roger, l'aîné, est comptable et possède une grande maison avec une pelouse impeccable. Séparé de sa femme, il semble que sa sexualité se soit réorientée plutôt du côté des hommes. Quant à Guillaume, le fils préféré du père, c'est l'aventurier de la fratrie puisqu'il vient de passer un an au Nigéria pour négocier on ne sait quoi au nom du gouvernement canadien. Et puis il y a les parents : la mère, Colette Bérubé, regrette de ne pas être grand-mère, mais tente joyeusement de maintenir une certaine cohésion à la famille. Quant au père, Yvon Bérubé, il est présent qu'il soit vivant ou mort, telle la statue du commandeur, et se fait un point d'honneur d'édicter à qui veut les entendre ce qu'il considère être les règles du Bien et du Mal, même si sa vie ne reflète pas toujours l'éthique qu'elle prétend posséder.

Yvon a grassement gagné sa vie en construisant de nombreuses routes au Québec. Il a permis à ses enfants de faire des études et de gagner leurs vies. Son besoin de conserver le pouvoir sur l'ensemble de sa famille se manifeste bien au-delà de son existence par le testament très particulier qu'il leur laisse à sa mort...

Pourquoi tu pleures ? Dans cette pièce où on ne pleure pas beaucoup la mort du père..., on assiste à l'exposition et peut-être l'explosion de tout ce que les protagonistes n'osaient pas se dire les uns aux autres tant que le père était encore là, mais qui se lâche soudainement et irrésistiblement.

Et on assiste au déballage de bien des coups bas, des sous-entendus, des règlements de compte, des haines refoulées... et des leçons de morale que personne n'est capable de suivre. Chacun défend sa place et ses choix plus ou moins assumés, et aussi sa bonne conduite qui ne peut que s'accompagner d'entorses, mais qu'il excuse pour lui-même à renfort d'arguments. Et en écho à ces discours ravageurs qui concernent la famille Bérubé et ses différents membres, c'est le comportement de chacun d'entre nous qui est mis en accusation vis-à-vis des drames du monde dont nous avons connaissance et face auxquels nous nous sentons impuissants par lâcheté, par soumission, par abdication ou par impossibilité d'agir, et parce que nous sommes tous occupés autre part.

Quelle famille n'a pas quelque cadavre dans son placard ? La famille Bérubé en est saturée, ce qui selon moi n'était pas indispensable et aurait pris plus de force en se limitant aux scènes de haine / amour entre les enfants et leurs parents. Les comportements douceâtres et pervers sont des choses bien communes dans les familles. Les scènes qui y réfèrent dans Pourquoi tu pleures ? et qui mettent en écho la lâcheté ordinaire face aux malheurs du monde sont très réussies en suscitant beaucoup de rires... et de grincements des dents...

Pourquoi tu pleures ?, du 15 novembre au 10 décembre 2016 au TNM, à Montréal.

Ce billet de blogue a aussi été publié sur info-culture.biz

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