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«Grand Finale» de Hofesh Shechter en première nord-américaine à Montréal

Hofesh Shechter est l'un des chorégraphes les plus prodigieux de sa génération.
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Même si le balai de danse contemporaine présenté en première nord-américaine à Montréal pour quatre soirs dans le cadre des 20 ans de Danse Danse s'intitule Grand Finale, Hofesh Shechter l'a confirmé sur scène, ce ne sera évidemment pas sa dernière œuvre, ni probablement – peut-on ajouter – son dernier chef-d'œuvre. Grand Final. Le titre évoque plutôt la fin d'un monde. Dans une atmosphère sombre et oppressante, quelque chose de l'écroulement d'un univers impitoyable où l'être humain est enfermé.

Les dix extraordinaires danseurs et les six musiciens sur scène insufflent pourtant une énergie incroyable aux spectateurs venus les applaudir. J'ai rarement pu observer une aussi grande ovation de la part du public. C'est que le génial chorégraphe, et aussi compositeur de musique, israélien de 42 ans, né à Jérusalem, installé à Londres, teinté entre autres choses de son passage comme danseur à la Batsheva Dance Company, livre en fin de compte une sorte d'hymne à la vie sans rien occulter de ses drames et des découragements qu'elle entraine. Un peu comme si l'on disait : la vie est totalement tragique, aucun espoir n'est permis, car tout se désagrège, alors vivons, dansons, aimons et n'oublions pas de rire aussi !

Sur la scène, ce sont dix danseurs plus qu'étonnants qui semblent se démener dans un monde impitoyable, et reprendre courage et se démener encore.

Car comme toujours, Hofesh Shechter, par petites touches très subtiles, ne baisse certainement pas les bras et conserve aussi allumé tout son sens de l'humour. Sur la scène, ce sont dix danseurs plus qu'étonnants qui semblent se démener dans un monde impitoyable, et reprendre courage et se démener encore. Six musiciens live livrent une très belle musique quasi sérielle par moments, ou très légère comme la valse Heure exquise de la Veuve joyeuse, à d'autres. Dans un décor grandiose fait de modules immenses qui ressemblent à des murs sombres et mouvants, avec des éclairages tout en délicatesse et troublés par des fumées désordonnées, l'orchestre de chambre composé de deux violoncelles, d'un alto, d'une guitare et d'autres instruments joués par des musiciens en queue de pie, se déplace sur la scène sans que l'on comprenne comment, et participe de la danse avec les autres artistes. Sur cette musique quelques fois obsédante, les danseurs en tenues de ville semblent tenter de faire leur place en se démenant sans rien comprendre de ce qui les entoure, en s'agitant désespérément, en s'entraidant quand il le faut, en débarrassant aussi la scène de ceux qui régulièrement s'effondrent.

Car la mort est partout. Elle frappe inéluctablement, et c'est non seulement la mort, mais l'insignifiance des humains, leur enfermement, leur incompréhension du monde, leur individualisme ou leurs comportements semblables et quasi mécaniques qui jusqu'au bout ne les empêchent pas de s'agiter encore et en corps. Les chorégraphies présentent des danses individuelles effrénées et par moment tribales. Au désordre chaotique, succèdent des coordinations parfaites, totalement improbables et sorties de nulle part, des arrêts brutaux dans des positions de déséquilibre étonnantes. L'exécution des danseurs est en tout point parfaite. Dans ce pseudo désordre, Hofesh Shechter ajoute de minuscules touches de danses sociales et de danses folkloriques, des moments de lutte ou de répit, quelque chose du combat de l'humanité pour la vie et qui en fait toute sa grandeur.

Les chorégraphies complexes dans ce décor magnifique et toujours en mouvement remplissent le spectateur de sensations fortes, intenses, le surprenant sans arrêt, l'émouvant par sa beauté et sa proximité avec ce qu'est la vie, lui arrachant aussi un sourire comme une complicité avec l'intention du concepteur de cette œuvre superbe.

Hofesh Shechter est l'un des chorégraphes les plus prodigieux de sa génération. En 2009, il était encore à ses débuts, Danse Danse l'avait fait découvrir aux Montréalais. Son talent ne cesse de se confirmer depuis.

Grand Finale, les 1, 2, 3 et 4 novembre au théâtre Maisonneuve à Montréal

Danse Danse

Interprètes : Chien-Ming Chang, Frédéric Despierre, Rachel Fallon, Mickael Frappat, Yeji Kim, Kim Kohlmann, Erion Kruja, Merel Lammers, Attila Ronai, Diogo Sousa.

Musiciens : James Adams, Chris Allan, Rebekah Allan, Mehdi Ganjvar, Sabio Janiak, Desmond Neysmith.

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

Hofesh Shechter Company© Rahi Rezvani
Avril 2018

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