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«Encore une fois, si vous permettez»: une mère délicieusement insupportable

Sur la vaste scène du théâtre Jean-Duceppe, rien d'autre que le grand carrelage noir et blanc d'une cuisine, une table et deux chaises dont l'une est occupée presque tout le temps par le fils et l'autre laissée libre par la mère, trop occupée qu'elle est à jouer la comédie de sa vie.
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Culpabilisante, acharnée, entêtée, opiniâtre, obstinée, à la limite de l'insupportable, elle insiste et en rajoute dans ses reproches, ses inquiétudes, ses frayeurs. Elle accuse son fils de ses propres tourments et lui prédit mille échecs et destins sombres. Et elle en rajoute encore. Et elle ne s'arrête jamais, puisqu'elle a toujours raison. Mais derrière ce jeu théâtral, dramatique, grandiloquent et spectaculaire, il y a l'amour immense que cette mère porte à ce fils, qui passe sans doute inconsciemment et que le garçon reçoit en assistant au spectacle, détaché et rempli de tendresse, et avec les yeux du futur grand écrivain qu'il sera.

Sans doute pour une très large part autobiographique, la pièce Encore une fois, si vous permettez de Michel Tremblay met en scène deux acteurs seulement, une mère et son plus jeune fils à des âges différents, entre 10 et 20 ans.

Sur la vaste scène du théâtre Jean-Duceppe, rien d'autre que le grand carrelage noir et blanc d'une cuisine - comme un échiquier vide de ses pièces - une table et deux chaises dont l'une est occupée presque tout le temps par le fils et l'autre laissée libre par la mère, trop occupée qu'elle est à jouer la comédie de sa vie. Bien sûr qu'elle n'est pas une actrice professionnelle.

Son seul public est ce fils qui grandit, formé à ce spectacle dont l'unique actrice est une simple ménagère, mais chez qui l'imagination, l'éloquence et l'humour n'est réservé qu'à lui qui semble avoir compris depuis toujours que rien n'est dommageable dans ce discours joué, et que toutes ces paroles sont là pour l'amuser, l'aimer et l'initier à la vie, à l'invention et à la dramaturgie en littérature et en théâtre.

Guylaine Tremblay interprète le rôle de la mère du garçon de manière magistrale, émouvante, drôle. Elle ne se contente pas de parler, elle mime, danse et bouge à la manière d'une véritable actrice. Au-delà des rires qu'elle suscite et de son sens du détail et de l'exagération, on se prend à l'aimer en décelant derrière son entêtement dans le discours, toute la fragilité d'une femme maladroite à exprimer directement son amour à son fils. Henri Chassé joue le fils de manière impeccable également. Sans doute son rôle est-il moins spectaculaire que celui du rôle de la mère dans cette pièce, mais il lui faut aussi toute la délicatesse, le sourire tendre, amusé, faussement crédule et très intelligent face à la rhétorique outrancière de sa mère.

Et c'est finalement une grande et belle histoire d'amour qui nous est présentée entre ces deux personnages magnifiquement interprétés. Dans cette mise en abyme théâtrale où l'auteur (Michel Tremblay) avant qu'il ne commence à écrire est représenté jeune, face à cette mère inspiratrice de sa future carrière, le théâtre est partout présent en filigrane: dans le prologue qui annonce ce que la grande pièce pour laquelle le spectateur du théâtre Jean-Duceppe s'est déplacé ne sera pas (ni Shakespeare, ni Molière, ni tous les autres), et dans la conclusion qui propulse cette mère unique dans les cieux de l'auteur, où sans aucun doute elle continue de l'inspirer.

Encore une fois, si vous permettez du 6 avril au 14 mai 2016, au Théâtre Jean-Duceppe à Montréal.

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

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