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Un grand classique du folklore juif au centre Segal de Montréal: Le Dibbouk, de Salomon An-Ski

Cette œuvre dramatique sur l'amour et la mort reste très contemporaine dans son fond. Elle est en plus émaillée de pensées philosophiques issues de la tradition juive, et son cadre nous plonge dans l'ambiance des ghettos de l'Europe de l'Est où la joie côtoie le tragique, la lumière émerge de la noirceur.
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Dix-huit acteurs sur scène qui s'expriment en yiddish comme s'il s'agissait de leur langue usuelle. Le texte de la célèbre pièce de théâtre de Salomon An-Ski, Le Dibbouk, avec des surtitres en français et en anglais pour permettre aux spectateurs d'en suivre parfaitement l'action. Une musique originale klezmer signée Josh Dolgin, alias Socalled. Des chorégraphies bien réglées et des effets vidéo projetés sur des décors qui permettent tous les changements de situation. Telle est la création du Théâtre yiddish Dora Wasserman à l'affiche du Centre Segal et qu'il ne faut pas manquer si l'on veut découvrir ce conte merveilleux issu du folklore juif.

Né à Vitebsk en 1863, mais contraint de quitter la Russie, An-Ski passa une bonne part de sa vie d'ethnographe à recueillir les contes et les légendes dans les shtetls, les villages juifs d'Europe de l'Est. Le Dibbouk, sa pièce sous-titrée « entre-deux mondes », est issue de ces recherches, et fut montée pour la première fois à Vilna en 1917. Elle est devenue à raison la pièce la plus jouée de tout le répertoire yiddish.

Dans le folklore juif, dibbouk, de l'hébreu dabak, coller ou attacher, c'est l'esprit d'un être disparu qui nous colle, nous possède, nous perturbe et ne nous rend plus maîtres de nos actes. Comme l'explique le psychanalyste Daniel Sibony, c'est du symbolique qui s'incarne chez celui qui en est la victime.

Mais la pièce Le Dibbouk n'est bien sûr pas contée ainsi. Il était une fois deux bons amis dont les épouses allaient chacune mettre au monde un enfant, et qui firent le serment que si l'une avait une fille et l'autre avait un garçon, ces deux arrivés à l'âge adulte s'épouseraient l'un l'autre. Mais les serments s'oublient. Et quand le père de la jeune Laya songe à lui trouver un mari, ce n'est pas à Khonen qu'il pense, car il le trouve trop pauvre... Les jeunes gens ignorent tout du serment qui fut posé sur eux avant même leur naissance, et pourtant... Quelque chose s'est transmis qui les destine l'un à l'autre et qui est plus fort que la vie ou la mort.

Cette grande histoire d'amour qui se termine tragiquement, comme bien d'autres dans la littérature, est remplie de mystères et d'onirisme. C'est que le sommeil et la mort sont jumeaux. Khonen se réfugie dans les mystères de la kabbale. Ses excès de mysticisme lui font perdre l'esprit jusqu'à en quitter le monde tout à fait. Mais c'est prématurément que son âme s'est séparée de son corps. Il devient une âme errante, une âme en peine qui part se réfugier dans le corps de sa promise et l'entraîne avec lui dans l'autre-monde.

Cette œuvre dramatique sur l'amour et la mort reste très contemporaine dans son fond. Elle est en plus émaillée de pensées philosophiques issues de la tradition juive, et son cadre nous plonge dans l'ambiance des ghettos de l'Europe de l'Est où la joie côtoie le tragique, la lumière émerge de la noirceur. Il s'en dégage une très grande profondeur et qui donne à penser. Un récit captivant et indémodable, qui peut être transposé dans bien des situations contemporaines.

Le Dibbouk de S. An-Ski au centre Segal, du 9 au 27 août 2015

Ce billet a également été publié sur info-culture.biz

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