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Discours des profs: inclure pour ne pas rendre invisible

Les personnes intersexuées et trans n'ont pas besoin de l'opinion de la majorité pour exister. Elles existent, et cela devrait suffire pour qu'on les mentionne.
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La nécessité d'inclure le féminin dans nos discours, afin que les femmes comme les hommes s'y retrouvent, n'est plus à prouver. Je vous parlerai aujourd'hui de l'invisibilisation des personnes intersexuées (dont l'apparence des organes génitaux internes ou externes est jugée «ambiguë» par les corps médical et social) et trans (dont le genre d'identification est différent du genre assigné à la naissance) par le discours.

Par discours, j'entends tout ce qui est induit lorsqu'une personne - en l'occurrence, ici, l'enseignant(e) - prend la parole. Car à travers chaque intervention, il y a de l'éducation, qu'elle soit consciente ou non. S'il est répété innocemment, par exemple, que les garçons sont plus turbulents, cela devient une vérité, qu'elle soit fondée ou non.

Or, lorsque des groupes ou des communautés sont constamment effacés du discours, au contraire, elles n'existent simplement pas dans la connaissance. C'est en disant, en énonçant qu'on fait advenir. L'existence de certaines personnes en tant que personnes humaines n'est légitimée que lorsqu'elle est sanctionnée par le discours, et cela est particulièrement vrai dans un contexte scolaire.

Les sexes

On nous répète toute notre vie qu'il n'existe que deux «sexes véritables», mâle et femelle, dont la nature ne se concrétise qu'en les opposant et en les conceptualisant comme étant «contraires» l'un à l'autre. Ainsi, tout ce qui se trouve en-dehors de cette dichotomie ne peut-être qu'un «entre-deux», un «mélange» ou un «moitié-moitié» seulement définissable en relation avec les deux opposés (mâle ou femelle). Je parle ici de la vision binaire des sexes qui confine les personnes intersexuées dans une classification d'être incomplet, inachevé, mélangé ou, du moins, devant être «réparé» pour atteindre à la plénitude de l'expérience proprement humaine.

Il est crucial d'adopter, dans nos discours, des expressions qui cessent de rendre invisibles les personnes intersexuées. Insinuer qu'il n'existe que deux vraies et légitimes possibilités d'apparence génitale, c'est au mieux mentir aux enfants, au pire leur enfoncer une vision binaire de la diversité des corps dans la tête.

Quand on parle des concepts de mâle et de femelle, est-ce vraiment tant demandé que d'inclure tous les autres, par le fait même? Ne pas le faire, ce serait comme de dire que ce qui n'entre pas dans ces catégories ne mérite pas d'être cité.

De prendre le pli d'inclure les personnes intersexuées dans l'omniprésent discours sur la prétendue binarité des sexes nécessite certainement de la sensibilisation et de la déconstruction d'habitudes longuement acquises. Toutefois, les bénéfices que la classe en retirera sont incalculables.

L'identité de genre

Il est révolu le temps où l'on pouvait prétendre à l'objectivité en énonçant que «toutes les filles ont des vulves et tous les garçons ont des pénis». Si les garçons ont des pénis, c'est que d'autres, parents ou médecins, ont dit d'eux, à la naissance, qu'ils étaient des garçons parce qu'ils ont un pénis, et pareil pour les enfants qu'on assigne «fille» à la naissance. La majorité des enfants vont s'identifier à cette assignation, tandis que d'autres, non.

Il importe, comme pour les personnes intersexuées, de ne pas considérer les personnes trans simplement comme des «exceptions». Les unes comme les autres participent au même système qui crée une norme, et c'est précisément cette norme permettant d'assumer que les personnes vont nécessairement s'identifier du genre assigné à la naissance qu'il faut problématiser, afin d'assurer la légitimité de l'existence des personnes trans. Oui, la plupart des enfants assignés filles vont s'identifier à un modèle de genre qui préconise de jouer avec des poupées ; oui, la plupart des enfants assignés garçons vont s'identifier à un modèle de genre qui préconise de jouer avec des petites autos. Toutefois, tout comme on ne va pas dire que l'humanité entière est urbaine parce que la majorité vit dans les villes, on ne peut pas rendre invisibles les personnes qui ne s'identifient pas au genre assigné à la naissance sous prétexte que la majorité va s'y identifier.

L'autrisme

Considérer les enfants trans ou intersexués comme étant des exceptions à la norme, plutôt que des possibles à l'intérieur d'un spectre, participe à un processus d'autrisme, qui, à défaut d'invisibiliser, fait de leurs corps et de leur expérience des «catégories autres». Ces «catégories autres» problématisent et déshumanisent, en n'énonçant pas spécifiquement leur appartenance au même système qui crée les «catégories principales» (mâle ou femelle, enfant assigné fille ou garçon dans ces cas-ci). Ainsi, en parlant des personnes intersexuées ou trans comme étant des «exceptions», on participe en fait à accorder une plus grande légitimité aux identités et aux corps dominants.

Pour aller plus loin...

Toutes les occasions sont bonnes pour faire de situations problématiques des moments d'éducation. Utilisez une phrase invisibilisante envers les personnes intersexuées ou trans, dans un livre ou dans un manuel scolaire, pour mentionner l'existence d'autres groupes minoritaires. Il est même grandement conseillé d'utiliser ce genre de catalyseur pour aborder en classe le sujet de l'invisibilité de ces mêmes groupes.

Si un enfant utilise des expressions oppressantes ou invisibilisantes pour ces mêmes groupes, il est important de revenir sur ce qui a été dit de problématique, même s'il s'agit d'un discours social ambiant majoritaire. Le fait que ce n'est pas tout le monde qui concède l'existence même des personnes intersexuées ou trans ne devrait pas subjectiver cette existence à une opinion.

Les personnes intersexuées et trans n'ont pas besoin de l'opinion de la majorité pour exister. Elles existent, et cela devrait suffire pour qu'on les mentionne.

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Avril 2018

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