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Libéraux, péquistes, charte et cohérence

Les libéraux ont sévèrement critiqué le projet de loi 60 au cours des dernières semaines. Leurs reproches, toujours les mêmes, se centrent sur le potentiel de division et sur l'aspect liberticide de la charte en devenir.
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Dénonciations farfelues des libéraux

Les libéraux ont sévèrement critiqué le projet de loi 60 au cours des dernières semaines. Leurs reproches, toujours les mêmes, se centrent sur le potentiel de division et sur l'aspect liberticide de la charte en devenir. Le caucus libéral lavallois, par exemple, qualifie le projet de ''charte de la chicane''.

Or, ils ne sont pas sans savoir que le budget de leur dernier ministre des finances, Raymond Bachand, prévoyait pour l'automne 2012 une hausse des frais de scolarité de 75% étalée sur 5 ans. Cette hausse, ils y ont tenu mordicus malgré l'opposition d'une importante frange de la population estudiantine (autour du 22 mars, on comptait au moins 200 000 sur 495 000 étudiants en grève), de quelques 2000 professeurs, artistes et autres travailleurs signataires de divers collectifs et de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, entité qui regroupe, entre autres membres, la Fédération des femmes du Québec, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec et l'Union des consommateurs. Ceux qui accusent le Parti québécois de faire preuve d'intransigeance devraient se rappeler cet épisode avec humilité.

C'est tout le contraire qui se produit lorsqu'un Philippe Couillard amnésique répète qu'il est outré par l'atteinte aux droits et libertés des minorités ethniques du Québec.

D'une part, cette indignation face à ce qu'il considère être une atteinte aux libertés n'est pas surprenante. Le gouvernement libéral n'a-t-il pas été un ardent défenseur de ceux qui réclamaient, à coups d'injonctions, le droit de suivre leurs cours malgré les mandats de grève, sympathie qui culminera avec l'adoption de la loi 78? D'ailleurs, celui qui insistait (jusqu'à sa volte-face la plus récente), sur l'aspect illégal de la charte, aurait intérêt à rappeler à sa mémoire cette mesure excessive dénoncée par 500 avocats et notaires, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et Amnistie Internationale.

D'un autre côté, son attachement aux libertés religieuses des minorités ethniques transpire la sélectivité et l'incohérence lorsqu'on se rappelle que le Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études - lié au Conseil supérieur de l'éducation du Québec - avait évalué que la hausse prévue par le gouvernement dissuaderait quelques 7000 étudiants d'aller à l'université. Le gouvernement libéral ne semblait aucunement s'en préoccuper. Où était-il, alors, son souci des minorités brimées?

Certes, les libéraux ont procédé à une certaine actualisation et amélioration du système de prêts et bourses à divers moments durant la grève étudiante. Plusieurs leur rappelaient cependant que l'endettement n'est pas une solution. Que prêt veut dire intérêts, et qu'un prêt a finalement pour effet de voir une personne issue d'un milieu moins favorisé payer ses études plus cher qu'une personne qui n'a pas à recourir à l'emprunt pour étudier.

La charte, un projet électoral légitime?

Dans l'espace public, il arrive souvent qu'on parle de la charte comme d'un coup d'éclat, comme de la poudre aux yeux lancée à la figure de la population pour détourner son attention. On est tellement certain de la mauvaise foi du gouvernement qu'on parle d'une stratégie malhonnête comme s'il s'agissait d'un fait, non d'une perception.

Les péquistes sont-ils soulagés que l'attention portée à la charte permette de faire oublier des bourdes, de l'incompétence et des agissements douteux? Peut-être. D'abord, le PQ parlait déjà d'une charte de la laïcité et d'interdiction de signes religieux ostentatoires durant la dernière campagne électorale. Considération qui fait perdre de la valeur à l'argument de l'invention d'une charte à visée purement électoraliste. Ensuite, tous ont pu constater que le projet de loi 60 et sa commission parlementaire n'empêchent pas les médias de s'intéresser de très près, par exemple, à ce qu'une certaine conversation entre Michel Arsenault et Jean Lavallée, entendue récemment à la commission Charbonneau, peut suggérer à l'endroit du PQ. Ceux qui croient que leur but était de distraire la population avec une charte se réjouiront de l'occasion qu'a le PQ, si telle était vraiment son intention, de constater qu'elle n'est pas si idiote que cela, la population.

Certes, des dossiers plus urgents nécessiteraient l'attention et l'énergie du PQ. Il est difficile de croire que le rapport de la commission parlementaire chargée d'étudier le projet d'inversion et d'augmentation du pipeline 9b d'Enbridge ait été rendu moins de 48 heures après la fin des audiences, d'une durée de six jours, alors que la commission chargée de s'intéresser au projet de loi 60 durera deux mois. Il est cependant évident que si cette ouverture presque aveugle à l'exploitation du pétrole déçoit, elle ne surprend pas. Pauline Marois n'a jamais caché son préjugé favorable pour le pétrole et ses retombées, même hypothétiques.

Toutefois, malgré son attitude plus que déplorable dans ce dossier comme dans d'autres, je suis prête à présumer de la bonne foi du PQ en ce qui concerne le projet de charte. Je suis prête à croire qu'il considère bel et bien son projet comme l'aboutissement de la laïcisation de l'État amorcée dans les années 60 et comme un pilier aussi fondamental pour notre société que ne l'a été la loi 101, même hachurée.

Malgré mes abondantes et puissantes réserves à l'endroit du PQ, je ne trouve rien de mal non plus dans le fait d'élaborer un projet de loi tel que la charte et d'en faire enjeu électoral. Sans vouloir dresser de comparaison trop étroite avec la Révolution tranquille, n'est-ce pas ce que le gouvernement de Jean Lesage a fait pour trancher la question de la nationalisation de l'électricité? Le projet d'étatisation étant loin de faire l'unanimité, René Lévesque a eu peine à rallier son propre parti à sa cause. Le chef lui-même n'était pas convaincu. Pierre Elliot-Trudeau, quant à lui, ne voyait pas l'urgence, ou même l'intérêt, d'un tel projet. L'éducation est plus importante, disait-il. L'économiste André Breton, entre autres détracteurs, jugeait le projet désavantageux pour la population. La campagne électorale de 1962 a pourtant été construite autour de cet enjeu. C'est au moment de ces élections référendaires que les citoyens ont tranchées.

Certains argueront que la nationalisation de l'électricité était un projet bien plus grand, bien plus important et bien plus noble que ne le pourrait l'être la charte de la laïcité. Pour ma part, je considère que proposer un modèle de laïcité autre que le sacro-saint multiculturalisme canadien est un geste assez ambitieux pour mériter notre respect, qu'on soit d'accord ou non avec le modèle proposé.

Ceci étant dit, certaines questions par rapport à l'étendue de l'application de la charte me turlupinent. À savoir, les restrictions religieuses s'appliquent aux employés de la fonction publique, mais pas aux élus. À cet effet, le PQ a, au moment du dépôt officiel du projet de loi en novembre, modifié son approche. Ainsi, des candidats ou députés péquistes ne pourraient pas porter de signes religieux ostentatoires. La question du port de signes religieux de tous les députés siégeant à l'Assemblée serait quant à elle soumise au vote de celle-ci. Le PQ, seul, n'a pas le pouvoir de changer les règlements de l'Assemblée, explique celui-ci. Je présume donc qu'il en va ainsi des codes régissant les conseils municipaux et le comportement des maires et conseillers.

Mais comment intervenir, alors, auprès de phénomènes nationaux de la trempe de Jean Tremblay, publiciste religieux s'il en est? Certes, il est difficile d'agir contre un maire qui a l'appui de son conseil et des résidents de la région. La question du respect de la démocratie se pose, évidemment. Mais Québec, qui possède déjà le pouvoir de mettre une ville sous tutelle, et apparemment de forts désirs de laïcisation, ne devrait-il pas prévoir des mesures pour encadrer des cas comme ceux-là? Si le gouvernement provincial se permet, comme le conçoit Denis Coderre, de ''choisir les employés des municipalités'', ne pourrait-il pas, ne se devrait-il pas, dans un esprit de cohérence, d'imposer un devoir de réserve religieuse aux élus également?

À défaut d'une telle mesure, le gouvernement ne devrait-il pas, à tout le moins, condamner publiquement le refus de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions des élus comme Jean Tremblay? Ce geste, tout symbolique qu'il soit, aurait au moins le mérite de démontrer que la charte n'est pas une mesure anti-étranger, mais un réel désir de séparation du religieux et du politique.

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