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Bernard Drainville et la clarté: excellente stratégie, trop peu de matière

Le Parti québécois et ses aspirants-chefs ont du pain sur la planche s'ils comptent tenter de convaincre une majorité d'indépendantistes de leur faire confiance.
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Une excellente stratégie...

Il faut admirer l'audace de toute personne qui considère se porter candidat ou candidate à la chefferie d'un parti politique.

La situation inconfortable dans laquelle Bernard Drainville se trouve - il ne peut, malgré les sorties publiques de certains de ses collègues à ce sujet, désavouer le projet de loi 60 sous peine de perdre toute crédibilité - lui complique la tâche.

Dans la course à la chefferie qui s'amorce lentement, il doit impérativement se démarquer et faire oublier les déboires de son projet de laïcité. Sa récente prise de position en faveur de la clarté d'un éventuel calendrier référendaire et de la question posée aux urnes constitue à mon sens une excellente stratégie. Elle lui permettrait de faire concurrence à Pierre-Karl Péladeau, aspirant certain au poste de chef du parti et homme dont on respecte la netteté du message et des convictions.

... mais un message qui risque de laisser les indépendantistes sur leur faim

Cependant, malgré la respectabilité d'une telle orientation, je ne peux m'empêcher de la trouver quelque peu dénuée de matière, de nouveauté, de fraicheur.

Cette sortie me parait refléter l'immobilisme et la morosité dans lesquels sont actuellement pris les représentants du Parti québécois.

Il s'agit pour moi de la démonstration, si besoin était qu'elle soit faite, que les politiciens et partis politiques sont encore et toujours lents à intégrer les messages portés par la société, par les mouvements citoyens.

Le manque de clarté est un reproche qu'on a toujours adressé aux indépendantistes. En 1980 et 1995, les libéraux et une partie de la population ont reproché au camp du oui son manque de clarté en matière d'intentions et de questions référendaires. La surprise et les critiques ne provenaient pas seulement des fédéralistes, mais aussi d'indécis qui n'étaient pas sûrs d'aimer l'approche.

Il y a plusieurs années que les militants indépendantistes ont commencé à réclamer plus de clarté, plus d'initiative et plus de conviction dans le domaine de l'indépendance. À l'été 2011, Pierre Curzi, Jean-Martin Aussant, Louise Beaudouin et Lisette Lapointe quittent le Parti québécois pour siéger comme indépendants. Parmi les reproches qu'on adresse au Parti, le manque de clarté sur le plan de l'indépendance, le choix de la gouvernance souverainiste et un détournement du projet d'indépendance, qui ne place plus le citoyen au cœur des considérations qui en découle.

Pierre Curzi, comme beaucoup de souverainistes exaspérés, rejoint le Nouveau mouvement pour le Québec, mouvement fondé par le militant Jocelyn Desjardins dont la mission est de remettre l'indépendance au cœur des discours et le citoyen au cœur du processus d'accession à l'indépendance, et dont M. Curzi est aujourd'hui président et porte-parole.

Jean-Martin Aussant fonde Option nationale, parti séparatiste dont la franchise et la clarté de la démarche tranchent avec les discours et gestes incertains qui sont devenus l'apanage du Parti Québécois. Si ce parti demeure marginal sur le plan électoral, ses membres et candidats n'ont pas peur d'investir l'espace public et d'expliquer la démarche qu'ils proposent pour l'accession à l'indépendance.

Au congrès annuel de ce même parti, en mars 2013, Jacques Parizeau laisse entendre que le Parti québécois stagne, que ses démarches en faveur de la promotion et de la réalisation de l'indépendance sont insuffisantes, voire inexistantes. Il va même jusqu'à suggérer qu'Option nationale serait devenu LE véhicule politique du projet d'indépendance au Québec.

De tous bords, de tous côtés, on cherche à renouveler, à relancer le discours sur l'indépendance. On organise des assemblées, on entreprend des campagnes d'informations, on réclame une assemblée constitutive et une république.

C'est du ras-le-bol de nombreux souverainistes déçus du cul-de-sac dans lequel a abouti le Parti québécois de Pauline Marois qu'ont jailli ces discours, ces nouveaux mouvements, ces partis politiques. Ces groupes sont investis par des militants qui désirent la mise en œuvre de moyens concrets pour l'accession à l'indépendance du Québec. Ils sont nés parce que le Parti québécois refusait d'être clair quant à ses plans, quant aux moyens qu'il comptait emprunter, et même quant à ses intentions réelles.

Voici pourtant que dans une sortie médiatique récente, Bernard Drainville affirme l'importance d'une démarche souverainiste claire et concertée. Il dit avoir été inspiré par les séparatistes écossais, par la clarté de leur question, par la pureté qui recouvre l'exercice démocratique auquel ils se livrent et par le fait que la population se soit approprié la question nationale.

D'abord, cette explosion d'initiatives militantes et une certaine convergence entre mouvements citoyens et groupes indépendantistes au Québec donnent à penser que les paroles de M. Drainville relèveront de l'évidence pour plusieurs militants souverainistes. Mais surtout, je me demande pourquoi il lui a fallu aller puiser son inspiration chez nos homologues écossais, alors qu'une frange du peuple québécois en est déjà, depuis un bon moment déjà, arrivé à cette conclusion.

Pourquoi les paroles de nos concitoyens, députés, ministres et premiers ministres n'ont-elles pas rejoint M. Drainville auparavant? N'en déplaise à nos camarades écossais, qui méritent tout notre respect et notre admiration, il aurait été intéressant et valorisant que M. Drainville et ses collègues trouvent leur inspiration chez nous. Force est de constater que l'inverse envoie un drôle de message aux militants québécois.

M. Drainville déplore la brisure survenue entre le Parti québécois et les citoyens, brisure qu'il attribue à l'incapacité du parti à faire en sorte que l'appui à la charte de la laïcité transcende les sondages et la faveur populaire pour s'inscrire sur le bulletin de vote, le 7 avril dernier.

Il est certes nécessaire d'ouvrir de nouveaux canaux de communication, mais il m'apparait primordial que les messages s'envoient et se reçoivent d'un côté comme de l'autre. Il ne faut pas que parler à la population, il faut aussi l'écouter, être attentif aux vagues qui la remuent.

Une chose est certaine. Le Parti québécois et ses aspirants-chefs ont du pain sur la planche s'ils comptent tenter de convaincre une majorité d'indépendantistes de leur faire confiance. Les candidats à la chefferie présumés seront-ils en mesure d'offrir de quoi se mettre sous la dent aux péquistes qu'on imagine plus qu'avides de changement?

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