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Malade ou simplement hors-norme? Petite sociologie des troubles alimentaires

L'obèse mange trop. L'obèse mange mal. L'obèse est un glouton, un boulimique, un ogre avalant tout ce qui passe à sa portée. Voilà ce qui est sous-entendu parfois dans les médias et les discours de santé publique.
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L'obèse mange trop. L'obèse mange mal. L'obèse est un glouton, un boulimique, un ogre avalant tout ce qui passe à sa portée. Voilà ce qui est sous-entendu parfois dans les médias et les discours de santé publique. Et puis, plein de bonne volonté et souhaitant défendre ces malheureux attaqués injustement, quelqu'un s'écrie : "mais ce n'est pas de leur faute, c'est un trouble du comportement alimentaire!" Et tout semble s'éclairer, même si rien n'est expliqué.

Qu'est-ce qu'un trouble du comportement alimentaire? Une réelle maladie ayant des causes biologiques ou psychologiques ou simplement la désignation d'un comportement "hors norme" au sens sociologique du terme? Si madame Durand se réveille la nuit pour manger, est-ce mal parce que cela révèle une pathologie particulière ou est-ce mal parce qu'il ne faut pas manger la nuit, seule, des tablettes de chocolat? Désigner ce type de comportement n'est donc pas une gageure.

Il est en outre intéressant de rappeler que qualifier un individu comme "atteint d'un trouble du comportement alimentaire" révèle parfois moins des choses sur la personne étiquetée ainsi que sur son juge. Si les jeunes femmes des milieux favorisés sont souvent désignées comme "anorexiques", de la même manière qu'elles étaient désignées comme "atteintes de chlorose" au XIXe siècle, les mêmes symptômes seront fréquemment appelés "boulimiques" dans les milieux défavorisés. Preuve que ces troubles sont tout autant biologiques et psychologiques que socialement construits.

Pour rappel, l'anorexie mentale, la boulimie et l'hyperphagie concernent environ 5 à 10 % de la population. Il faut noter que ces troubles touchent très majoritairement les jeunes femmes, adolescentes ou étudiantes, et les personnes travaillant dans certains corps de métiers (mannequinat, sportifs de haut niveau, métiers de la mode, etc.).

Il existe cependant, il est vrai, des personnes corpulentes qui ont des troubles du comportement alimentaire. Ces derniers peuvent être la conséquence de causes internes d'une stigmatisation permanente de leur forte corpulence et d'une norme de minceur particulièrement prégnante dans notre société actuelle. Mais ce lien souvent établi entre troubles du comportement alimentaire et obésité n'en est pas moins problématique et confus. Les personnes sont-elles obèses parce qu'elles ont un trouble (biologique ou psychologique) qui les pousse à manger sans cesse par exemple? Ou est-ce l'obésité en elle-même qui serait un trouble du comportement alimentaire?

Ce lien est également problématique car toutes les personnes obèses n'ont pas de trouble du comportement alimentaire. Par conséquent, il peut être intéressant de se demander pourquoi certaines personnes décident de les qualifier ainsi. Est-ce pour lier obésité et maladie? Est-ce pour "dédouaner" ces personnes en leur disant que "ce n'est pas de leur faute" si elles mangent ainsi? Ou n'est-ce pas plus simplement parce que l'on a du mal à accepter que certaines personnes obèses puissent ne pas avoir de problème alimentaire?

Oui, il existe des personnes obèses qui ont une alimentation quantitativement et qualitativement "normale". Oui, il existe des personnes obèses qui mangent trop ou mal (comme des personnes minces), mais qui n'ont pas un rapport conflictuel avec leur alimentation.

Il serait donc sage de différencier les comportements alimentaires "hors norme" mais qui n'ont pas à être médicalisés et ceux qui sont effectivement problématiques pour les personnes concernées. Mais dans ce cas, c'est moins la corpulence que le trouble en tant que tel qu'il s'agit de traiter.

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