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Trois arguments infondés entourant le débat sur la Charte des valeurs

Dans une perspective la moins partisane possible, je vais tenter de répondre à trois arguments infondés entourant le débat sur la Charte des valeurs. J'espère ainsi pouvoir permettre l'avancement du débat, et ce tant chez les partisans que chez les détracteurs de ce projet de Charte.
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La Charte de la laïcité, telle que proposée par le Parti québécois, occupe une place prépondérante dans le débat public depuis l'automne dernier. Pour certains, les principaux acteurs dans ce débat, qu'ils fassent partie de la société civile ou soient affiliés à une organisation politique, ont déjà eu l'occasion de répéter ad nauseam leur position. Ainsi, plusieurs lecteurs pourraient se demander pourquoi il nous apparaît opportun de discuter davantage de ce projet de charte. Notre but ici n'est pas d'offrir des minutions à l'une ou l'autre des parties en présence. Au contraire, dans une perspective la moins partisane possible, nous allons maintenant tenter de répondre à trois arguments infondés entourant tout le débat sur la Charte de la laïcité. Nous espérons ainsi pouvoir permettre l'avancement du débat, et ce tant chez les partisans que chez les détracteurs de ce projet de Charte.

«Une femme occidentale qui voyage en pays musulman devra porter le voile; pourquoi les femmes musulmanes n'enlèveraient pas leur voile lorsqu'elles viennent ici ?»

D'abord, il est inexact de mettre tous les «pays musulmans» dans la même catégorie au niveau de la tolérance religieuse. Par exemple, des pays comme le Sénégal et le Liban font montre d'une plus grande tolérance à la diversité religieuse que d'autres pays tels que l'Iran ou l'Arabie saoudite.

Quoi qu'il en soit, nous sommes d'avis qu'il y a de quoi être fier du climat de tolérance que l'on retrouve au Québec actuellement. Certes, l'intégration des nouveaux arrivants à la société d'accueil est primordiale ; d'ailleurs, nous ne prétendons pas avoir toutes les solutions aux défis posés par l'immigration. Cependant, nous croyons qu'avant de s'inspirer de certains pays tristement célèbres pour leurs violations des droits de l'homme, il y a lieu de se demander pourquoi tant de gens font le choix de quitter leur terre natale pour s'installer au Québec, plutôt que le contraire...

«Le Québec n'a pas signé la Constitution canadienne, elle ne devrait donc pas s'appliquer ici.»

Les problèmes de constitutionnalité de la Charte de la laïcité ont déjà été soulevés à maintes reprises dans différentes tribunes. En effet, telle qu'elle est proposée par le Parti québécois, ladite Charte pourrait porter atteinte à la liberté de religion garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Il n'est pas rare d'entendre certaines personnes affirmer que puisque le Québec n'était pas signataire lors du rapatriement de la Constitution en 1982, elle ne devrait donc pas s'appliquer ici. Juridiquement, cet argument ne tient pas la route. Dans le Renvoi sur l'opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution ([1982] 2 R.C.S. 793), la Cour suprême a réitéré que l'accord de toutes les provinces n'était pas nécessaire pour modifier la Constitution et qu'il n'existe aucune convention constitutionnelle donnant au Québec de droit de veto quant à sa modification. Autrement dit, la Constitution n'a pas été adoptée de façon inconstitutionnelle ; elle s'applique donc au Québec, comme dans les autres provinces. Bien entendu, ceci vise l'application de la Charte canadienne des droits et libertés.

Nous sommes conscients que la position de la Cour suprême ne suffira pas à rallier les tenants de l'argument suivant lequel la Constitution ne devrait pas s'appliquer au Québec et qu'en conséquence, le fait que la Charte de la laïcité puisse violer la Charte canadienne a peu d'importance. Aussi, sans vouloir relancer le débat sur l'indépendance du Québec, nous croyons qu'il y a lieu de se demander si le fait que les principes que l'on retrouve dans la Charte canadienne s'appliquent au Québec soit une si mauvaise chose. Peut-on être contre la vertu ? Non seulement la Charte canadienne prévoit des droits démocratiques, des droits d'égalité, la liberté de circulation ainsi que des garanties juridiques, il ne faudrait pas non plus oublier qu'elle prévoit également des droits linguistiques, dont la protection des minorités francophones hors Québec...

Nous croyons donc qu'il serait opportun d'évacuer la question de l'application de la Constitution canadienne au Québec dans le débat sur la Charte de la laïcité.

«La Charte de la laïcité est un bon moyen pour combattre l'intégrisme religieux.»

Le mérite de cet argument est pour le moins discutable. En effet, nous ne croyons pas que le fait de réprimer l'expression religieuse de certains, qu'il s'agisse de nouveaux arrivants ou encore de communautés établies au Québec depuis longtemps (nous pensons notamment ici à la communauté juive), soit le meilleur moyen d'éloigner de l'intégrisme les individus en question. Bien qu'il soit important d'être ferme lorsque justifié, comme dans le cas de pratiques pouvant compromettre l'intégrité physique d'une personne, est-ce que le fait de forcer des individus à retirer leurs signes religieux, réprimant ainsi une partie de leur identité et pouvant limiter leur accès au marché du travail, soit la meilleure façon de les intégrer? Une telle approche d'exclusion nous apparaît plutôt être la voie royale pour conduire ces individus tout droit vers l'intégrisme.

Nous faisons ainsi écho à cet extrait du mémoire déposé en décembre dernier à la Commission des institutions de l'Assemblée nationale du Québec par le Centre consultatif des relations juives et israéliennes ainsi que par la Fédération CJA:

«Le modèle social québécois, inclusif et tolérant, respectueux de l'histoire de la majorité et de la diversité de sa population, a épargné au Québec les tensions et l'atomisation sociales que connaissent d'autres sociétés occidentales. En important au Québec un modèle de laïcité étranger à l'histoire québécoise, nous risquons d'importer avec lui des conflits sociaux jusqu'à présent absents au Québec. Un demi-siècle après la Révolution tranquille, notre Québec a toute la maturité et l'intelligence nécessaires pour répondre aux défis de l'immigration sans faire table rase de l'esprit de générosité et d'ouverture qui le caractérise.»

En conclusion

Pour conclure, nous tenons à répéter que notre but ici n'était pas d'adopter une approche partisane quant à la Charte de la laïcité. Nous croyons simplement que le débat actuel gagnerait à ce que l'on évacue les trois arguments que nous avons rapportés plus haut et ce, que l'on soit pour ou contre la charte proposée actuellement. La question étant déjà suffisamment délicate, mieux vaut faire les distinctions qui s'imposent lorsque l'on parle d'intégration, de laïcité ou encore, de lutte à l'intégrisme et au terrorisme religieux. Pour illustrer notre propos, rappelons-nous que les terroristes qui ont détourné quatre avions le 11 septembre 2001 ne portaient pas de signes religieux...

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