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Radio-Canada : un service plus qu'essentiel

Attaquer Radio-Canada, c'est attaquer la diversité sur les ondes publiques. Tout ne peut pas, tout ne doit pas obéir à la seule logique du marché. Certains services sont essentiels, même s'ils ne sont pas « populaires ».
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Radio-Canada n'est pas parfait. Lorsqu'il tente d'émuler ses compétiteurs privés, je suis le premier à le critiquer. Parfois, comme lors des événements de Moncton le mois dernier, ses artisans échappent le ballon. Le diffuseur public a peut-être, en outre, des problèmes d'identité. Mais entre le « repaire de séparatistes » dénoncé par les rouges et le « canal de propagande fédéraliste » rejeté par les bleus, force est de constater que le service de l'information de Radio-Canada, en diffusant ce que d'autres ne voudraient pas entendre, fait globalement son travail.

Considérons seulement les nouvelles internationales. Sauf si l'on s'abreuve directement aux médias étrangers, Radio-Canada est pratiquement la seule source d'informations internationales disponible au Québec. Quelques quotidiens font un effort à ce chapitre, mais les défis s'imposant à la presse écrite étant ce qu'ils sont, ils n'ont pas les ressources nécessaires pour maintenir une couverture globale. Seule Radio-Canada a à la fois les moyens et l'intérêt pour le faire. Cette catégorie de nouvelles est déjà réduite à la portion congrue au Québec, veut-on vraiment éliminer notre source principale?

Ensuite, pensons au journalisme d'enquête. Ici aussi, Radio-Canada mène le bal. Ce n'est pas n'importe quelle « boîte » qui peut offrir à ses journalistes les moyens et l'appui institutionnel nécessaires pour débusquer les fraudeurs et les corrompus de toutes sortes. Même un journaliste d'exception comme Alain Gravel a besoin d'une équipe de recherchistes talentueux, et d'une grande liberté éditoriale, pour faire son travail correctement. Ces ressources se paient, mais je crois qu'on peut tous s'entendre sur le fait, à la lumière des révélations de la commission Charbonneau, que notre investissement collectif a ici été très fructueux.

À la radio, où la qualité du service de l'information de Radio-Canada se révèle encore plus à mon avis, il n'y a que la société d'État qui diffuse des analyses et des reportages en profondeur sur tous les sujets d'actualité à un rythme plus lent qui se prête mieux à la réflexion. Là où ailleurs, on profite du week-end pour remplir les quotas de musique canadienne, à la Première Chaîne on prend le temps de réunir un panel pour disséquer l'enjeu de l'heure...

Au chapitre du divertissement et des émissions de variétés, l'image frileuse et conservatrice qui colle parfois à Radio-Canada ne pourrait pas être plus éloignée de la réalité. De La Petite Vie à Série noire en passant par Un gars, une fille ou Les Bougon, Radio-Canada nous a offert la télé la plus audacieuse et la plus innovatrice. Ses émissions marquantes remportent constamment des prix et, ce qui constitue probablement un bien meilleur signe de sa qualité, sont régulièrement vendues pour être adaptées à l'étranger. Voilà un signal qui ne trompe pas.

Informations internationales. Journalisme d'enquête. Analyses de fond. Émissions de variétés. Le point commun entre ces quatre exemples de ce que Radio-Canada fait de mieux : le contenu. Pour être plus précis : le contenu original. En vérité, notre diffuseur public est bien plus qu'un diffuseur. C'est un créateur. Un créateur de contenu original, unique, inédit. Un contenu impossible à retrouver ailleurs. Une voix différente. Non pas en raison de son statut d'organisme public « subventionné » (comme si les autres médias ne l'étaient pas!), mais en raison du contenu qu'elle crée et transmet.

Hubert Lacroix masque des coupes, non pas dans le « gras », mais bien dans le muscle et dans l'os, derrière une réforme des modes de diffusion. Moins de « traditionnel », plus de « numérique ». Fort bien. Les citoyens consomment l'information et le divertissement différemment, et les médias doivent s'adapter et leur offrir plus de flexibilité. En principe, pas de problème.

Mais en réalité, les coupes dans le budget sont si profondes, le personnel et les ressources tant amputés, que c'est la capacité de Radio-Canada de créer du contenu qui est mise en jeu. Si le contenu se résume à des quiz de vedettes sans intérêt ou des vieux films américains mal doublés, pourquoi se soucierait-on du mode de diffusion? Si Radio-Canada est vidée de son contenu par l'intérieur, que signifient les changements d'identité et d'apparence à l'extérieur?

Attaquer Radio-Canada, c'est attaquer la diversité sur les ondes publiques. Tout ne peut pas, tout ne doit pas obéir à la seule logique du marché. Certains services sont essentiels, même s'ils ne sont pas « populaires ». Les cotes d'écoute ne sont pas le seul indicateur du rôle que les médias ont à jouer, pas plus que le degré de financement public.

Non seulement y a-t-il de la place pour un autre modèle que celui du média privé, le média public est en fait essentiel pour assurer un débat public juste et une saine compétition pour les meilleurs talents. Radio-Canada, depuis soixante ans, a structuré le développement des métiers de l'information et du divertissement au Québec. Cette matrice a mis au monde certains de nos plus grands journalistes, comédiens, artisans et créateurs. Notre société d'État mérite mieux que la job de bras que le gouvernement conservateur et ses sbires sont en train de lui faire subir. Et nous, citoyens, méritons mieux qu'un diffuseur public éviscéré. Faisons-le savoir.

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