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Le verset que d'aucuns avaient considéré comme prescriptif et imprescriptible est: "Qu'elles rabattent leur voile sur leur poitrine". Pouvons-nous affirmer que le Seigneur ordonne aux femmes de se voiler, en nous basant sur cette infime partie du verset? Tout en sachant qu'il y a des circonstances qui avait dicté la révélation de cette prescription?
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La lecture de la presse étrangère m'incite à écrire un article à propos du voile islamique que certains tiennent pour une obligation religieuse imprescriptible.

Ayant lu des articles à propos de la Charte des valeurs québécoises, j'ai estimé de mon devoir de rétablir certaines vérités à propos de cette pseudo-obligation, en me référant aux versets que l'on considère comme dictant aux femmes de se voiler, de cacher leurs cheveux, et de rappeler les circonstances de la Révélation.

La plupart des fouqaha ont estimé que deux versets, extraits des sourates La Lumière et Les Coalisés, ordonnent aux femmes de dissimuler leurs cheveux afin de ne pas attirer le regard concupiscent des hommes.

Cependant, avant de transcrire lesdits versets, j'aimerais poser des questions qui me semblent primordiales et qui s'imposent, dans ce cas de figure: une fois qu'ils auront lu les arguments extraits du Coran, les défenseurs du port du voile auront-ils l'honnêteté intellectuelle d'admettre qu'il ne s'agit nullement d'un précepte? Pourquoi doit-on attribuer aux paroles et interprétations humaines un caractère sacré, sachant que l'homme est, par sa nature, faillible? Pourquoi accorder du crédit à ces interprétations sachant qu'elles sont désuètes et obsolètes, étant donné qu'elles ont été émises il y a plus de douze siècles dans des circonstances bien particulières? Doit-on perpétuer un mode de vie plus proche du paganisme et des siècles obscurs de l'ignorance, alors que nous vouons par ailleurs une admiration sans bornes aux acquis de la modernité et des progrès scientifiques? Ne risque-t-on pas de souffrir de schizophrénie, nous qui sommes tiraillés entre les bienfaits de la science et les avatars des siècles de l'obscurantisme médiéval?

Il serait intéressant de soumettre ces questions à des spécialistes qui se feront une joie d'étudier les répercussions de ce tiraillement sur la personnalité des Arabes.

Du reste, pour revenir à notre sujet, je rappelle que le Tout-Puissant ordonne:

"Dis aux croyants de tenir leurs yeux baissés, et de préserver leur sexe de tout rapport interdit: c'est une garantie de pureté pour eux. Dieu est si bien informé de ce qu'ils font (30). Dis de même aux croyantes de baisser non moins pudiquement leurs regards et de protéger leur vertu! Qu'elles ne fassent pas étalage de leurs parures, hormis celles qu'on ne peut tenir cachées! Qu'elles rabattent leur voile sur leur poitrine et qu'elles veillent à ne pas étaler leurs ornements sauf devant leurs époux, leurs pères, leurs beaux-pères, leurs fils, leurs frères, leurs neveux, leurs esclaves des deux sexes, leurs serviteurs mâles non suspects de désirs charnels, les enfants non encore initiés au sexe... (31)." La Lumière. (Traduction Sadok Mazigh).

Le verset que d'aucuns avaient considéré comme prescriptif et imprescriptible est: "Qu'elles rabattent leur voile sur leur poitrine". Pouvons-nous affirmer que le Seigneur ordonne aux femmes de se voiler, en nous basant sur cette infime partie du verset? Tout en sachant qu'il y a des circonstances qui avaient dicté la révélation de cette prescription?

Au demeurant, il convient à ce stade de le rappeler: les femmes du Prophète s'étaient plaintes auprès de leur illustre époux d'être importunées et abordées par des voyous en mal de sexe quand elles déambulaient seules dans les rues de Médine. Et quand elles s'isolaient, à la tombée de la nuit, dans des endroits retirés, pour leurs besoins naturels. Les Hypocrites appartenant à des tribus jouant la "cinquième colonne" auprès des Mecquois et des Juifs de Médine, et s'étant converties à l'islam, sans en être réellement convaincues, mais pour éviter d'être asservies et tuées et de voir leurs femmes, filles ou sœurs vendues comme des esclaves, leur foi étant vacillante, s'ingéniaient à causer du tracas à l'Envoyé de Dieu par tous les moyens, y compris en abordant ses épouses pour les offenser et les insulter. Tout en prétendant qu'ils ne les avaient pas reconnues, vu que rien ne les distinguait des autres femmes.

Par conséquent, pour les différencier des esclaves qui, pour la plupart, vivaient de leurs charmes, pratiquaient le plus vieux métier du monde et pouvaient être abordées à loisir, le Tout-Puissant imposa aux épouses du Prophète et aux femmes libres de se couvrir la tête. Elles seront ainsi reconnues et ne pourraient plus être importunées. D'ailleurs, la généralisation du port du voile fut ordonnée par le deuxième Calife de l'islam, Omar Ibn Al Khattab, et non du vivant de l'Envoyé de Dieu. Un Calife qui faisait fouetter les esclaves osant arborer le voile, se mesurant ainsi aux femmes libres. Il convient de rappeler que ces dernières pouvaient se promener les seins dénudés, puisque ceux qui étaient attirés par leurs charmes, ou voulaient se les approprier pouvaient les palper, les toucher, pour ne pas être trompés sur la marchandise.

À ce stade de l'analyse, il convient de signaler que le terme arabe خِمَار (khimar), traduit par le vocable "voile", signifie, selon le plus ancien dictionnaire arabe "Taj Al Arouss", le couvercle, ou tout ce qui est en mesure de couvrir, aussi bien la tête, que la poitrine, ou même un ustensile. De fait, le terme khimar n'est pas spécifiquement lié aux cheveux ou à la tête.

Par ailleurs, il faut savoir que les fouqaha et les exégètes du Coran eux-mêmes avaient hésité sur le sens à donner au mot zinatahunna زينتهن traduit par atours ou parure, qui figure dans le verset 31 de la sourate La Lumière ("Qu'elles ne fassent pas étalage de leurs parures, hormis celles qu'on ne peut tenir cachées", Sourate, 24, verset 31). Selon Abou Isaac, cité par Tabari, il s'agit des vêtements. Tandis que d'autres, cités par le même auteur, disent que les atours ou la parure désignent les bagues et le khôl, comme c'est le cas pour Ibnou Al Abbes, alors que pour Saïd Ibnou Joubeir, ce sont la paume des mains et le visage.

Pouvons-nous, devant la multiplicité des interprétations et explications, trancher définitivement et affirmer que les atours (ou parures de femmes) sont ses cheveux? Pouvons-nous établir un lien indéfectible entre le khimar (traduit par voile) et les cheveux ou la tête, maintenant que nous connaissons l'étymologie du vocable?

Après avoir lu ce verset, et pris connaissance des circonstances de sa révélation, pouvons-nous affirmer que les cheveux sont aptes à exciter le désir des hommes et que les femmes doivent les soustraire à leurs regards? Pouvons-nous considérer que le port du voile est une obligation religieuse, un précepte imprescriptible? Par ailleurs, comment pouvons-nous admettre que l'homme, auquel la tradition patriarcale voue une admiration sans bornes qu'elle pare de toutes les qualités, puisse être ébranlé par la vue de quelques touffes de cheveux, à tel point qu'il ne peut réfréner ses désirs bestiaux?

Pour conclure, il convient également de rappeler le deuxième verset que d'aucuns considèrent comme prescriptif et auquel les exégètes attribuent une portée injonctive indéniable.

"Prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux épouses des croyants, de ramener sur elles un pan de leur mante : elles seront plus aisément reconnues et ne risquent pas d'être offensées". Les Coalisés, verset 59, traduction Sadok Mazigh

Dans le même souci d'épargner aux épouses de l'Envoyé de Dieu, des croyantes ou des nobles quraïshites d'être confondues avec les esclaves et d'être ainsi importunées par les libertins et les hypocrites, le Seigneur leur avait ordonné de rapprocher les pans de leurs vêtements de sorties. En cette cinquième année de l'Hégire, la communauté musulmane subit un siège éprouvant mené par les Mecquois alliés aux tribus juives habitant aux alentours de Médine, jusqu'à ce qu'une tempête violente se déchainât et emportât tout sur son passage. Les hypocrites de la "cinquième colonne" s'évertuaient à embarrasser le Prophète par le biais de ses épouses, qu'ils s'autorisaient à offenser, prétendant ne pas les reconnaître, comme précédemment indiqué.

Par conséquent, les deux versets cités supra n'évoquent à aucun moment les cheveux, mais ont été interprétés comme y faisant allusion, et de fait considérés comme prescrivant le port du voile et dictant aux femmes, tenues pour être un objet de désir apte à semer la zizanie et le désordre parmi les hommes, de se montrer discrètes, d'éviter de provoquer les hommes et d'exciter leurs instincts bestiaux.

Pour finir, j'ajouterai que Soukaina, l'arrière-petite-fille du Prophète Mohammed, petite-fille de Fatima, avait refusé catégoriquement de s'affubler de ce chiffon difforme auquel d'aucuns attribuent une charge sacrée et qu'ils tiennent pour une obligation religieuse. L'illustre descendante de l'Envoyé de Dieu aurait-elle osé transgresser un ordre divin? Si le port du voile avait été un précepte imprescriptible, aurait-elle défié sciemment et effrontément les injonctions sacrées? Pourquoi cette noble descendante du Prophète n'est-elle pas connue par les historiens et son cas pratiquement ignoré par tous?

Simplement parce que les sociétés dans lesquelles nous vivons sont régies par des lois patriarcales, que ceux qui écrivent et ont écrit l'histoire sont imprégnés de valeurs misogynes. Il est logique que des faits historiques de cette importance soient occultés et omis.

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