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La grogne des artistes de la diaspora arabe

Pourquoi les médias veulent-ils faire savoir à leur auditoire que les immigrants de cette région du monde ce sont trois imams et deux prédicateurs et quelques énergumènes à la tête de groupes islamistes?
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L'été s'est retiré sur la pointe des pieds, en douceur, emportant avec lui tout le tapage médiatique autour du burkini, s'exclamant comme pour s'excuser: si j'ai bien compris, ce sera pour l'année prochaine.

Le volume d'insanités que les médias ont déversé sur les têtes des gens est incalculable. La planète, durant cette saison, ne semble tourner que pour alimenter la polémique sur la tenue estivale de quelques femmes musulmanes, en mal d'exhibition et férues de plages. Les médias ne s'occupaient pas des guerres qui ravagent des pays entiers ni de la famine, ni du drame des réfugiés, ni de la tragédie des migrants clandestins, avalés par milliers par la mer Méditerranée ni du scandale de Panama papers ni des paradis fiscaux, mais d'un fichu tissu confectionné par une boite australienne au parfum de la prescription divine pour les maillots de bain des femmes musulmanes.

Ce stylisme islamiste et toutes les prises de position des plus saugrenues jusqu'aux plus ridicules est une grande supercherie et un détournement massif de l'attention du public et ne contribuera qu'à donner un peu plus de place et de visibilité à l'islam politique militant, disait Amel, une amie syrienne, fraichement libérée des territoires de Daech. Le voile moulant à la sortie de l'eau qui dessine jusqu'aux mamelons des baigneuses serait passible de la peine de mort par non seulement les islamistes, mais aussi par tous les croyants conservateurs des pays musulmans. Ces femmes seraient brûlées vives si elles se présentaient dans cette tenue dans les territoires de la loi d'Allah, disait-elle. C'est qu'elle ne répondait nullement aux normes du voile tel que dessiné par les islamistes des plus modérés jusqu'aux plus radicaux. Le voile pour eux c'est un vêtement sans forme couvrant tout le corps de la femme de la tête aux pieds.

L'objectif des islamistes est de provoquer et d'occuper le terrain et les manchettes des journaux et les écrans de télévision par tous les moyens et celui des médias est de les relayer et de gonfler l'importance de leur présence jusqu'à la nausée, jusqu'à l'overdose. Ces deux tours d'injonction prosélytique et d'information de masse travaillent vraisemblablement en tandem.

Pourquoi les médias veulent-ils faire savoir à leur auditoire que les immigrants de cette région du monde ce sont trois imams et deux prédicateurs et quelques énergumènes à la tête de groupes islamistes?

Dans ce vortex débridé, des artistes, hommes et femmes, issus de pays arabes et musulmans crient à la trahison des médias. Ils se démènent pour se faire entendre pour dire «trop, c'est trop! Assez. C'est assez!»

Ils ont usé de tous les artifices de l'art pour attirer l'attention de la machine médiatique afin qu'ils dirigent leurs micros et leurs caméras sur leurs activités. Ils produisent et présentent sur l'année des événements culturels. Cette année, au mois d'août, ils ont érigé une grande scène dans le Vieux-Port de Montréal mettant en vedette des artistes de cette fameuse communauté, il y avait du folklore, de la danse du ventre, de la calligraphie, de la poésie et un salon du livre des auteurs de la diaspora, mais en vain, les journalistes ne répondent pas à leurs invitations. L'ADAB (association des auteur(e)s de la diaspora arabe et berbère) n'était pas en reste. Elle a présenté plusieurs activités durant cet été, entre autres «Les 2es journées du livre arabe et berbère» dans le cadre d'Orientalis du festival du monde arabe. Pendant quatre jours, les visiteurs du festival ont pu découvrir les écrivains de cette diaspora, Nassira Belloula, Aziz Fares, Wahiba Khiari, Salah Beddiari, Hamid Benchaar, Katia Belkhodja, Yara Al-Ghadban, Ouanessa Younsi, Mona Latif Ghattas, Mouloud Belabdi, Rabah Bouberras et l'invité d'honneur de cette deuxième édition Salah Benlabed. Ces derniers ont dédicacé leurs livres et discuté avec les festivaliers. Ils ont fait la médiation culturelle comme on le dit maintenant dans le milieu administratif, avec des causeries littéraires, des lectures et des conférences sur la présence des écrivains de la diaspora dans le paysage littéraire québécois.

Et pendant tout le mois de septembre, l'ADAB était présente dans le square St-Louis pour une résidence dans le Café KIOSQUE K., une occupation de la fameuse place littéraire et historique du Québec par les auteurs de la diaspora. Le Kiosque K a accueilli les poètes marocains Fayrouz Faouzi et Kamal Benkirane ainsi que les poètes syriennes Soheir Faouzat et Lilia Bitar, le cinéaste algérien Rabah Bouberras, les écrivains et essayistes algériens Aziz Fares et Mouloud Belabdi, la romancière Nassira Belloula et beaucoup d'autres artistes de la diaspora.

Pourquoi les médias veulent-ils faire savoir à leur auditoire que les immigrants de cette région du monde ce sont trois imams et deux prédicateurs et quelques énergumènes à la tête de groupes islamistes, se demande Rachid? Mais pourquoi ne montrent-ils pas les milliers d'artistes, de chanteurs, de peintres, d'écrivains, de poètes, d'essayistes, de sociologues, de scientifiques et de professeurs qui vivent en parfaite intelligence avec les valeurs du pays, ajoute-t-il. Il suffit qu'un imam quelconque pète quelque part et tu les vois courir dans toutes les directions essayant de répandre ses flatulences sur leurs clients, ironise la jeune poète syrienne.

La romancière égyptienne s'est exclamée, mais que faut-il faire pour attirer leur attention. «Pourquoi pas une danse du ventre dans les rues de Montréal?», lance-t-elle.

Son collègue et ami peintre réplique: imaginons une action spectaculaire comme sortir dans la rue (artistes peintres, chanteurs, sculpteurs, danseurs, poètes, écrivains, cinéastes) tous nus, exposant nos œuvres et lisant des extraits de nos textes en public, il faut être créatif! Non!

Oui, dit le cinéaste, ce sera une bonne idée de déambuler dans les rues de Montréal comme dans la Gay Pride, tous nus priant et suppliant les journalistes de rapporter dans leurs médias lourds et légers, dans leurs journaux que nous sommes issus de pays arabes et musulmans et nous ne sentons nullement concernés par les vapeurs toxiques qui émanent de tous les charlatans autoproclamés représentants de cette communauté. Nous sommes complètement satisfaits des lois et des règles démocratiques du pays. Nous ne voulons pas de ghettos. Nous sommes avant tout des citoyens et heureux de la neutralité de l'État et de sa laïcité.

Nous devons accuser les grandes chaînes d'information de malversation, reprenait la poète marocaine. Et si on exigeait des médias d'être équitables, de clarifier et d'expliquer à leur public que les extrémistes ne représentent qu'une infime frange de cette communauté. Il faut qu'il y ait dorénavant parité dans le traitement de ces sujets en invitant sur leurs plateaux des immigrants arabes qui ne se reconnaissent pas dans cette essentialisation.

Il faut qu'il y ait un juste partage du temps d'antenne chaque fois qu'un illuminé est invité. Il y a sur le marché des Arabes membres d'organisations laïques, des athées, des agnostiques, des sans religions, des zen bouddhistes, des féministes, des libertaires et des anarchistes prêts à intervenir à tout moment, conclut-elle.

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