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L'obsession de la parité hommes-femmes

En 2015, personne n'est à l'abri d'être victime de discrimination, qu'elle soit fondée sur le sexe, l'âge ou tout autre motif. Notre société a institutionnalisé une discrimination qu'elle qualifie de «positive».
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J'aurais pu aussi bien intituler ce billet «Justement, nous sommes en 2015... ». Le 4 novembre dernier, Justin Trudeau, premier ministre nouvellement assermenté du Canada, en réponse à la question d'une journaliste lui demandant pourquoi il accordait autant d'importance à la parité hommes-femmes dans son conseil des ministres, a répondu «Parce que nous sommes en 2015». Sa réponse a vite fait le tour de la planète... Une réponse politically correct et moderne, mais une réponse qui ne veut pas dire grand-chose dans le fond et qui contribue à perpétuer le mythe selon lequel le sexisme à l'égard des femmes domine toujours notre société en 2015.

Je ne suis pas sexiste. D'ailleurs, je serais bien mal placé pour l'être, étant donné que j'exerce une profession dans laquelle les hommes sont nettement minoritaires (à peine 30%) et que mes cercles de fréquentations professionnelles et personnelles sont constitués majoritairement de femmes depuis mes années universitaires au début des années 1990. Je connais des femmes très compétentes, des femmes moins compétentes, des hommes très compétents et des hommes moins compétents. Comme il en est de chacun d'entre nous.

L'Encyclopædia Universalisdéfinit le sexisme en les termes suivants: «Le terme sexisme sert à désigner [les] comportements, individuels ou collectifs, qui semblent perpétuer et légitimer la domination des hommes sur les femmes.» Dans Le Petit Larousse, on peut y lire une définition plus neutre du terme: «Attitude discriminatoire fondée sur le sexe.»

Quoiqu'il en soit, la vérité est que les hommes sont autant victimes de sexisme et d'autres formes de discrimination que les femmes en 2015. Il existe des quotas d'embauche dans plusieurs domaines, il faut tenir compte des minorités visibles, etc. En 2015, personne n'est à l'abri d'être victime de discrimination - qu'elle soit fondée sur le sexe, l'âge ou tout autre motif illicite. À plusieurs égards, notre société a institutionnalisé une discrimination qu'elle qualifie de «positive» il y a de cela plusieurs années, dans la foulée du mouvement féministe et des revendications au titre de la Charte des droits et libertés - une des œuvres maîtresses de Trudeau père.

En s'imposant l'obligation de nommer un conseil des ministres paritaire, le premier ministre Trudeau a dû faire des choix sûrement difficiles et, ce faisant, d'autres candidats et candidates ministrables ont vu leur espoir d'être nommés dissiper. Pensons au 16e homme et à la 16e femme dans la liste des ministrables. «Désolé Pablo [Rodriguez, député élu dans Honoré-Mercier]. J'aurais bien aimé te nommer ministre, mais ça me prend une femme pour atteindre la parité et tu n'es pas une femme». Ou «désolé Alexandra [Mendès, députée élue dans Brossard-Saint-Lambert], j'aurais bien aimé te nommer ministre, mais ça me prend un homme pour atteindre la parité et tu n'es pas un homme.»

Ces deux députés (que j'invoque strictement aux fins de l'exercice, je n'ai évidemment aucune idée des autres personnes ayant été considérées pour occuper un poste de ministre) comptent pourtant plus d'expérience parlementaire que plusieurs nouveaux élus et élues ayant été assermentés mercredi dernier.

Au fil des ans, la question de la parité hommes-femmes est devenue une sorte d'obsession, surtout dans l'arène politique. Jean Charest en avait fait un cheval de bataille et avait réussi à nommer un conseil des ministres paritaire en 2007, ce dont il était bien fier. Rappelons-nous que parmi les élues libérales membres de ce conseil figurait Julie Boulet, une pharmacienne de formation, nommée ministre titulaire du portefeuille des Transports... Je n'ai rien contre les pharmaciens (mon père en était un), mais avouons qu'elle n'avait pas vraiment les compétences requises pour gérer cet important ministère.

Il est en souvent de même en politique municipale. Dans mon patelin, les femmes sont majoritaires au conseil de ville depuis 2009. Aucune de ces femmes en poste depuis maintenant six ans n'a brillé par des compétences marquées, pas plus que leurs collègues masculins. Le sexe d'une personne n'a rien à voir avec sa compétence. Il en a toujours été ainsi, et il en sera toujours ainsi, car la compétence n'est innée ni chez l'homme, ni chez la femme. La compétence se développe sans égard au sexe.

Tout cela étant dit, sur le plan de l'image, Justin Trudeau a réuni un groupe d'élus représentatifs de la population canadienne, notamment sur le plan de l'âge: la plus jeune ministre (Maryam Monsef, Institutions démocratiques) n'a que 30 ans et les ministres les plus âgés - Ralph Goodale (Sécurité publique), Lawrence MacAulay (Agriculture et agroalimentaire) et Marc Garneau (Transports) - ont 66 ans. Parmi les autres heureux élus au conseil, on compte non moins de 11 quadragénaires (la génération X se trouve donc très bien représentée, ce dont je ne peux que me réjouir) et trois trentenaires, dont Mélanie Joly, nommée à un important ministère (Patrimoine canadien) bien qu'elle n'ait aucune expérience parlementaire. Elle devra donc apprendre «sur le tas», comme on dit.

Toutefois, le fait demeure que la compétence d'une personne devrait avoir préséance sur son sexe, justement «parce que nous sommes en 2015». Les défis sociaux, sociétaux, économiques, financiers et fiscaux auxquels nous faisons face sont énormes; espérons donc que, derrière cette image politiquement correcte de la parité hommes-femmes, se trouvent les meilleures personnes parmi les 183 élues sous la bannière du Parti libéral du Canada pour gérer le portefeuille auquel elles ont été nommées.

En somme, la parité des sexes au sein du conseil des ministres nommé par Trudeau ne m'impressionne pas. Je jugerai le travail des ministres nommés en fonction de leur compétence ou de leur incompétence. Leur sexe ne m'importe guère...

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