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Mon métier de musicien est probablement l'un des rares à avoir subi des baisses de salaires depuis 25 ans. Le déclin de l'âge d'or dumusical s'est amorcé il y a longtemps déjà, mais s'est accentué avec la venue du Web en faisant beaucoup de dommages collatéraux.
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Je suis musicien professionnel depuis une vingtaine d'années et après avoir lu les cris du cœur d'artistes et compagnies de disques dénigrés et ridiculisés par plusieurs, je me sens dans l'obligation d'y ajouter mon grain de sel. À mes débuts, à la sortie du Conservatoire de musique, j'ai dû travailler dans un HMV pendant 4 ans et demi pour payer le loyer. J'ai donc vu et vécu les changements technologiques et les bouleversements amortis par l'industrie du disque, si on peut encore l'appeler ainsi. J'étais là quand HMV a fait des études de marché pour savoir lequel de la cassette, du minidisque ou du CD le consommateur préférerait. On ne savait pas à quel point on se trompait à l'époque...

Mon métier de musicien est probablement l'un des rares à avoir subi des baisses de salaires depuis 25 ans. Le déclin de l'âge d'or du show-biz musical s'est amorcé il y a longtemps déjà, mais s'est accentué avec la venue du Web en faisant beaucoup de dommages collatéraux amochant plusieurs domaines comme les studios d'enregistrement qui n'arrêtent de baisser leurs prix tout comme les musiciens qui se font continuellement demander de jouer à rabais parce que l'argent n'y est plus.

Et pourquoi? On semble vouloir mettre tout sur le dos des compagnies de disques et des vieilles mentalités de gérants et « peddler » au gros cigare. On nous dit que le public a changé ses méthodes d'achat en diversifiant ses sources d'approvisionnement. Je suis d'accord pour dire que les compagnies de disques et distributeurs n'ont pas su se préparer à tous ces changements malgré tous les signaux d'alarme reçus depuis 15 ans. Si le public achète autant qu'avant comme on le proclame, pourquoi abaisse-ton la barre d'obtention d'un disque d'or à 40 000 ventes au lieu de 50 000? Et laissez-moi vous dire que bien des disques d'or sont donnés alors que la majorité des copies sont encore sur les tablettes ou en attente de téléchargements légaux.

Pourquoi des bands comme Radiohead décident de mettre en ligne leur musique gratuitement? Pourquoi un album est maintenant considéré par plusieurs comme un produit dérivé au même titre qu'un t-shirt ou un poster ou encore une raison de faire quelques spectacles? Pourquoi ne voit-on plus de 300 000 copies vendues d'un album québécois comme dans les années 90? Est-ce que tous ceux qui achetaient en masse des CD de Kevin Parent achètent maintenant du Vincent Vallières sur iTunes? Si oui, les chiffres ne concordent pas. (Les ventes de iTunes et les CD vendus lors de spectacles se retrouvent maintenant répertoriés dans les ventes officielles, ce qui n'était pas le cas auparavant.)

20 000 copies est désormais un but à atteindre et un succès commercial. Plus que ça, vous aurez besoin d'une machine comme Québécor avec un show télé de 2 millions de cotes d'écoute pour réussir à vendre 40 000 singles... Le public a diversifié ses méthodes d'achat? Je pense plutôt qu'il a trouvé plusieurs sources de remplacement à ses cassettes vierges de l'époque. Faites le tour de votre iPod ou de celui de vos petits neveux et nièces. Faites le calcul du pourcentage de musique achetée... J'ai dû moi-même sensibiliser ma conjointe qui pigeait allègrement dans le buffet gratuit du Web pour alimenter son iPod.

On peut transposer le problème pour la télé qui doit également se réajuster. Qui d'entre vous paye pour visionner des séries sur Internet? Combien de personnes écoutent leurs films et séries gratuitement sur des sites «illégaux»? Un moment donné une production doit se payer d'une manière ou d'une autre, non? Il y a le financement public bien sûr, mais avec la montée de la droite, les séries pour enfants qui payent ma maison sont constamment remises en question.

Financer la culture est de moins en moins populaire et on essaie de diminuer l'apport de l'État pour payer le moins d'impôt possible. Ça va faire là, financer les BS de luxe et les osties de «gratteux» de guitare!... (Je suis prêt à comparer mon horaire de travail avec n'importe quel banquier.)

Ces dernières années, j'ai fait des spectacles ou des sessions gratuits pour donner un coup de main à des artistes émergents qui, je crois, sont très au courant de la nouvelle réalité de distribution et de vente de leurs créations. Ils en arrachent d'ailleurs parce que les ventes n'y sont plus. Vous pourrez toujours me sortir des exemples comme: «An 8 foot tall woman is destroying the entire music industry», mais je ne commencerai pas à squatter des divans pour faire la promotion d'un album avec mes trois enfants à la maison. C'est supposé être un métier cette affaire-là.

Oui, l'industrie a en effet une bonne partie du blâme à assumer, mais le public mérite aussi une tape en arrière de la tête. Il y aura toujours des gérants d'estrade pour nous expliquer, à nous les artistes, ce qu'on a fait (ou mal fait) et que si on n'est pas content, on n'a qu'à changer de job. Mais je vais quand même tenter de finir ma partie avec ce qui reste de glace sur la patinoire, car cela demeure encore un métier fantastique et envié de plusieurs.

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