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La tragédie inuite. Le cul-de-sac du Nord. Le Nunavik décroche. Drogués à 7 ans.Ces titres d'articles parus récemment dans la presse québécoise suggèrent l'existence d'un intérêt renouvelé pour les questions autochtones. Le lancement du Plan Nord y serait-il pour quelque chose ? À première vue, on devrait s'en réjouir. Le traitement que ces reportages réservent aux Autochtones est toutefois loin de représenter une véritable amélioration par rapport à l'ignorance qui les précédait -- ils relèvent plutôt d'une curiosité malsaine, quasi pornographique, à l'égard de la pauvreté.
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La tragédie inuite. Le cul-de-sac du Nord. Le Nunavik décroche. Drogués à 7 ans.

Ces titres d'articles parus récemment dans la presse québécoise suggèrent l'existence d'un intérêt renouvelé pour les questions autochtones. Le lancement du Plan Nord y serait-il pour quelque chose ? À première vue, on devrait s'en réjouir. Le traitement que ces reportages réservent aux Autochtones est toutefois loin de représenter une véritable amélioration par rapport à l'ignorance qui les précédait.

Renforcer les stéréotypes

Drogue, alcool, violence, itinérance, contrebande, décrochage, suicide...Le moins qu'on puisse dire, c'est que le portrait tracé des peuples autochtones ne les met pas en valeur. Il est indéniable que les communautés amérindiennes et inuites sont touchées par de graves problèmes sociaux, économiques, culturels et politiques. Personne ne le nie! Cependant, relever uniquement et sans nuance ces problématiques tragiques et sensationnalistes risque moins d'aider monsieur et madame Tout-le-Monde à comprendre la situation des Premières nations que de renforcer des stéréotypes déjà bien implantés.

À l'époque de la Nouvelle-France, les évêques s'érigeaient déjà en protecteurs des Autochtones en menaçant d'excommunication les marchands trouvés coupables de leur vendre des produits alcoolisés. En 1874, l'Acte pour modifier certaines lois relatives aux Sauvages condamnait toute personne leur fournissant des « liqueurs enivrantes », ainsi que tout Amérindien trouvé en état d'ébriété, à une peine pouvant atteindre deux ans d'emprisonnement. En novembre 2011, le député Bonnardel dénonçait le versement de chèques à des membres des communautés autochtones, insinuant que cet argent serait rapidement dilapidé dans l'achat de drogue et d'alcool.

Du 17e siècle à aujourd'hui, le discours paternaliste des bien-pensants est constant : les Autochtones ne peuvent prendre soin d'eux-mêmes. Il faut les protéger et ce, pour leur propre bien. Face à une telle condescendance, peut-on vraiment s'interroger sur la source de la détresse culturelle et des problèmes de déresponsabilisation qui affectent les communautés des Premières nations ?

Une curiosité malsaine

Le traitement réservé aux Autochtones dans les médias relève d'une curiosité malsaine, quasi pornographique, à l'égard de la pauvreté. Seules les situations les plus absurdes et les plus dramatiques font l'objet d'un traitement journalistique, réduisant ainsi les cultures autochtones à une série de clichés socioéconomiques désespérés et désespérants. Le seul but de cette stratégie semble être de choquer pour attirer l'attention.

Malheureusement, sitôt la nouvelle publiée, on passe à autre chose. En effet, contrairement à bien d'autres faits divers, les drames autochtones ne font la manchette qu'une journée. Ils ne retiennent pas l'attention. Les horribles disparitions de Diane Grégoire ou de Jolène Riendeau ont tenu les médias québécois en haleine pendant des mois, voire des années. Mais qui s'est ému du meurtre non élucidé de la Mohawk Tiffany Morrison? Ou des disparitions des jeunes Algonquines Maisy Odjick et Shannon Alexander? La couverture médiatique de ces événements est demeurée au mieux anecdotique. Pourquoi ? Poser la question, c'est un peu y répondre.

Trois petites larmes et puis s'en vont...

Le cas de la communauté d'Attawapiskat dans le nord de l'Ontario demeure l'exemple parfait de cette exploitation médiatique. Les images de familles obligées de vivre sous la tente ou dans des conditions d'insalubrité à peine imaginables ont fait le tour du pays peu avant Noël. Il faut dire que c'est le seul moment de l'année où penser à son prochain est en quelque sorte une obligation morale, fut-ce de manière très momentanée.

Une fois le sentiment de compassion affirmé, les célébrations, les présents et les festins ont vite repris le dessus. Dans le cas d'Attawapiskat, la transition fut d'autant plus facile que le gouvernement affirmait que la source des problèmes était une mauvaise gestion d'argent. On plaint les Autochtones d'être aussi pauvres, mais c'est leur faute après tout. Bien sûr, les fraudes alléguées n'ont toujours pas été démontrées et toutes les études démontrent au contraire le sous-financement chronique de la communauté. Mais trop tard, on est déjà passé à autre chose. Et tant pis pour Attawapiskat.

« Nous sommes plus que cela »

Le phénomène n'est pas propre au Québec. Ailleurs aussi en Amérique on s'excite sur les chiffres dramatiques qui concernent les Autochtones, sans pour autant chercher à les remettre en contexte et encore moins à mettre en valeur des aspects plus positifs de leur culture.

En novembre dernier, le réseau ABC diffusait une émission spéciale sur les problèmes touchant une réserve Lakota au Dakota du Sud. Frappés par le mépris réductionniste du reportage, les jeunes de la communauté ont tourné un vidéo afin d'affirmer haut et fort qu'ils étaient « plus que cela ». Un message qui aurait intérêt à être diffusé au Québec également...

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