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Plutôt que de se contenter d'exprimer une opinion, il est aujourd'hui essentiel de discréditer celle qu'on ne partage pas, et si possible avec fracas. On passe alors du désaccord à une forme empirique du dénigrement dont le seul but est d'obtenir un écho et quelques secondes d'attention dans le tintamare incessant des convictions débridées. Et de ne pas hésiter à faire d'un simple point de vue, une haine en devenir, une haine en partage.
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L'attentat du Metropolis nous fige d'incompréhension et vient nous confronter dans nos croyances, celles que nous avons de vivre dans une société moderne et civilisée dans laquelle la violence n'est qu'exception, et le bien, le poumon de toutes nos respirations.

Pour nous conforter dans cette idée, l'auteur des tirs nous sera présenté rapidement comme un déséquilibré, ce qui aura pour vertu non seulement de nous rassurer, en dépit de nos pillules, sur notre propre santé mentale, mais surtout de nous blanchir et d'exclure toute responsabilité collective comme possiblité originelle à un tel geste.

Et l'enquête confirmera probablement le tout: l'homme au AK-47 et à la robe de chambre était un illuminé, il a agi seul, son crime n'a pas été commandité par quelconque organisation ou mouvement, c'est un cinglé qui n'est signifiant de rien, sinon de sa propre folie.

L'enregistrement vidéo de l'arrestation du tireur ne peut que valider ce constat; le gros défroqué confus et ridicule qu'on a embarqué dans la voiture du SPVM nous fait plus penser à un échappé de Louis H. Lafontaine qu'à un combattant de haute lutte.

Pourtant, aussi incohérent qu'ait pu nous paraitre cet individu, c'est bien un geste de violence alimenté par la haine qu'il a posé ce soir là. Lors de son arrestation, il a baragouiné que les anglais se réveillaient. Propos sans grande valeur vu l'état du bonhomme, mais il demeure que cela a été le moteur de son projet, ou en tout cas sa justification.

Et l'on se doit d'évoquer ces haines qui larvent notre ordinaire et qui prennent place sans scrupule sur la voie publique par le biais de distorsions insidieuses déversées sur les multiples canaux que composent notre brouhaha quotidien. Voyez comme on traite les musulmans sur les tribunes populaires. Voyez comme on a changé un symbole de mobilisation étudiante en symbole quasi-terroriste en y associant de façon fallacieuse les mots "violence" et "intimidation". Voyez comme la souveraineté du Québec, projet de liberté et d'espoir d'unir un peuple autour de sa culture, a habilement été salie au point d'être considérée comme une peste brune annoncée par bon nombre. Écoutez les radios-poubelles et leur flot ininterrompu d'agressivités haineuses touts azimuts.

Plutôt que de se contenter d'exprimer une opinion, il est aujourd'hui essentiel de discréditer celle qu'on ne partage pas, et si possible avec fracas. On passe alors du désaccord à une forme empirique du dénigrement dont le seul but est d'obtenir un écho et quelques secondes d'attention dans le tintamare incessant des convictions débridées. Et de ne pas hésiter à faire d'un simple point de vue, une haine en devenir, une haine en partage.

Quand jadis la raison dérapait et flirtait avec l'inacceptable, c'était du fond de la taverne, et la bêtise avait un écho bien limité. Désormais, la moindre éructation bénéficie, du fait des technologies, d'une exposition incomparable. Dans ce flot irréfléchi de verbiages et de palabres, la haine, diluée, prend sa place sans tabou et avec trop grande facilité. Comme par exemple cet individu qui, à peine les coups de feu tirés au Metropolis, signale sur les réseaux sociaux, sans doute très fier de son coup, que «Les bons assassins sont difficiles à trouver, ces jours-ci». Certes il sera rapidement retracé, identifié et même congédié par son employeur, mais le mot, obscène, a été distribué à tous, en toute liberté, jusqu'à la une des grands médias.

La plupart d'entre nous n'en feront rien, bien sûr, de ces haines ordinaires, ou bien prendront soin de mettre en évidence l'inacceptable, et de le dénoncer. Et c'est là qu'est notre responsabilité: ensemble et avec force, refuser toute forme de diabolisation intentionnée et injustifiée.

La souveraineté est un projet de société, une aspiration, à laquelle on adhère ou pas. C'est un débat d'idées, civilisé, que rien ne justifie d'ériger en haine. Parce que la haine, c'est un tapis rouge déroulé sous les pieds de la violence.

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