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Le burkini dévoilé

Si Aheda Zanetti a voulula femme en créant ce vêtement en 2004 afin de l'intégrer socialement, c'est bien parce qu'elle ne l'est pas,, dans ce monde des musulmans pratiquants vivant en Occident.
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«Et si vous leur demandez (aux femmes du Prophète) quelque objet, demandez le leur derrière un rideau : c'est plus pur pour vos cœurs et leurs cœurs.» Sourates, XXXIII, verset 53

Voilà, c'est maintenant au tour du burkini, ce vêtement à lourde connotation religieuse, encore, à faire son entrée dans la polémique «islamophobe» qui touche le monde occidental essentiellement. Tout d'abord, il faut savoir que le burkini n'est pas un vêtement musulman. Il ne date pas d'un autre temps aussi reculé que l'époque où vécut le Prophète. Ce vêtement n'a tout au plus qu'une douzaine d'années d'existence. Il a été créé, selon les dires de sa créatrice, la dessinatrice de mode Aheda Zanetti, pour libérer la femme de confession musulmane. La libérer!

«Quand j'ai inventé le burkini au début de l'année 2004, je ne cherchais pas à enlever leur liberté aux femmes, je voulais les libérer. Ma nièce voulait jouer au netball, mais nous avions du mal à lui trouver une équipe parce qu'elle portait un hijab.» - Aheda Zanetti, dans le Guardian

Pourtant, les défendeurs de ces vêtements articulent leur argumentation autour de la liberté que nous avons tous de porter ce que l'on veut, puis de la liberté religieuse (du choix de notre religion), fondamentalement. Ils croient que ces vêtements (Burkinis, Hijabs, Niqabs, Burqas) sont portés en toute liberté religieuse qui plus est. Or, si Aheda Zanetti a voulu libérer la femme en créant ce vêtement en 2004 afin de l'intégrer socialement, c'est bien parce qu'elle ne l'est pas, libre, dans ce monde des musulmans pratiquants vivant en Occident.

Et c'est exactement ce qui est intéressant avec ce vêtement. Le burkini est par sa nature existentielle l'aveu explicite d'une absence de liberté, ou d'un manque important de liberté - c'est selon - isolant l'entièreté d'un genre dans ces communautés : la femme. Le burkini contredit toute l'architecture de l'argumentaire des gens favorables à la ségrégation des genres pour des raisons religieuses. Et c'est ce qui choque. Non pas parce que le burkini redonne une certaine liberté aux femmes qui en sont privées, cela est vrai, mais bien parce qu'il démontre clairement que ces dernières sont réellement soumises, non pas à Dieu comme le veut l'adage, mais bien à des règles sociales - certainement profondément patriarcales - autres que celles promulguées et appliquées par les différents États occidentaux. Et qui plus est, ce qui choque davantage, c'est qu'en accommodant ces communautés religieuses, il demeure cette impression amère de créer une nouvelle classe de citoyens, pour des raisons de croyances et de communautarisme, qui ne sont plus soumis aux mêmes lois ni n'ayant plus les mêmes droits que les autres citoyens.

«Ne soyons pas naïfs, accepter ce compromis c'est nier, dans les faits, l'héritage de toutes ces femmes s'étant battues pour l'égalité des genres dans nos sociétés. »

Ce vêtement, par sa nature de compromission, confirme l'existence d'une réelle oppression - ces femmes sont stigmatisées et isolées - puis symbolise tous les tiraillements touchant les États occidentaux et leurs communautés musulmanes pratiquantes puisqu'il cherche à concilier l'inconciliable : accommoder des communautés vivant idéologiquement en complète contradiction avec des principes pourtant considérés comme fondamentaux chez nous, et qui furent gagnés par de chaudes luttes menées par des femmes ayant fait évoluer nos sociétés, soit l'égalité absolue des genres, en droit du moins. Ne soyons pas naïfs, accepter ce compromis c'est nier, dans les faits, l'héritage de toutes ces femmes s'étant battues pour l'égalité des genres dans nos sociétés.

Reste la question de la liberté religieuse, la vraie. Pas celle exprimée par les dirigeants de la communauté musulmane, ou toute autre communauté religieuse d'ailleurs. Ce serait nier l'individu. Car l'usufruitier de la liberté religieuse protégée par les droits et libertés ne peut être que l'individu. L'individu est libre de croire en ce qu'il veut, et de la façon dont il lui plaît. Or, actuellement, ces droits semblent être l'apanage non pas d'individus, mais bien d'une communauté dirigée, d'un système communautaire fermé, pour ne pas dire sectaire; qui s'apparente davantage à une forme religieuse de nationalisme ethnique - rappelant les principes raciaux basés sur le sang - que du sacerdoce. L'exemple frappant de la burqa, vêtement pachtoune, symbolise la possession de la femme de cette ethnie, littéralement.

Si l'on est rigoureux dans la signification des mots, l'on doit parler ici de religion au sens strict, et non pas de liberté. L'expression «liberté religieuse» n'a aucun sens s'il n'y a pas liberté individuelle, qui inclut le droit de refus de certaines pratiques, donc de critiquer certains dogmes en vigueur, et même ultimement celui de changer de religion. Or, actuellement, ce n'est pas le cas.

Alors socialement nous avons un problème de taille. Ce vêtement, le burkini, est l'aveu explicite que les libertés fondamentales qui protègent la femme en Occident sont ineffectives pour beaucoup de ces femmes musulmanes pratiquantes établies à l'Ouest. Que l'État de droit ne protège pas tous ses citoyens pour des raisons communautaires et religieuses. Et là on ne parle pas encore des droits d'autres membres «atypiques» (excusez l'expression malheureuse) de cette communauté religieuse, je pense ici aux homosexuels de confession musulmane (on a l'impression qu'ils n'existent pas tellement qu'ils sont silencieux, et je doute sincèrement que ce silence soit le résultat d'un bonheur absolu). Nous devrons, un jour, débattre de ces questions avec le sérieux qu'elles requièrent. Sans clientélisme électoral. Et sans la phobie de se faire taxer d'islamophobe.

Mais pour l'instant, appelons un chat un chat. Ces vêtements, si les femmes qui les portent se sentent obligées de les porter, peu importe la raison, et c'est le cas dans la très forte majorité des cas, sont l'expression d'une oppression calculée et machiavélique qui a déjà été observée en d'autres lieux, en d'autres temps, sous d'autres religions. Nous-mêmes, catholiques, avons une certaine histoire religieuse. Ces vêtements stigmatisent, ils sont politiques. Ces vêtements sont donc contraires aux fondements de nos sociétés et de nous-mêmes.

La coercition sera inévitable

Il est vrai que, dans le cas récent de quatre policiers imposant une amende à une femme portant le burkini sur une plage du sud de la France, c'est loin d'être sexy. Maintenant, doit-on intervenir de cette façon, je n'en suis pas certain. C'est un peu fort. Je ne suis pas un spécialiste de la question, mais en ce qui concerne la femme battue par son mari par exemple, tout comme les situations particulières dans les sectes religieuses concernant des enfants, le policier n'intervient qu'en temps de crise. D'autres ressources interviennent en dehors de ces crises. Et cette situation sur la plage n'était clairement pas une situation de crise. C'est cette disproportion des moyens qui a choqué une certaine partie de l'opinion publique. Ainsi, faudra-t-il explorer d'autres méthodes d'intervention. Et s'ils n'existent pas, il faudra les inventer. Mais la coercition sera inévitable à un moment donné, si l'on est sérieux en affirmant que tous sont égaux devant la loi.

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