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Lettre à l'Europe

Si tu as un moment, ma chère Europe, replie ton drapeau, range tes dossiers, et viens t'asseoir un moment. Que je retrouve un peu de quoi tu es faite.
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Extrait de Lettre en morceaux à l'Europe, publiée en intégralité sur le siteArrière-Scènes.

Ma chère Europe,

Je ne pensais pas t'écrire un jour. À vrai dire, je n'étais même pas sûre que tu existes. Je l'ai appris en vivant depuis dix ans de l'autre côté de l'Atlantique. Tu me manques. Donc tu existes.

Ce n'est rien de très concret qui me manque. Bien sûr parfois, c'est le goût d'un fruit ou d'un plat, mais ces petits choses deviennent des caprices. L'essentiel est ailleurs.

Ce n'est pas non plus la nostalgie du chez soi que vivent les immigrés. Je me sens chez moi là où je peux créer.

Non, ce qui me manque, c'est... comment dire... quelque chose d'imperceptible. Comme toi, entité qui change selon ce que les hommes ont voulu en faire.

Ce qui me manque, c'est toi loin du drapeau, loin des bureaucrates de Bruxelles.

Loin de la machine économique qui étouffe les peuples et engraisse les industriels.

Toi dans un autre portrait de famille que celui qu'on nous tire aujourd'hui : le couple alpha France-Allemagne qui se tiennent la main, un coup pour une accolade, un coup pour un bras de fer. Et assis devant, les enfants fainéants de la Méditerranée. Derrière, les adolescents traine-patins de l'est. Au fond, impeccables, les modèles scandinaves. Et de côté, un peu à l'écart, avec seulement un pied dans le portrait, l'île qui ne fait jamais rien comme les autres.

J'écris aujourd'hui à une Europe qui pourrait faire rêver, et pas seulement les pauvres et les réfugiés. Si tu as un moment, ma chère Europe, replie ton drapeau, range tes dossiers, et viens t'asseoir un moment. Que je retrouve un peu de quoi tu es faite.

À demain.

Tes villes nous offrent aussi quelque chose qui n'existe pas ici : une invitation à déambuler. Tourner à un coin de rue, s'enfoncer dans le passage, atterrir sur une petite place. Se laisser surprendre, ne plus savoir dans quel quartier on est. Et pourtant, retrouver le chemin, par un instinct mystérieux qui fait qu'on s'y retrouve quand même, de Venise à Bruxelles, de Cracovie à Séville. Ici, dans la droiture des rues, il n'y a pas de place pour l'instinct. Ici je marche pour aller quelque part. Et c'est finalement là que je t'ai retrouvée.

Extrait du morceau 2 : ''Au coin de tes rues.

C'est toi l'aînée, ne l'oublie pas. Sais-tu que tu fais encore briller les yeux des Américains ? Bien plus que ceux des migrants africains, qui viennent parce qu'ils n'ont pas le choix. Oui, tu fais plus rêver ceux qui sont dans l'opulence que ceux qui fuient la misère et la guerre

Extrait du morceau 3 : Nourris tes enfants.

Tu sais, je te dis tu, mais je pourrais te dire vous. Ceux qui ont voulu faire de toi un espace de pur échange économique ont eu peur de tes multiples cultures. Ils ont fait des billets de banque sans aucune référence nationale. Porutant Mozart, Goethe, Hugo, Tchaïkovski, Chopin, Churchill, Einstein, Da Vinci appartiennent à tous les Européens.

Dans les livres d'histoire, être Européen, c'est être sujet d'un empire, c'est participer aux grandes découvertes des siècles derniers. Ça n'est pas à cette Europe des idées et des guerres que je parle, à cette civilisation qui est peut-être déjà morte. C'est à toi, fille de chair et de pierre, de rues tordues, de petits villages escarpés, de clochers d'églises, de quais de gare avec trois personnes qui attendent, de campagnes où en une journée de marche on peut passer devant un marécage, une forêt, un champ, un village, une petite ville. Tu es cette expérience très physique qui résiste aux mots et que seuls mes sens, agressés dans les villes nord-américaines ou perdus dans l'immensité de sa nature, me rappellent. Chez toi l'infini se cache dans le petit.

Extrait du morceau 4 : Toi, vous ?

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