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Un flic du centre ville dans Westmount (suite et fin)

Pour la période estivale, je reviens à mes premiers amours : Flic et confidences. De petites histoires de police.
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Les gars du secteur ont maintenant un peu plus l’habitude des bagarres, ils ne sont pas de Westmount.
jnnault via Getty Images
Les gars du secteur ont maintenant un peu plus l’habitude des bagarres, ils ne sont pas de Westmount.

1980

La soirée est encore jeune, mais dans Saint-Henri ça brasse toujours un peu. C'est le début du mois et les chèques sont arrivés. Les gars du secteur ont maintenant un peu plus l'habitude des bagarres, ils ne sont pas de Westmount.

Ross, notre enquêteur relève, a pris l'habitude de me faire patrouiller avec lui. Il me trouve drôle. Je devrais dire bizarre. Ma façon d'aborder les gens est totalement différente de la sienne et ça le fait rire. Je crois qu'il aurait aimé agir de cette façon, mais depuis son premier petit infarctus, il ménage ses émotions. Alors il me laisse bousculer la routine et comme ça, il participe sans se demander s'il ne va pas recevoir une sanction, c'est l'autre, le fou en uniforme qui fait suer les gens.

-Tu sais, j'ai une maison de campagne, j'aimerais bien y prendre ma retraite. Les enfants sont plus vieux et la pêche... C'est bon!

-Tu veux dire pas stressant Ross!

L'autre approuve, ce gros bonhomme aux joues toutes rouges, a tellement un air débonnaire qu'on a peine à croire qu'il est un enquêteur de police, je l'aurais vu épicier ou charcutier, mais il est devenu flic dans Westmount.

-J'ai faim!

Tiens, c'est drôle ça! Nous voici justement devant un restaurant chinois de la rue Notre Dame, celui qui est juste sur le viaduc. Ça aussi c'est un autre aspect de mon ami Ross, il mange, il aime manger, de là un petit ventre d'une trentaine de livres, au-dessus du poids permis.

-Bon... j'imagine que je vais t'accompagner.

L'endroit ressemble à un buffet avec des trucs, tous les plus sucrés les uns que les autres. Je ramasse donc deux eggs rolls et ce qui ressemble le plus à de la verdure. Ross de son côté a une assiette de petits os de porcs dans une sauce épaisse et sucrée, accompagnée de boules de pâte elles aussi nappées d'une sauce rougeâtre et visqueuse.

-That's good hein?

-Well, c'est pas ce que je mange, mais bon.

Effectivement, Ross regarde mon assiette et à presque envie de pleurer. Pour lui, je suis un cas désespéré.

Le patron vient faire un tour à la table et Ross me présente, le pauvre homme doit se dire, tiens, un autre pique-assiette. Bien oui, ici, le coût des aliments n'est pas très élevé, pas plus que la qualité d'ailleurs... Et le propriétaire est si heureux de nous voir.

-Tu aimes ça le secteur Westmount?

-T'es malade?

-Moi, je ne partirais jamais d'ici.

-Et moi, je ne voudrais pas rester ici!

Je crois que sincèrement, Ross adorerait que je reste, il semble que j'ajoute de la vie dans cette portion de la ville et surtout dans sa vie d'enquêteur.

-Ils ne t'ont pas gardé au 24?

-Non, je faisais trop de vagues et crois-moi ils ne vont pas me garder ici non plus.

Ross me fait un petit sourire un peu déçu, mais il sait que j'ai raison. Nous terminons nos assiettes tout en babillant sur tout et sur rien. Puis, Ross le ventre plein regarde sa montre, il est temps de repartir.

-Back to business...

On n'a pas les deux pieds dehors, qu'une chicane de ménage nous force à intervenir. Je réussis encore une fois à surprendre mon partenaire, car le bonhomme me fait juste assez suer.

-Tu vas te prendre un claque.

Mais il s'en fout ce gars, il continue à nous insulter. Pire, il pousse sa femme qui tente de le raisonner. Paf! Le voici cul par-dessus tête sur le bord du trottoir.

-Je pense que t'as magasiné, le crétin!

Le matamore ne l'attendait pas celle-là. Il reste assis par terre pendant quelques instants, un peu étourdi, sans dire un seul mot. Puis, il se relève se tenant la joue qui porte toujours la marque de mes doigts et sans qu'aucune autre parole soit échangée, il part avec sa compagne qui lui caresse la joue avec affection.

-God, toute une claque!

Ross n'a pas eu l'habitude du centre-ville.

Un appel de vol vient interrompre la conversation naissante. Ross est assez excité, enfin un peu d'action, comme nous sommes presque à côté, nous arrivons les premiers. Toute excitée, la jolie caissière nous explique d'une seule traite que deux gars ont volé la caisse et sont partis en courant vers le métro.

-Ils ont l'air de quoi?

Elle décrit les deux jeunes du mieux qu'elle peut et nous sortons en vitesse juste comme les policiers arrivent. Je veux faire un tour rapide au métro le plus proche, on ne sait jamais, la chance!

-Ok Ross, tu prends un côté je prends l'autre.

Nous voilà sur les quais, chacun de notre côté à regarder si quelqu'un semble nerveux ou essoufflé. Ross est en civil, moi en uniforme. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, les suspects vont focaliser sur moi et oublier le bonhomme en civil. Justement, un jeune qui se colle à une colonne me regarde avec nervosité. Je fais semblant de ne pas l'apercevoir tout en faisant un petit signe à Ross. Tout à coup, le lièvre détale, mais comme je suis près de l'escalier, je détale aussi. Ross est juste derrière lui et le pauvre se retrouve couché par terre et menotte aux poings. Ross réussit à me glisser entre deux halètements.

-On fait une bonne équipe tous les deux. Tu vois, on peut travailler ensemble !

Ouais, mais deux jours plus tard... J'étais transféré à mon ancien poste, le 33. Les gens de Westmount pourraient dormir tranquilles, le barbare retournait à sa jungle.

Avril 2018

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