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Pourquoi tant de méchanceté virtuelle?

Il suffit de se balader un peu dans le monde merveilleux d'Internet pour se rendre compte à quel point la méchanceté gratuite, le harcèlement, la misogynie et l'intolérance y sont devenus monnaies courantes.
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Il suffit de se balader un peu dans le monde merveilleux d'Internet pour se rendre compte à quel point la méchanceté gratuite, le harcèlement, la misogynie et l'intolérance y sont devenus monnaies courantes. Des relents d'amertume, de frustration, de jalousie et de rancœur assaillent souvent ce monde virtuel et font de lui un espace menaçant, suffocant et inquiétant. Ceux qui débitent leur haine, oseraient-ils dire aux gens dans la vraie vie ce qu'ils écrivent sur les réseaux sociaux?

Besoin de réconfort?

Le «cute» est devenu une valeur refuge pour contrer cet excès de haine et de malveillance qui envahit nos écrans. On se réjouit des petites manifestations de bonté ou de «mignonneté» qu'on rencontre notamment sur les réseaux sociaux. Résultat? On craque devant un petit chaton qui boit son lait, on fond pour un nourrisson qui regarde la télé et on est séduit par une enseignante qui fait juste son boulot, à savoir enseigner. Internet est devenu tellement méchant que l'on se met à scruter la moindre manifestation d'humanité pour se dire que tout n'est pas perdu, qu'il existe encore des «gentils» derrière leurs écrans.

Tout cela cache certainement d'autres réalités plus complexes à décrypter, mais il convient tout de même de noter qu'un sentiment de vulnérabilité est derrière cette recherche du gentil inoffensif.

Honnêtement, la plupart des phénomènes qui créent le buzz sont souvent futiles, voire insignifiants. Ils sont l'illustration même de notre quête d'un monde de bisounours virtuel et cela entraîne des millions de vues pour une femme qui porte un masque de Chewbacca et des milliers de clics pour un chat qui prend son bain dans l'évier. On cherche du réconfort et on essaye de promouvoir une autre vision de la vie virtuelle, celle qui nous veut du bien.

La majorité des tweets aux paroles misogynes viendraient des femmes et non des hommes.

Le reflet de notre société

Une étude menée conjointement par la firme de recherche et développement en intelligence sociale Brandwatch et «Ditch the Label», une organisation britannique anti-harcèlement, démontre que la majorité des tweets aux paroles misogynes viendraient des femmes et non des hommes. Selon cette étude qui a analysé des millions de tweets en langue anglaise publiés entre août 2012 et juillet 2016, 52% des tweets considérés misogynes sont postés par des femmes et 48 % par des hommes. Toujours selon cette étude, les propos utilisés relèvent surtout de l'utilisation haineuse ayant pour but d'attaquer ou de blesser intentionnellement la femme. D'ailleurs, à y réfléchir, ce résultat est-il étonnant? Pas vraiment. Et c'est une femme qui le dit.

Durant ces dernières années, plusieurs études et recherches ont été menées pour comprendre le pourquoi de cette méchanceté qui prolifère sur les réseaux sociaux. Les causes sont à la fois troublantes et fascinantes. On retiendra par exemple celle soulevée par des chercheurs de l'université de l'Illinois en 2012: les réseaux sociaux développent, entre autres, une tendance à manquer de respect lié à un désir de manipuler et de prendre l'avantage sur les autres.

Ces espaces virtuels offrent donc la possibilité à ceux qui le souhaitent de faire une purge, d'extérioriser leurs frustrations puisqu'ils ne pourront pas le faire dans la vraie vie. Leur catharsis se fera donc virtuellement à coups de propos méprisants, ultra-condescendants voire violents. La dérive avérée de l'usage de l'internet serait donc un concentré de frustrations et de manques à l'image de notre société et les réseaux sociaux donnent, visiblement, libre champ à leur déballement.

Pourquoi sont-ils si méchants ?

Sur les réseaux sociaux, on remarque aisément la prolifération de la critique destructive, des incitations à la haine, des commentaires racistes et xénophobes, du langage ordurier. Fait plus inquiétant, la recrudescence du harcèlement en ligne. La récente expérience troublante vécue par la chanteuse québécoise Andie Duquette ne fait que le confirmer ; l'artiste a été filmée en compagnie de gens qui lisaient des tweets haineux postés à son sujet. En affrontant les démons de Twitter, elle a montré le flot nauséabond de haine et de méchanceté qui prolifère dans ces espaces. Pourquoi? Qu'a-t-elle fait pour mériter cela? Rien. Personne ne mérite cela. Aucune femme ne mérite qu'on lui dise: «Je te trouve sexy comme ça, on dirait que tu viens de te faire violer».

La cyberintimidation ou le cyberharcèlement peuvent être fatals et cela n'est pas normal. Face à la cruauté, chacun agit à sa manière.

Les effets de la haine que débitent des gens tristes et frustrés derrière leurs écrans peuvent être dévastateurs. Est-ce par hasard que repos, bien-être mental et sérénité riment souvent avec déconnexion et évitement des réseaux sociaux. Oui, il faut parfois les fuir pour se rappeler que le monde virtuel est asphyxiant et que sur terre, il y a bien plus «mignon» qu'un chaton qui rote.

Faut-il rappeler que ces effets dévastateurs ont déjà été associés à des cas de suicide chez des adolescents et des incidents médiatisés? La cyberintimidation ou le cyberharcèlement peuvent être fatals et cela n'est pas normal. Face à la cruauté, chacun agit à sa manière.

Le culte de la médiocrité

Sur Internet, les gens haineux deviennent plus sûrs d'eux. Ils veulent tout critiquer et osent même donner leurs avis sur des choses qu'ils ne comprennent pas. Leurs «arguments» sont souvent vides de sens et futiles, leurs préjugés sont souvent leur unique arme d'expression. Le niveau pitoyable d'une bonne partie des commentaires sur Internet est là pour le prouver. Certains observateurs parlent même de la victoire de la médiocrité et l'impression de force procurée par l'anonymat.

Sur ce dernier point, il faudrait tout de même relativiser. Les gens assument souvent leur méchanceté. Les «trolls» existent, mais ils sont loin d'être les seuls porteurs du web contre-productif. C'est ainsi que j'ai fait, un jour, la connaissance virtuelle d'une «charmante» dame qui m'avait envoyé un commentaire raciste sur les réseaux sociaux. Laissons tomber le volet légal qui condamne ses propos. Cette dame qui ne se cachait pas a assumé ses propos en m'invitant à aller porter plainte. «Oh ma chère dame, j'ai d'autres chats à fouetter que de perdre mon temps avec des gens comme vous», aurais-je pu lui lancer. Au lieu de ça , je lui ai envoyé la photo d'un chat mignon avec la mention : «Je vous encourage à suivre une cure de désintoxication de méchanceté» accompagnée d'un «bonne journée», car il faut tout même rester poli.

Comment donner mauvaise conscience aux méchants? Cette dame m'aurait-elle lancé la même phrase si elle m'avait croisé dans la vie réelle? Oh que non et ma réaction aurait certainement été différente. Devant ce déferlement de haine, une solution paraît pour le moment efficace: vivre dans la vraie vie pour éviter la détestation en ligne.

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